jeudi 31 décembre 2009

Des voeux en forme de credo

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Je formulerai pour mes lecteurs des voeux en forme de credo. En d'autres termes, les souhaits que j'exprimerai représenteront ce qui me semble être le substrat du bonheur civique, du bonheur familial, du bonheur personnel.
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Bonne et heureuse année pour notre patrie. Je souhaite que nous puissions exposer dans l'espace public nos oppositions et nos critiques mutuelles avec bienveillance, sans complaisance certes, mais dans le respect de l'adversaire politique ; je souhaite qu'on ne le considère jamais comme un ennemi, mais comme un compatriote qu'il s'agit de convaincre par une argumentation serrée et des propositions concrètes, dont les raisons et les conséquences possibles ont été soigneusement pesées à l'aune du réel et non de l'idéologie. Je souhaite pour mon pays une prospérité qui ne soit pas concentrée sur quelques privilégiés de la chance ou de la spéculation, mais qui provienne d'un travail honnêtement réalisé mais non idolâtré. Je souhaite du travail pour nos jeunes, tous nos jeunes, et un respect réciproque des différences. Je souhaite pour ma patrie, une patrie que je chéris pour tout ce qu'elle a représenté et représente encore à mes yeux, de briller sans brûler, de donner avec élégance aux peuples démunis sans faire peser sur eux l'arrogance d'une reconnaissance exigée ou escomptée. Bref, je souhaite que la France reste ce qu'elle a toujours été : une sorte de lumière très particulière faite de légèreté, de compréhension, de générosité et de précision.
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Bonne et heureuse année aux familles. Je souhaite que les époux qui s'aiment puissent renouveler leur alliance et que ceux qui ne peuvent plus vivre ensemble sachent se séparer sans blesser la sensibilité des enfants qu'ils ont eus, sans cupidité, sans petitesse d'esprit. Aux enfants, je souhaite qu'ils puissent admirer leurs parents sans les mettre sur un piédestal, qu'ils puissent leur parler librement, demander leur avis sans forcément le suivre, avoir des amis avec qui ils peuvent échanger, rêver, construire, expérimenter. A tous, parents et enfants, je souhaite qu'ils comprennent que le bonheur n'est ni dans la possession ni dans la consommation, mais dans la relation et l'échange. Et par-dessus tout, dans une vie intérieure illuminée par le souci de la vérité.
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Bonne et heureuse année à chacun d'entre vous. Je souhaite que vous puissiez vous alléger de tout ce qui encombre et vous empêche de voir le chemin qui mène à ce bonheur tant recherché. Il y a certes autant de chemins que de personnes, mais je doute fort que ces chemins puissent conduire à d'autres sommets que celui du Thabor.
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Bonne et heureuse année à tous. Bien amicalement.

samedi 26 décembre 2009

Nadine et le verlan : quand la presse dérape

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Le journal Métro titrait sur les propos de Nadine MORANO : "MORANO sur la mauvaise pente" et commentait ainsi son titre : "Les propos de la secrétaire d'état sur les jeunes musulmans suscitent la polémique".
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Je vais d'abord démasquer la manipulation du journaliste, qui titre et sous-titre comme je viens de le dire, en citant exactement les propos du ministre : "Moi ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c'est qu'il aime son pays, qu'il trouve un travail, qu'il ne parle pas le verlan, qu'il ne mette pas de casquette à l'envers. " Première manipulation : le journaliste parle de la condamnation des jeunes musulmans et ne précise pas qu'il s'agit des musulmans français, et il utilise un pluriel là ou le ministre met son propos au singulier, de sorte, deuxième manipulation, que l'on passe d'un souhait portant pour une personne à une condamnation de toute une catégorie. J'appelle cela de la malhonnêteté intellectuelle.
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Si les propos de madame MORANO peuvent paraître maladroits, il suffit de faire un petit effort pour comprendre, au contraire, qu'ils expriment le voeux que ce jeune français musulman puisse partager la langue et la culture de tous les jeunes français de son âge, et trouver du travail. Lui demander qu'il aime sa patrie est bien le moins que l'on puisse exiger de lui. Bien entendu, le détail vestimentaire n'est qu'un détail, et après tout, des joueurs de tennis portent aussi leur casquette à l'envers. Petite erreur du ministre. Voilà, en première analyse, ce que l'on peut dire de ces propos.
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Monsieur MOSCOVICI s'étrangle et s'offusque ; "ce débat sur l'identité nationale devient n'importe quoi, entraîne des dérapages". Fort bien. Je lui demande, et il n'y a pas d'ironie, s'il prendrait un jeune français musulman - fût-il diplômé - comme attaché parlementaire si le dit attaché s'obstinait à parler en verlan et portait sa casquette à l'envers. Honnêtement, je le crois pas, pas plus qu'ailleurs on ne prendrait ce jeune comme employé, dans un magasin ou une boutique. Il pourrait trouver, et encore, un métier dans lequel le contact avec le public n'est pas constamment requis.
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Vouloir qu'un jeune s'exprime correctement dans la langue de son pays, ait un travail et manifeste un comportement qui ne heurte pas ses compatriotes n'a rien de choquant. Ce qui me choque, c'est que l'on puisse se satisfaire de l'état de ségrégation linguistique, culturelle, sociale de ces milliers de jeunes gens qui, reconnus dans leurs qualités et leurs valeurs personnelles, sont capables du meilleur : j'en ai fait l'expérience avec mes étudiants et mes élèves.
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Le mot de la fin revient à François CHENG, de l'Académie Française. Dans ce petit live merveilleux qui s'intitule Dialogue, voici ce qu'il dit de la langue : [...] un idiome n'est pas seulement un instrument objectif de désignation et de communication ; il est également le moyen par lequel chacun de nous se fait progressivement, ce par quoi chacun se forge un caractère, une pensée, un esprit, un monde intérieur mû par des sensations et des sentiments, des désirs et des rêves. Une langue prend en charge notre conscience et nos affectivités. Et à un degré plus haut, elle est ce par quoi l'homme est à même de se dépasser en accédant à une forme de création, puisque toutes nos créations, au sens large, sont un langage. Je parlais du mystère du langage humain ; je suis prêt à affirmer à présent que c'est dans le langage, toujours au sens large, que réside notre mystère. C'est bien au moyen de notre langue, à travers notre langue, que nous nous découvrons, que nous nous révélons, que nous parvenons à nous relier aux autres, à l'univers des vivants, à quelque transcendance en laquelle certains d'entre nous croient."
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François CHENG est arrivé en France à la fin de la deuxième guerre mondiale. Il venait de Chine pour entreprendre des études à PARIS. Il ne parlait pas un mot de cette langue française dans laquelle, après l'avoir maîtrisée, (et comment !), il a choisi de s'exprimer, sans jamais renier, dans sa poésie notamment, l'influence déterminante des auteurs chinois. C'est un des écrivains les plus attachants, les plus raffinés, qui soient. Franchement, ne peut-on souhaiter à nos jeunes compatriotes d'origine étrangère, sinon un même parcours, du moins une pénétration intellectuelle aussi fine ? Vouloir le meilleur pour NOS jeunes, n'est-ce pas le souhait que tout être qui aime autrui, doit former pour lui.
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Les misérables sont ceux qui se satisfont de cette situation, l'encouragent même, pour des raisons idéologiques ou électorales. Ils ont du chemin à faire avant d'arriver au petit orteil de François CHENG.
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Ps : je m'absente jusqu'au 29 inclus. Reprise des billets le 30 décembre
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jeudi 24 décembre 2009

Remerciements

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Je remercie celui de mes lecteurs qui, grâce aux pages blanches, a retrouvé mon adresse et m'a envoyé ses voeux et ses souhaits pour les fêtes de la Nativité. Il n'a pas voulu mettre sa propre adresse ni son nom. Je suis donc contraint de répondre par la très officielle voie du Blog : à lui aussi, bonnes fêtes de Noël et que l'année 2010 lui soit douce et bénie.
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Nuit de la nativité

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En complément de mon billet de tout à l'heure, ce poème de François CHENG sur la nuit. Je viens juste de le découvrir dans un petit ouvrage absolument remarquable, Dialogue, publié chez Desclée de Brouwer et Les Presses littéraires et artistiques de SHANGHAI, en 2002, dans la collection "Proches lointains". (J'en reparlerai à propos du verlan et de Nadine MORANO). Le contexte du poème n'est pas celui de la nativité, mais les quatre vers que j'en extrais s'y appliquent à merveille.
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"Vraie Lumière
celle qui jaillit de la Nuit.
Vraie Nuit
celle d'où jaillit la Lumière.
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Il n'y a rien à rajouter.

Dans la montagne de Judée

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"Il fait froid. Le vent vient du nord par petites rafales. Depuis longtemps, à Bethléem, on a éteint les lampes à huile ; de là où nous sommes je pouvais les voir trembler sur le rebord des fenêtres. Je n'arrive pas à dormir. Jean et Syméon le peuvent. Je ne sais pas comment ils font. Ils se sont assoupis, près du maigre feu, bien enveloppés dans leur houppelande de grosse laine. Le ciel est d'une pureté que je ne lui ai jamais connue ; la nuit est profonde ; les étoiles scintillent et, vers l'Est, je vois une comète, un astre qu'aucun de nos prêtres et de nos chefs ne nous avaient annoncé. Elle m'étonne mais ne m'inquiète pas. Les brebis dorment, serrées les unes contre les autres. Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble que toute la nature est en attente. Et moi aussi"
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"Ai-je la berlue ? D'où vient donc cette lumière, à cette heure ? Une lumière que je n'avais jamais vue, d'un éclat qui n'offense pas la vue mais illumine pourtant toute la montagne où nous faisons paître nos troupeaux. Jean et Syméon en sont réveillés. Nous cherchons d'où elle peut venir. Elle tombe du ciel, de partout dans le ciel. Oui, c'est une lumière qui vient du ciel, pour sûr. Et ces chants, des chants d'une beauté, d'une harmonie, que j'en ai le coeur tout bouleversé : 'Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux. Pays sur la Terre aux hommes qu'Il aime'. Des anges ! Mais ce sont des anges. Je me frotte les yeux : des anges ? Pour nous ? Pour nous pauvres bergers qui n'avons pour biens que notre manteau et notre tunique ? Qui gardons des moutons dont nous ne sommes même pas les propriétaires ? Que disent-ils donc ? Ah ! Une grotte, un nouveau-né ? Il faut aller l'adorer ?"
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"Dans une mangeoire, un tout petit dort ; il est en paix. Il sourit. Et sa maman le regarde avec amour, tandis que le père s'affaire pour que l'enfant n'ait pas froid. Un peu de paille ici, et là, un manteau, par-dessus les petites jambes. Jamais je n'ai vu une telle beauté ; jamais mon coeur n'a été dans cette plénitude de paix, de joie, d'espérance. Nous avons eu raison d'écouter les anges. Quel cadeau ! Nous nous en souviendrons, hein Jean ?"
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"Te souviens-tu Jean ? Il y a trente-trois ans ? Cet homme, ce plus beau des enfants des hommes, tu as vu ce que nos chefs et nos prêtres en ont fait ? Il n'a plus figure humaine, et pourtant, il n'a rien fait de mal, il n'a fait que du bien. Et notre lâcheté est telle, que nous ne sommes même pas au pied de la croix, avec Marie et Jean de Zébédée. Maintenant, je te le dis. Je sais que c'est Lui. D'ailleurs le centurion l'a bien dit : 'vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu'. Alors si un centurion romain le dit... "
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"Jean, Syméon, mes amis, j'ai une nouvelle à vous transmettre, que je n'arrive pas à y croire ! L'homme que nous avons vu vendredi dernier cloué sur la croix, il est ressuscité. Je le sais, c'est Marc qui me l'a dit. Même qui les a accompagnés, lui et Cléophas, sur la route d'Emmaüs. Alors, c'était pour ça, les anges, c'était pour ça les chants venus du Ciel ! C'était pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, libérer les captifs et les prisonniers, faire parler les muets, et marcher les boiteux. Maintenant, je comprends, et mes yeux, à moi aussi, se sont ouverts. Ah, je me souviendrai ma vie durant de cette nuit dans la montagne de Judée. Oui, c'était Lui, c'est bien Lui. Et il demeurera pour toujours."
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mercredi 23 décembre 2009

Quand les religions mettent un pays laïc en feu...

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Il est tout de même curieux de constater que dans un pays dit "laïc", la question des religions tiennent une place si importante dans l'espace public, l'espace politique par excellence lequel est réputé avoir confiné le religieux à l'espace privé, celui de la famille : question de la burqa, problème des minarets suscitent des commentaires de tous les milieux politiques. Ainsi, on apprend que monsieur BESANCENOT s'élève avec vigueur contre une possible loi destinée à empêcher le port de la burqa dans ledit espace. On aurait pu imaginer qu'il s'élève avec vigueur contre les persécutions qui frappent les chrétiens en Chine, à Cuba, ou dans les états hindouistes de l'Inde, voire en Egypte où l'on affame les coptes en tuant les porcs qui servent à les nourrir, sous le prétexte que ce sont des animaux impurs. De cela, les tenants de l'idéologie de gauche n'en ont cure. Je ne suis pas certain que les motifs invoqués par les idéologue de droite pour soutenir l'initiative qui vise à interdire le port de la burqa soient d'un autre tonneau que celui de la gauche : le tonneau électoral. Peut-être pourrait-on demander aux Français ?
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La véritable question, me semble-t-il, est la suivante : est-il acceptable de laisser se constituer en France des communautés, musulmanes pour la plupart, dans lesquelles le politique et le religieux se confondent ? On peut répondre oui. On peut répondre non. Tout dépend. On peut simplement envisager qu'un jour, ces communautés fortes de millions de citoyens, réclament pour elles, et un territoire là où elles sont installées, et des lois particulières qui s'accordent à leur foi.
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Nous avons, hélas, des exemples en Europe, de ces questions soulevées par la présence de fortes communautés musulmanes dans des pays chrétiens. Faut-il rappeler l'histoire récente de la BOSNIE, où - c'est épouvantable - on a massacré des milliers de musulmans parce qu'ils étaient musulmans, ou celui du KOSOVO, injustement soustrait à la souveraineté de la SERBIE, parce qu'il est peuplé de sujets musulmans albanophones ? Comment faut-il concilier la légitime liberté de culte et de foi, avec le respect des règles du bien vivre ensemble ? C'est une vraie question, et l'on ne peut y répondre par des références idéologiques. On peut inversement rappeler le génocide des ARMENIENS par les TURCS, perpétré pour les mêmes raisons que celui des Musulmans de SREBRENICA.
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De mon point de vue, seul le dialogue, un véritable dialogue, avec les lettrés et les intellectuels musulmans, en général de très haute volée, et l'appel à la responsabilité, peut permettre de trouver des issues à ces apparentes impasses. On peut également promouvoir dans les milieux musulmans des études exégétiques historico-critiques du Coran de même nature que celles que les chrétiens ont entrepris sur le Bible, promouvoir également une très forte éducation civique, et travailler à apaiser le ressentiment des peuples et des hommes qui se sentent humiliés par l'arrogance occidentale. Et puis monsieur BESANCENOT pourrait aussi prendre la relance de soeur EMMANUELLE dans les bidonvilles du CAIRE. Voilà qui mettrait en accord la théorie et la pratique. Mais, comme disait (authentiquement) ma grand-mère : "Grand parleux, p'tiot faiseux".

mardi 22 décembre 2009

Eloge de la fourmi

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J'ai trouvé dans le Livre des Proverbes, au chapitre 6, versets 6-9, ce petit texte que je dédie à Fourmi, lecteur fidèle et plein d'acribie de mes billets :
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"Va vers la fourmi, paresseux ! Considère sa conduite et deviens un sage ! Elle n'a pas de surveillant ni de contremaître ni de patron. En été elle assure sa provende, pendant la moisson, elle amasse sa nourriture. Jusques à quand, paresseux, resteras-tu couché ? Quand surgiras-tu de ton sommeil ?".
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C'est un petit clin d'oeil matutinal qui sera suivi ce soir d'un billet plus fourni. Bonne journée.

lundi 21 décembre 2009

Identité nationale, encore

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J'ai pour monsieur JUPPE le plus grand respect. Il m'apparaît comme l'un des rares hommes d'état que nous ayons en France. Je n'en suis que plus à l'aise pour exprimer mon désaccord catégorique à son refus du débat sur l'identité nationale. Sa critique porte en elle-même son propre principe de destruction. Selon lui (je cite de mémoire), "il est détestable de dresser les communautés les unes contre les autres".
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Il admet donc qu'il existe en France diverses communautés, de tradition, de culture, de langue, et de religion diverses. Dès lors il est normal de chercher, ce qui, à travers ces différences fait l'unité de la Patrie. Et il est normal de se demander si les principes républicains dont se gargarisent les uns et les autres ne sont pas en contradiction formelle avec l'existence reconnue de ces communautés.
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Je trouve assez piquant, du reste, que de nombreuses voix se soient élevées à gauche comme à droite pour refuser d'inscrire dans la constitution le droit de protéger les langues régionales minoritaires. La France est, après la Russie, le pays d'Europe qui héberge le plus grand nombre de langues : alsaciens (francique et allemanique), lorrain (bas-allemand), flamand, breton(s), basque, occitan, nissard, welsh, etc. Il est tout de même curieux de voir qu'elle a panthéonisé le fossoyeur des langues régionales, le fameux et scandaleux abbé GREGOIRE. Ainsi, le propre fonds de notre histoire culturelle est à mettre aux oubliettes, mais nous devons accepter que s'installent chez nous des communautés de langue arabe, turque, ouolof, etc. Je le voudrais bien si toutes les autres langues pratiquées chez nous étaient mises sur le même pied. Mais le République est déclarée une et indivisible, et l'esprit fédéraliste est mort avec les Girondins qui le défendaient, à juste titre.
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C'est tout simplement cette contradiction que nombre de Français, dont je suis, trouvent insupportable. Imposer à ce qu'il faut bien appeler "les Français de souche" des contraintes linguistiques, culturelles, légales, que l'on se refuse à imposer à des compatriotes (je dis bien compatriotes) venus de loin n'est tout simplement pas supportable. Je pense que les défenseurs de ce principe visent à rejeter les citoyens qui partagent ce point de vue dans les bras de l'inénarrable monsieur LE PEN. Ils peuvent toujours attendre en ce qui me concerne. Je ne ferai pas à monsieur JUPPE l'injure de lui supposer des intentions électoralistes en cherchant à retenir dans son vivier électoral potentiel des Français de sensibilité intermédiaire. Il me semble que le bon sens et la justice consiste à regarder la réalité en face. Et après tout, je croirai à la bonne fois des Pierre MOSCOVICI, Martine AUBRY, etc., le jour où ils habiteront à BARBES ou à SAINT DENIS, quand ils viennent en session parlementaire à PARIS.
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Je rappelle à mes lecteurs, en citant de mémoire, ce que disait Jean JAURES : "La Patrie est le seul bien qui reste aux pauvres". Les politiciens devraient bien méditer la parole de ce grand homme, qui appartient à la France, et non pas à la gauche.

samedi 19 décembre 2009

Une Fourmi antipapiste ?

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Fourmi est-elle antipapiste ? Certes non ! Mais il fallait bien que je trouve un titre percutant pour répondre aux objections qu'elle a émises dans le commentaire très pointu de mon dernier billet.
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Le reproche massif que fait Fourmi aux propos de Benoît XVI sur amour et vérité, est qu'il ne s'adresse qu'à des croyants, ou en tout cas - puisqu'il s'adresse aussi aux hommes de bonne volonté - à des esprits disposés à écouter ce qu'il a à dire.
Il m'apparaît qu'il est très difficile de demander au pontife une parole humaine qui puisse avoir valeur pour la totalité de l'humanité. Cela reviendrait à prendre une posture de tyran de la pensée. Benoît XVI parle au nom de Celui en qui il croit, et il indique qu'il n'est pas déraisonnable de suivre l'exemple de son Maître. Le propos est donc nuancé, même s'il est prononcé de manière un peu sèche et très "intellectuelle", ou plutôt abstraite.
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Si le recours à la raison n'est pas de nature à entraîner un début d'adhésion à cette parole, à quoi faut-il s'adresser ? Il me semble que c'est la position de Fourmi qui présuppose la foi en Jésus. Le seul recours à la raison est insuffisant, nous avons certes une intelligence qui en est le siège, mais nous avons aussi une sensibilité et une volonté. De plus, je l'ai dit souvent, la vérité n'est jamais au bout d'un raisonnement. C'est un chemin et une rencontre.
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S'il n'y a pas d'ordre dans la nature, à quoi sert le travail des chercheurs ? J'accepte tout à fait l'idée que c'est l'intelligence de l'homme qui l'y met ; mais je crois plus juste, et en tout cas plus conforme à mon expérience de chercheur, de dire que l'homme par son intelligence le découvre, et s'en émerveille : il faut avoir vu, comme je l'ai vu, des fibres musculaires en culture dans une boîte de Petri, innervées par de moelle épinière, se contracter rythmiquement pendant des mois, pour être en admiration devant l'ingéniosité que déploie la vie.
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Si la nature n'a rien à nous dire, à quoi sert la revendication écologique ? Bien entendu, la nature ne "pense" pas, mais elle est dans un équilibre fragile qui peut vaciller au moindre choc. Et le déséquilibre produit des effets nocifs. Nous le voyons bien avec la question de la déforestation, de la perte de la biodiversité, de la pollution de l'eau, de l'air et de la terre, dont nous sommes, nous les hommes, responsables et comptables. La question de la nature s'étend aussi à celle de la nature humaine. Qu'est-ce qu'un homme ? Une machine à produire ? Une machine à consommer ? Un être de parole ? Quelqu'un qui cherche du sens ? Un être de relation ? Peut-on penser qu'il existe de multiples réponses à ces questions ?
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Ainsi, il est juste de faire appel à l'ordre naturel comme fondement d'une politique juste et vraie. (C'est toute la raison du sommet de COPENHAGUE.) Il en découle que nos comportements doivent s'y adapter. Il ne s'agit pas seulement de nos comportements "animaux", mais aussi de nos comportements "moraux", notamment dans le domaine de la sexualité et du respect de la vie. Ainsi, les Chinois paieront très cher la politique l'enfant unique, et le déséquilibre du "sex ratio" qui fait naître dans certaines provinces 130 garçons pour 100 filles (en raison des avortements qui sont pratiqués quand la première grossesse d'une jeune femme prévoit la naissance d'une fille).
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Ainsi, il n'est pas d'ordre politique juste et moralement fondé qui viole les lois de la nature. C'est tout ce que Benoît XVI veut dire. J'ajoute qu'il est absolument indispensable de pouvoir justifier devant autrui les prémisses rationnelles de la foi, laquelle bien évidemment suppose autre chose. Je reviendrai un jour sur cette question si importante. Mais j'ai de nombreuses raisons de croire que Jésus est bien celui qu'il a dit être.
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jeudi 17 décembre 2009

Amour et vérité se rencontrent

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Un ami lecteur qui m'est très cher, me fait parvenir par courriel un texte qui reprend une catéchèse de BENOÎT XVI, donnée hier à Rome. Je pensais vous parler aujourd'hui des critiques idiotes qui portent sur les propos tout à fait justifiés de madame MORANO. Je le ferais plus tard. Mais je le ferai, tout en produisant un petit commentaire sur le ministre si bêtement attaqué.
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Que dit donc BENOÎT XVI ? Ceci : « L'action sociale et politique ne doit jamais être détachée de la vérité sur l'homme et sur sa dignité ». Il a délivré cette catéchèse lors de l'audience consacrée au théologien médiéval de l'école de Chartres, Jean de SALISBURY, en présence de quelque 9000 personnes rassemblées dans la salle Paul VI du Vatican.
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A la fin de sa catéchèse, Benoît XVI a rappelé que dans son encyclique Caritas in veritate, il s'est adressé « aux hommes de bonne volonté, qui s'engagent afin que l'action sociale et politique ne soit jamais détachée de la vérité objective sur l'homme et sur sa dignité ». Vérité et amour sont indissociables. Et de citer ce passage : «La vérité et l'amour que celle-ci fait entrevoir ne peuvent être fabriqués. Ils peuvent seulement être accueillis. Leur source ultime n'est pas, ni ne peut l'être, l'homme, mais Dieu, c'est-à-dire Celui qui est Vérité et Amour. Ce principe est très important pour la société et pour le développement, dans la mesure où ni l'une ni l'autre ne peuvent être produits seulement par l'homme. La vocation elle-même des personnes et des peuples au développement ne se fonde pas sur une simple décision humaine, mais elle est inscrite dans un dessein qui nous précède et qui constitue pour chacun de nous un devoir à accueillir librement» (Caritas in Veritate, n. 52).
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BENOÎT XVI souligne les présupposés spirituels et les conséquences sociales de cette conception de l'homme : « Nous devons rechercher et accueillir ce dessein qui nous précède, cette vérité de l'être, afin que naisse la justice, mais nous pouvons les trouver et les accueillir qu'avec un coeur, une volonté, une raison purifiés dans la lumière de Dieu ».
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De son côté, Radio Vatican titre sur le risque d'une « dictature du relativisme » qui est un effet de la déconnection « préoccupante dans certains pays », « entre la raison et la liberté. La raison, a souligné BENOÎT XVI, a pour rôle de « découvrir les valeurs éthiques liées à la dignité de la personne humaine ». Et la liberté, « a le devoir de les promouvoir ». Le pape a souligné que le développement d'une société n'est pas un « produit », mais qu'elle plonge ses racines dans le dessein d'amour de Dieu pour ses créatures. Et le pontife a enfin souligné les implications très concrètes et l'actualité du « rapport entre loi naturelle et organisation juridique », dont parle jean de Salisbury en son temps. : « Peut-être Jean de Salisbury nous rappellerait-il aujourd'hui que ne sont conformes à l'équité que les lois qui protègent le caractère sacré de la vie humaine et qui repoussent la légalisation de l'avortement, de l'euthanasie et des expériences génétiques irresponsables, des lois qui respectent la dignité du mariage entre l'homme et la femme, qui s'inspirent d'une laïcité de l'Etat correcte - une laïcité qui comporte cependant toujours la protection de la liberté religieuse -, et qui recherchent la subsidiarité et la solidarité au niveau national et international ».
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« S'il en était autrement, poursuit le pape, ce que Jean de Salisbury définit comme la «tyrannie du prince» ou, dirions-nous, «la dictature du relativisme» finirait par s'instaurer : un relativisme qui, comme je le rappelais il y a quelques années, « ne reconnaît rien de définitif et ne laisse comme mesure ultime que le moi et ses envies».
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Je ne pensais pas que cette catéchèse illustrerait si pertinemment mon billet d'hier. Je citais quelques extraits du "Désenchantement du monde", et je rappelais que les droits de Dieu s'imposent à ceux de César. Cela revient à dire que l'événement réellement fondateur de la société est l'acte créateur de Dieu, et non pas la Révolution française ou un quelconque événement antérieur. Il se trouve en outre que madame MORANO, dont je parlerai demain, a pris en matière de bioéthique des positions très contestables, notamment dans son approbation des mères porteuses pour le compte d'autrui. Comme quoi l'on peut dire à la fois des choses justes quand il s'agit d'analyser des faits, et émettre des jugements de valeur tout à fait contestables quand il s'agit de morale, d'éthique et de comportement. Que voulez-vous, nul n'est parfait, ni votre serviteur, ni madame MORANO.

mardi 15 décembre 2009

En s'accrochant, on peut comprendre...

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J'ai déjà parlé de ce livre d'accès difficile mais tellement intéressant, je veux parler du Désenchantement du Monde, de Marcel GAUCHET. Je trouve a chapitre intitulé "Dynamique de la transcendance", ce constat qui me semble être au coeur des difficultés que traverse notre monde contemporain :
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"Le pensable nouveau - que la société a son principe de constitution en elle-même - est à comprendre au regard de la réalité de l'État souverain, cet État ramassant en lui, avec le principe actif de la cohésion collective - ce qui continue de tenir la société ensemble -, le droit général d'administration inhérent à l'autosuffisance de la sphère terrestre. Or, à partir du moment où il est ainsi d'un côté devenu concevable que le lien de la société procède d'un acte originaire d'instauration, et où il est en pratique posé, de l'autre côté, que la somme de ce qui fait être la société comme elle est se trouve au moins potentiellement concentré dans l'instance politique, une dynamique est irrésistiblement enclenchée qui garantit à plus ou moins longue échéance l'interpénétration de deux dimensions, la fusion de l'idéal et de l'agi, l'alignement du fonctionnement social au présent sur la norme illustrée par le passé fondateur. Car la condensation dans l'État d'un fondement collectif supposé tenir à des raisons d'ici-bas signifie la subversion et la ruine du principe hiérarchique."
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Le texte est difficile, j'en conviens. On peut essayer de comprendre ce qu'il veut dire, et qui rejoint ce que j'ai eu l'occasion de suggérer dans nombre de mes billets. (a) Le régime politique sous lequel nous vivons fait référence à un acte fondateur relativement récent au regard des temps historiques : celui de la Révolution. Cet acte fondateur est présenté (mensongèrement selon moi) comme un idéal, et la politique actualisée, celle que les générations qui se sont suivies depuis l'avènement de la République ont promu, l'a été et l'est comme une mise en oeuvre, un agi de cet idéal fondateur. (b) Le pouvoir en place est l'organe souverain qui, selon le mot de GAUCHET, "accroît son contrôle, et sa prise en charge de la vie sociale", et en conséquence, "défait l'image organisatrice d'antériorité-supériorité de l'ordre social". Il en résulte que cet ordre social apparaît "comme issu de la volonté d'individus qui, en droit, lui préexistent", et qui "en fonction de cette indépendance primitive et de la suffisance de chacun à lui-même [...] ne peuvent être conçus que comme abstraitement égaux". (c) L'appareil administratif faisant peser de plus en plus lourdement son autorité, l'imposition de règles à des inférieurs par des supérieurs n'est plus légitime, et la logique de la représentativité devient de plus en plus évidente : ce mouvement explique les effarouchements des beaux esprits après le vote des Suisses sur les minarets. Les Suisses n'ont pas pour acte fondateur une Révolution, mais des pactes successifs entre petites régions et la volonté farouche de défendre la liberté de ces dernières et de donner au peuple toujours le dernier mot. En Suisse, l'ordre social vient moins de l'État que du Peuple. La représentativité des élus y a moins d'importance que chez nous. (d) Le système démocratique à la française a détruit tous les corps intermédiaires et il laisse le citoyen seul et désarmé devant l'État ; ceci est le corollaire de la disparition de la hiérarchie, présentée comme inégalitaire et injuste.
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Mais dit plus loin GAUCHET, "A côté, ou plutôt au-dessous de l'être social, pris au-dehors dans le réseau des contraintes communautaires et des obligations envers César, il y a [...] un homme intérieur, absolument indépendant en ultime ressort, au fond de lui-même dans sa relation à Dieu. A l'acteur lié par les appartenances de ce monde répond, en chaque croyant, la personne déliée par l'engagement envers l'autre monde." Il me semble que ce constat résume à lui tout seul l'impasse dans laquelle la démocratie s'est fourvoyée, et les raisons pour lesquelles les tenants de la République ont tellement voulu détruire l'Église, et tout spécialement l'Église catholique. Pour eux, la volonté collective (une idée parfaitement abstraite, dépourvue de toute réalité) doit être placée au-dessus des volontés individuelles, surtout quand celles-ci refusent de s'incliner, pour de bonnes raisons, devant César. La démocratie a un côté totalitaire et elle l'ignore.
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Selon moi les droits de la conscience éclairée sont au-dessus des lois humaines, et nul n'est tenu d'y obéir si elles heurtent manifestement la justice, la vérité, les exigences de la nature et, j'ose le dire, celles de Dieu. Encore faut-il y croire. Ainsi le conflit a des causes clairement identifiées : les droits de Dieu contre ceux de l'Etat.

Trahison et ralliement !

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Le Parti Socialiste n'a pas eu de mots assez durs pour monsieur Eric BESSON qui, après avoir été conseiller de madame ROYAL, a rejoint les rangs de la majorité. C'est un traître, un renégat, un vendu, dit-il.
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A-t-on seulement prêté attention au changement d'étiquette de monsieur Jean-Luc ROMERO, ci-devant chargé à l'UMP des questions du SIDA, en relation avec l'homosexualité. Monsieur ROMERO a rejoint le PS, et figure sur la liste de monsieur HUCHON pour les élections régionales. Tiens, là ce n'est pas un traître, ni un renégat, ni un vendu. C'est un homme lucide qui a enfin ouvert les yeux, dit le Parti Socialiste qui lui ouvre grand les bras. Monsieur ROMERO n'a sans doute pas l'envergure de monsieur BESSON, mais enfin c'est une personnalité qui n'est pas négligeable. Il a, en outre, révélé publiquement son homosexualité et c'est un atout quand il s'agit de piper des voix.
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Et si tout simplement on reconnaissait aux hommes politiques le droit à l'erreur, sans leur faire de procès d'intention quand ils changent de camp ou d'opinion ? On peut toujours chercher des arrière-pensées à ces modifications d'appartenance. On peut aussi admettre qu'ils résultent d'une combinaison de l'analyse rationnelle des situations et de l'intérêt personnel. Bref, on peut désapprouver ces changements, ces volte-faces, sans y voir la trace de sombres manigances. Monsieur BESSON tout comme monsieur ROMERO avaient le droit de choisir un nouveau camp. Si j'en crois les sondages, monsieur ROMERO a toute chance d'être élu. Tant mieux pour lui. Espérons qu'il défendra, sans complaisance mais sans confusions, la dignité des homosexuels, trop souvent bafouée, sans accorder à l'homosexualité une place que ni la nature ni l'intérêt de la société n'exigent.
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lundi 14 décembre 2009

San Antonio et le miroir

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J'ai passé quelques jours à la campagne chez mon frère. C'est un grand amateur des aventures de San Antonio, et un admirateur du style picaresque et de la débordante imagination de Frédéric DARD. Il a dans sa bibliothèque les oeuvres complètes des aventures du commissaire le plus célèbre de notre littérature, Maigret excepté. Vous dire que je passerai mon temps à lire les dizaines de volumes qui relatent les folles aventures de San An. et de Béru serait faux. Mais il m'arrive de temps à autre de me dilater la rate en en lisant les meilleurs feuilles. Bien m'en a pris pendant mon séjour ; voici ce que l'auteur met dans la bouche de son héros. On passera sur quelques crudités de la langue pour ne s'attacher qu'au fond et aux idées.
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"Je crois que", fait dire à San Antonio Frédéric DARD, "pour changer le monde, faudrait commencer par supprimer les miroirs. A force de ne plus pouvoir narcisser, les gens finiraient par s'oublier un peu, du moins par perdre cette fausse notion d'eux-mêmes qui leur entartre l'esprit. La chiasserie" [oh ! pardon, se permettra de dire ici votre serviteur] "vient de ce qu'ils s'admirent, s'auto-vénèrent. Ils sont leur propre religion, leur vraie politique, leur seul horizon, l'ambition de leur vie. Ils prennent envie d'eux sitôt qu'ils ouvrent les yeux sur leur image. Ah ! oui, brisons les miroirs pour qu'entre nous la glace soit enfin rompue. On écoperait peut-être de sept années de malheur, mais on serait tellement heureux ensuite."
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Au delà de la désespérance et de la mélancolie de ces lignes, qui témoignent bien de la profondeur d'esprit de Frédéric DARD, il y a une vérité. Il ne me paraît pas nécessaire de commenter davantage... Jamais, en effet, on a mieux fustiger ce que j'appelle "l'auto-ombiloscopie", habitude qu'ont nos contemporains de se contempler le nombril.

dimanche 13 décembre 2009

Démocratie et minarets

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Les citoyens de la Confédération Helvétique ont donc voté : ils ne veulent pas que l'on construise de minarets dans leur pays. Ils n'ont pas dit "mosquées", ils ont dit "minarets". Ce vote a entraîné la réprobation de nombreuses organisations, partis, personnalités, et c'est surtout en France que la réprobation a été la plus incisive et la plus venimeuse.
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Première observation : ce vote a été rendu possible, au titre des référendums d'initiative populaire, parce que le nombre requis de citoyens l'ont expressément demandé. Il y a eu un débat avant le vote. L'alternative était claire : oui ou non ; en ce sens elle satisfaisait au théorème de CONDORCET qui dit que l'opinion majoritaire ne peut être connue si plus de deux choix sont ouverts au suffrage. Enfin, comme le veut la constitution helvétique, la double majorité, celle du peuple, et celle des cantons a été atteinte. On peut raisonnablement conclure que le processus était démocratique au sens où l'entendent nos chers philosophes des Lumières : c'est bien l'opinion majoritaire du peuple suisse qui a été exprimée par ce vote.
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D'où vient donc la réprobation des contempteurs de nos voisins ? Car elle a bien une origine. On peut observer que ceux qui critiquent les résultats sont clairement des démocrates. La réprobation ne jaillit pas d'un supposé viol du principe démocratique qui leur est si cher (il y aurait pour eux une contradiction insoutenable) : il attribue au peuple et au peuple seul la souveraineté, et ce principe a bien été respecté. La réprobation prend ailleurs son origine. Je vois deux ou trois justifications aux critiques : (a) la première est que le résultat du vote ne satisfait pas l'idéologie de ceux qui s'en désolent ; le peuple aurait raison quand il va dans le sens de leur idéologie ; il est manipulé, il est la proie des passions, il vote sous le coup de l'émotion et son opinion n'a pas de valeur, quand il va dans le sens contraire. On met donc ici l'idéologie au-dessus de la démocratie, et c'est clairement un point de vue totalitaire ; (b) la deuxième origine, plus respectable, est que dans une démocratie où la souveraineté du peuple est déléguée à des représentants élus, il y a des débats plus approfondis, des filtres de procédure, de discussions en commission, d'accumulation d'informations sur les causes et les conséquences de la proposition ou du projet de loi, et que la formule finalement adoptée est celle d'un compromis, imparfait certes, boiteux sans doute, dans lequel majorité et minorité se retrouvent ; (c) il y a une troisième origine possible : celle d'une exigence morale qui transcende toutes les petites ou grandes bassesses de l'âme humaine, depuis la vengeance jusqu'à la crainte. C'est, en gros, la position du Vatican, qui a exprimé un avis très critique sur ce vote.
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Dans tous les cas, on voit que le principe démocratique n'est jamais appliqué, sauf en Suisse. Il est violé (totalitarisme de l'idéologie), édulcoré (démocratie représentative), ou surplombé par des exigences morales qui ne dépendent pas des circonstances du moment, et valent pour tous les temps ou tous les lieux. Mais dans tous les cas aussi, sauf celui de la Suisse, les acteurs politiques placent au-dessus du principe démocratique, soit la volonté de puissance, soit le compromis réaliste, soit l'exigence de vérité.
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L'affaire des minarets est très révélatrice de l'illusion dans laquelle nous vivons. Il n'y a pas de volonté collective car dans nos régimes représentatifs, les solutions adoptées ne satisfont jamais chacun des membres de la collectivité. Il est vrai que nous acceptons théoriquement la règle démocratique qui exige de chacun des citoyens qu'il s'incline devant la loi de la majorité ; c'est bien le seul point d'accord, et cela est vrai aussi pour la Suisse, malgré la clarté du choix proposé, qui empêche que l'on nuance les décisions et les lois. Mais aucun citoyen n'est totalement satisfait des solutions adoptées. Et l'insatisfaction prend sa source en de multiples lieux : celui du sordide intérêt parfois, de l'aveuglement ou de l'ignorance souvent, celui des principes idéologiques, et celui bien plus noble, bien plus fécond, bien plus exaltant qui veut notre préférence pour Dieu et non pour les hommes. Je vais plus loin encore : nos choix, nous les faisons en fonction des idoles que nous nous sommes forgées.
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Thérèse de Lisieux disait : "C'est la confiance, et rien que la confiance qui peut nous conduire à l'amour". Je n'aurais pas eu le courage de voter oui aux minarets si j'avais été suisse, car je n'aurais pas eu confiance... Voilà sans doute où est le noeud du problème.

Reprise

Plusieurs lecteurs m'ont demandé de reprendre plus tôt que prévu mes billets. Je le fais donc, en demandant aux commentateurs de donner leur avis, de manifester leur opposition si nécessaire, en respectant la règle d'or : ne pas faire à autrui ce que l'on ne voudrait pas qu'il nous fasse. D'avance merci.

jeudi 3 décembre 2009

Interruption

Devant l'aigreur que prennent les échanges entre mes lecteurs, j'ai décidé d'interrompre le Blog pendant quelques jours. Le temps pour chacun de comprendre que la vérité ne se possède pas, qu'elle se cherche, qu'elle est rencontre.
Je pense reprendre d'ici deux à trois semaines.