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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des
terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée dans le ciel.
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1. CHESTERTON
ET MONSIEUR TENNIS.
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La
fin du tournoi open de Roland Garros, marqué, selon les journaux,
par la débâcle du tennis français, me pousse à vous faire connaître l’opinion
de notre très cher Gilbert Keith CHESTERTON qui répondait au fameux joueur de
tennis américain TILDEN, lequel prétendait que « rien ne peut sauver le
tennis anglais ».
"[…].
Il s’avère que les Anglais ont une attitude bizarre et artificielle de
considérer le tennis comme un jeu et un amusement. Monsieur TILDEN a reconnu
qu’on retrouve cet esprit amateur des Anglais aussi dans les autres domaines,
ce qui constitue, comme il l’a remarqué avec justesse, un trait de notre
caractère national. Malgré tout cela s’avère être un obstacle à ce qu’il a
appelé « le sauvetage du tennis anglais ». Il pensait à ce que certains
nommeraient le perfectionnement du tennis et d’autres sa professionnalisation.
C’est un exemple très typique, pris au hasard dans la presse et exprimant les
vues d’un esprit fin et pénétrant sur un sujet qu’il connaît très bien. Et
pourtant, il ne comprend pas ce qu’il pense devoir comprendre. Il connaît très
bien son sujet et cependant, il ne sait pas de quoi il parle puisqu’il ignore
ce qu’il sous-entend. Il méconnaît les moyens et les fins, les axiomes et les
conséquences de sa propre philosophie. Et probablement personne ne serait plus
surpris, et même légitimement offusqué, si je disais que les premiers principes
de sa philosophie paraissent être les suivants : 1. ― Il y a dans la
nature des choses un certain Être absolu et divin dont le nom est Monsieur
Tennis. 2. ― Tous les hommes vivent pour le bien et la gloire de ce Monsieur
Tennis et doivent tendre à imiter sa perfection et accomplir sa volonté. 3. ―
En raison de ce devoir suprême ils doivent sacrifier leur désir naturel de
détente dans cette vie. 4. ― Cette loyauté est la plus importante : il
faut aimer Monsieur Tennis plus que la tradition patriotique, plus que la
sauvegarde du caractère national et de la culture du pays, plus que les vertus
anglaises. Voilà à quoi correspond la croyance ou la doctrine que l’on nous
présente ici sans la définir pour autant. Le seul moyen de sauver le tennis
c’est de l’empêcher d’être un jeu. Le seul moyen de sauver le tennis anglais
c’est de l’empêcher d’être anglais. Et ce genre de penseurs n’arrive pas à imaginer
que certaines personnes aiment le tennis tout simplement parce qu’il est
anglais, et l’apprécient tout bonnement parce qu’il est agréable. Or la chose
exigeant de tous une obédience inconditionnelle, au prix même des sacrifices de
son plaisir ou de son affection, connote un certain idéal divin. Lorsque les
chrétiens l’affirment des sacrifices accomplis pour le Christ, cela sonne
plutôt sévère. Mais lorsqu’un joueur de tennis demande de se sacrifier pour le
tennis, cela apparaît ordinaire et circonstancié dans le chaos de la pensée
contemporaine. Et personne ne s’aperçoit que c’est une sorte de sacrifice
humain que l’on offre sur l’autel d’une nouvelle divinité sans nom."
In
Gilbert Keith CHESTERTON.
Pourquoi je suis catholique. Préface de
l’abbé François-Marie CHAUTARD. Traduction collective dirigée, revue et annotée
par Wojciech GOLONKA. Chapitre 5. La logique et le tennis. Page 79
Via Romana/Institut Universitaire
Saint-Pie X, Versailles, 2017. (Distribué par Salvator.)
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2. EST-IL
NÉCESSAIRE DE COMMENTER ?
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Je
m’étonnais, et je continue de m’étonner, que si peu de lecteurs se soient
joints à ma protestation contre les journalistes du Parisien qui ont commis contre le fameux Lycée Saint-Jean-de-Passy une
mauvaise action. Je m’étonnais, notamment que si peu de jeunes qui avaient
fréquenté ou fréquentent cet établissement n’aient pas fait chorus.
Il
en va des études comme du tennis… Monsieur Étude exige des sacrifices, souvent
bien plus douloureux que les sacrifices demandés par le Maître pour notre
bonheur.
Il
est dommage que CHESTERTON ne soit plus de ce monde. Il aurait certainement
pourfendu ce nouveau Dieu qu’est le Dieu de la réussite sociale auquel tant de
jeunes gens et jeunes filles sacrifient leur jeunesse et leur temps pour passer
en section S, rejoindre une prépa prestigieuse, et faire une belle carrière.
Voyez-vous,
il me semble que les événements se chargent de nous enseigner. Le tournoi de
Roland GARROS signifie exactement la même chose que le tournoi du Bac ou de Parcourssup.
Si des sommes considérables, qui se chiffrent par millions et millions d’euros,
n’étaient pas en jeu dans ce tournoi, il n’aurait aucun répercussion
médiatique, et il n’est pas sûr que nous lui accorderions l’attention soutenue
et enthousiaste qui nous habite en ce juin pluvieux. Vous avouerais-je que j’admire
le tennis, la beauté des échanges, mais que je déplore son instrumentalisation
par le fric ?
Il
en va de même pour les études : elles sont faites pour accéder à une
connaissance supérieure et choisir avec discernement et connaissance de cause
une orientation professionnelle accordée à ses goûts et ses compétences ;
elles ne sont pas faites pour réussir dans la vie, mais pour réussir sa vie.
Tout le reste est de l’idolâtrie. J’ai le bonheur de connaître des jeunes qui l’ont
compris et n’ont pas accroché leur bonheur à l’obtention d’un diplôme si
prestigieux soit-il ! C'est bien cela le pari bénédictin.
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