mardi 24 mars 2020

Mardi 24 mars 2020. Didier Raoult a mille fois raison.

Comme je l’ai déjà dit, un virus ne peut se multiplier que dans une cellule vivante. Point n’est besoin de sortir de polytechnique pour comprendre, par conséquent, qu’il doit y entrer d’abord pour exprimer son pouvoir infectieux.
Dans tous les cas, le virus doit d’abord reconnaître, à la surface de la cellule, ce que l’on appelle un récepteur. Il y a une spécificité de reconnaissance entre la cellule cible et le virus. C’est ce qui va déterminer le type de cellule qu’un virus donné va infecter. Le SRAS-CoV-2 responsable de la pandémie actuelle reconnaît une molécule de surface, appelée ACE pour angiotensin-converting enzyme, enzyme responsable de conversion de l’angiotensine I en angiotensine II.  (En fait il existe deux types d’ACE, la 1 et la 2 ; le récepteur du SRAS-CoV-2 est l’ACE2). Il se trouve que les cellules de l’épithélium pulmonaire expriment de hauts niveaux d’ACE. Il est important de comprendre que l’ACE est membranaire.
Quand un virus a reconnu son récepteur cellulaire, il peut pénétrer dans la cellule par trois mécanismes différents : (a) l’endocytose convoyé par des récepteurs et ce que l’on appelle des vésicules encroûtées ou puits à clathrine ; (b) la fusion de son enveloppe (pour les virus enveloppés) avec la membrane plasmique ; (c) la traversée directe.
Tous les virus peuvent rentrer en utilisant le premier mode d’endocytose. De quoi s’agit-il ? Les cellules forment en permanence ce que les anglais appellent les coated pits et les français des puits encroûtées. Il s’agit de petites invaginations de la membrane cytoplasmique, doublées sur leur face interne par une molécule que l’on appelle la clathrine. Au fur et à mesure que la clathrine s’accumule, le puits grandit en formant un col, puis le tout finit par se fermer et donne naissance à un endosome. Nous allons voir que c’est la suite qui est intéressante. En général, le récepteur n’est pas forcément exprimé dans la partie de la membrane incluse dans un puits encroûté. Mais le complexe virus-récepteur est mobile dans la membrane plasmique et finit par tomber dans un de ces fameux puits et donc dans un endosome.
Le deuxième mode n’intéresse que les virus enveloppés. Souvent ces virus expriment dans leur enveloppe des spicules ayant des propriétés fusionnantes. Dans ce cas (exemple, le virus respiratoire syncytial, ou le virus de Sendaï). Dans ce cas l’enveloppe virale fusionne avec la membrane plasmique et délivre directement son contenu dans le cytoplasme de la cellule.
Le troisième mode, à ma connaissance, intéresse surtout les virus oncogènes enveloppés et les Reovirus.
Il y a de bonnes raisons de penser, comme l’indique ce résumé (je le laisse en anglais) que le SRAS-CoV-2 utilise le premier mode de pénétration dans la cellule, celui de la voie endosomique/lysosomique :

"The first steps of human coronavirus NL63 (HCoV-NL63) infection were previously described. The virus binds to target cells by use of heparan sulfate proteoglycans and interacts with the ACE2 protein. Subsequent events, including virus internalization and trafficking, remain to be elucidated. In this study, we mapped the process of HCoV-NL63 entry into the LLC-Mk2 cell line and ex vivo three-dimensional (3D) tracheobronchial tissue. Using a variety of techniques, we have shown that HCoV-NL63 virions require endocytosis for successful entry into the LLC-MK2 cells, and interaction between the virus and the ACE2 molecule triggers recruitment of clathrin. Subsequent vesicle scission by dynamin results in virus internalization, and the newly formed vesicle passes the actin cortex, which requires active cytoskeleton rearrangement. Finally, acidification of the endosomal microenvironment is required for successful fusion and release of the viral genome into the cytoplasm. For 3D tracheobronchial tissue cultures, we also observed that the virus enters the cell by clathrin-mediated endocytosis, but we obtained results suggesting that this pathway may be bypassed."

Entry of Human Coronavirus NL63 into the Cell.
Aleksandra Milewska,a,b Paulina Nowak,a,b Katarzyna Owczarek,a,b Artur Szczepanski,a,b Miroslaw Zarebski,c Agnieszka Hoang,c Krzysztof Berniak,c Jacek Wojarski,d Slawomir Zeglen,d Zbigniew Baster,e Zenon Rajfur,eKrzysztof Pyrca,b
Journal of Virology, 92 (3), plie01933-17, 2018. DOI: 10.1128/JVI.01933-17

Dans la réalité la fixation du SRAS-CoV-2 à la cellule est sensiblement plus complexe, mais n’invalide pas ce qui vient d’être dit. Notons aussi que les auteurs ci-dessus ont des résultats suggérant que la voie des vésicules à clathrine peut être court-circuitée. On peut penser qu’ils évoquent une entrée par fusion directe de l’enveloppe virale et de la membrane cytoplasmique.
Un schéma (équipe du Pr RAOULT ; https://doi.org/10.1016/j.ijantimicag.2020.105938 ) explique (de manière un peu compliquée certes) comment pourrait agir l’hydroxychloroquine. Vous pouvez le consulter grâce au lien.

Vous voyez que le virus rentre par endocytose et que dans l’endosome tardif, le pH diminue, l’acidité augmente. Cette acidification est nécessaire pour que le virus puisse déverser son génome dans le cytoplasme cellulaire par activation d'une protéine virale de fusion. Si l’on empêche l’acidification de l’endosome tardif (ce que font la chloroquine et l’hydroxychloroquine) on diminue ou inhibe la rentrée définitive du virus dans le cytoplasme. La recommandation qui est faite par les autorités de santé de réserver l’hydroxychloroquine au cas grave est une ineptie. C’est au début du cycle infectieux qu’il faut agir.
L’équipe de Didier Raoult se fonde sur les travaux de BURKARD et al. PloS Pathog, 10 :e1004502, 2014 quant au mode d’entrée du virus dans la cellule. L’article de ces chercheurs est intitulé Coronavirus cell entry occurs through the endosomal/lysosomal pathway in a proteolysis-dependant-manner.

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