dimanche 24 mai 2020

Dimanche 24 mai 2020. J'avais dit que j'arrêtais, mais je ne peux pas me taire devant la malhonnêteté intellectuelle

ANALYSE DE L’ARTICLE DU LANCET.

Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of covid-19 : a multinational registry analysis.
Lancet, 22 mai 2020.

A. Les auteurs.

Ils sont au nombre de 4 : M.R. MEHRA, S. S DESAI, F. RUSCHITZKA and A.N. PATEL.

Le Pr M.R.MEHRA exerce au Brigham and Women’s Hospital Heart and Vasculature Center and Harvard Medical School, BOSTON.
Il est clair que l’on n’est pas professeur à la prestigieuse faculté de médecine de HARVARD si l’on est un nul. Le Pr MEHRA est un cardiologue très réputé. Je note cependant qu’il a été mis dans la position de devoir répondre à des remarques (ou des critiques, je n’ai pas pu le savoir), au moins à deux reprises, une fois en 2019, une autre en 2017.

Response by MEHRA et al to Letter regarding article Hemocompatibility-related outcomes in the MOMENTUM 3 trials at 6 months : a randomized controlled study of a fully magnetically levitated pump in advanced heart failure. Circulation, 7, 1872-1873, 2017 by Mehra MR, Sundareswaran KS, Uriel N.

Response by MEHRA et al to Letter regarding article Comprehensive analysis of stroke in the long-term cohort of the MOMENTUM 3 study : a randomized control trial of the heartmate 3 versus hearmate II cardiac pump. Circulation, 140 (4) : e165-e166, 2019, by Mehra MR and Colombo P.C.

Par ailleurs, le Pr MEHRA est coauteur avec le Dr F. RUSCHITZKA d’un article remarquable intitulé : Covid-19 illness and heart failure : a missing link ? publié dans le JACC Heart Failure, S2213, 1779 (20) 30150-5 qui est en accès libreDeux point méritent d’être soulignés : le Pr MEHRA est un spécialiste des essais randomisés et ses publications sur ce point suscitent des questions pour autant que je puisse en juger ; le second est qu’en tant que cardiologue réputé, le Pr MEHRA s’est intéressé aux relations entre l’infection par le SRAS-Cov-2 et les troubles cardiaques. Sa publication date du 10 avril 2020. Et c’est en raison de la toxicité cardiaque éventuelle de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine qu’il s’est intéressé avec RUSCHITZKA au traitement de la Covid 19. Dans le Tableau 1 de l’article que je cite, il prend bien soin d’établir une liste des questions concernant le cœur et le niveau de gravité de l’infection : asymptomatic or early mild disease with constitutional symptoms, moderate disease with pulmonary complications and shortness of breath (including hypoxia), advanced stage disease with hypoxia, vasoplegia and shock. Il s’ensuit, on le comprend aisément, que pour étudier les effets délétères éventuels de l’hydroxychloroquine jointe à l’azithromycine, il est nécessaire de connaître l’état initial du patient à qui le traitement est administré, ce que MEHRA ne manque pas de souligner dans le dernier paragraphe de cet article. Mais dans son analyse, il ne reprend pas cette très judicieuse classification.

Le Dr S. DESAI est chirurgien vasculaire. Il le fondateur de Surgisphere Corporation, une société d’analyse de données. J’ai trouvé 204 références d’articles dont le Dr S. DESAI est coauteur. La société Surgisphere a amplement soutenu les dépenses liées à la collection des données. Le fait est mentionné en ces termes dans l’article du Lancet : The development and maintenance of outcomes collaborative database was funded by Surgisphere Corporation (Chicago, Illinois, USA). C’est une société commerciale, semble-t-il, qui vend des services d’analyses de données à des fins diagnostiques (ainsi que des réactifs pour diagnostiquer la Covid-19) . Je n'arrive pas à retrouver la page où l'on voit que le capital de cette société est considérable.

Le Pr F. RUSCHITZKA est cardiologue. Son nom apparaît sur les bases de données dans 379 publications. Je me suis intéressé aux 150 premières citées sur PubMed. RUSCHITZKA est trois fois premier auteur, et 14 fois auteur sénior. Dans ce dernier cas, il publie souvent des analyses sur l’année cardiologique. Il ne fait aucun doute qu’il doit être très influent en Suisse pour qu’on l’associe à des articles collectifs qui comptent souvent plus d’une dizaine d’auteurs mais dans lesquels son rôle est très annexe.

Le Dr Amit N. PATEL, est auteur sénior. Ce nom est d’origine indienne, et de très nombreux scientifiques portent ce patronyme. De sorte que je n’ai pas pu trouver dans quelle discipline il est compétent ni ce qu’il a publié.

Néanmoins, en dépit de la qualité scientifique indéniable des auteurs, il n’est pas tout à fait immoral de souligner (a) qu’aucun d’entre eux n’est infectiologue ; (b) qu’aucun d’entre eux ne rapporte ses propres observations médicales.

B. Le contenu de l’article.

Au milieu du premier paragraphe de l’introduction il est dit explicitement : The use of this class of drugs for COVID-19 is based on a small number of anecdotal expériences that have shown variable responses in uncontrolled observationnal analyses, and small open-label, randomised trials that have been largely inconclusive. Ces deux assertions sont fausses. Il existe une étude chinoise, fort bien conduite, sur un petit nombre de patients, il est vrai, mais celle qui est citée dans l’article de MEHRA a été rédigée en chinois et n’est accessible au lecteur que par un court abstract en anglais, qui, effectivement, indique que l’hydroxychloroquine (HCQ) n’est guère active. Ce n’est pas la bonne référence chinoise. Le Pr MEHRA, en effet, ne fait pas référence à l’essai chinois randomisé (CHEN et al., medRxiv, du 22.03.2020, intitulé Efficacy of hydroxychloroquine in patients with COVID-19 : results of a randomized clinical trial). Il faut donc admettre que les auteurs, à moins de parler chinois, ont dû soit se fonder sur l’abstract de l’article cité en appui de leur affirmation, soit avoir recours à un interprète pour avoir accès aux données chinoises abondant dans leur sens. C’est pour le moins assez peu scientifique que de balayer d’un revers de main une étude par ailleurs fort bien conduite, par d'autres médecins chinois qui ont strictement appliqué la méthode marseillaise. Ils pourront toujours dire qu'elle n'avait pas encore été acceptée et qu'ils n'avaient donc pas à la citer
La deuxième affirmation est également fausse. L’équipe marseillaise a publié son étude portant sur 1061 patients et l’article était disponible en ligne dans sa version définitive le 1er mai 2020. Il paraît impossible que MEHRA et al. n’aient pas eu connaissance de ce travail. Ou alors ils ne font pas bien leur travail de chercheurs. Il est très important pour comprendre la suite de donner le titre de l’article de l’équipe marseillaise : Early treatment of Covid-19 patients with hydroxychloroquine an azithromycin : a retrospective study of 1061 cases in Marseille, France, accepté pour publication dans Travel Medicine and Infectious disease.

La taille de la cohorte étudiée par MEHRA pour ce qui concerne ceux des patients qui ont reçu de l’hydroxychloroquine (HCQ) et de l’azithromycine est de 3783, celle de l’équipe marseillaise, de 1061 cas, ce qui, tout est du même ordre de grandeur. MEHRA et al. font une étude observationnelle fondée sur la collecte de données enregistrées dans 671 hôpitaux de 5 continents et l’analyse par un logiciel des données transmises. Il n’est pas dit comment ces hôpitaux ont été sélectionnés ni s’ils ont été rétribués pour avoir transmis (anonymement) les données de leurs patients. L’équipe marseillaise fait une étude rétrospective, très soigneusement conduite comme on va le voir.

Le Pr MEHRA utilise comme Baseline disease severity deux critères une saturation inférieure à 94 % et un quick septic-related organ failure assessment inférieur à 1. Cette évaluation est relativement grossière, et permet toutefois de distribuer les patients en deux catégories : pas trop de risque (qSOFA inférieur à 1) ou à haut risque (Saturation en oxygène inférieure à 94 %). Dans l’étude susnommée, l’équipe marseillaise a réparti les patients en deux catégories cliniques : patients présentant des signes d’infection du tractus respiratoire supérieur, patients présentant des signes du tractus respiratoire inférieur, et elle a établi trois classes de risques de détérioration clinique en utilisant le National early warning score (NEWS). Plus ce dernier est élevé et plus le risque est élevé. Cette même équipe documente le temps écoulé entre le début des symptômes et le début du traitement, ce que le Pr MEHRA ne fait pas ou ne peut pas faire faute de données. Les patients marseillais subissent une tomographie du thorax dès leur enrôlement dans le traitement ; les patients à contre-indications ne sont pas traités (Tableau 1). Ils sont soumis également avant traitement, à un examen électrocardiographique, et les patients à risque ne sont pas traités. Il est indiqué, parmi les cas d’exclusion pour risque cardiaque que 3 patients sur les 1411 patients éligibles au traitement présentaient un syndrome de Brugada. Cette incidence n’est pas négligeable. Aucune mention de ce syndrome dans l’étude du Lancet ni aucun rapport sur l’électrocardiogramme lors de l’instauration du traitement. Assez curieusement, il semble, dans l’étude de MEHRA que 2700 patients des 96032 patients étudiés présentaient une arythmie initiale, mais il n’est pas indiqué s’ils ont été ou non traités, ce qui normalement aurait dû les exclure du traitement. Je n’ai pas consulté les appendices, et ce point y figure peut-être. J’ai peut-être mal lu l’article de MEHRA, mais je ne sais comment interpréter les données posologiques. La dose d’azithromycine me semble être inférieure à celle qu’a utilisé l’équipe de RAOULT. Cette même équipe a exclu du traitement des patients qui prenaient d’autres médicaments (Tableau 1), notamment des médicaments pour troubles neurospychiatriques. Ce point n’est pas évoqué dans le Tableau 2 de Lancet.
L’équipe marseillaise définit trois issues : Bonne, virologiquement mauvaise (présence de virus dans les sécrétions nasopharyngées 10 jours après le début du traitement qui lui ne dure que 6 jours), cliniquement mauvaise (passage en unité de soins intensifs, mort, ou hospitalisation d’une durée supérieure à 10 jours). Les issues définies par MEHRA sont l’apparition d’arythmie ventriculaire, la durée du séjour à l’hôpital, la longueur du séjour dans l’unité de soins intensifs, la durée totale du séjour à l’hôpital, la ventilation mécanique, la ventilation et/ou mort. On peut considérer que ces issues sont parfaitement recevables, bien que les auteurs ne parlent jamais de quantification de charge virale à l’entrée et à l’issue du traitement, au contraire des marseillais qui la quantifie. L’équipe marseillaise prend bien soin de donner les résultats du scanner thoracique à l’enrôlement, avec quatre classes d’atteintes : normale, atteinte limitée, atteinte intermédiaire et atteinte sévère, ce que nous ne savons pas dans l’article de Lancet. Ce que les auteurs veulent à toute force démontrer (selon moi) c’est la toxicité cardiaque du traitement.
Les plus grands biais sont les suivants : il s’agit d’une étude observationnelle qui fixe comme variable indépendante apparente le traitement à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine, comme s’il n’existait pas de variables indépendantes sous-jacentes et inconnues, comme le climat, l’état des hôpitaux, la nature du questionnaire, les comédications ; ensuite, la définition de l’état initial est extrêmement faible ; ensuite toujours, nous ne connaissons pas le délai écoulé entre l’apparition des symptômes et l’instauration du traitement, ce qui est une variable dépendante, nous ne connaissons pas davantage la répartition de la mortalité par classe d’âge ; l’étude n’indique pas non plus si les auteurs ont dosé la l’hydroxychloroquine dans le sang circulant, ce que l’on a fait à Marseille.
Je ne m’étendrai pas sur les relations que deux des auteurs et sans doute trois, sur quatre, entretiennent avec l’industrie pharmaceutique.
A mon avis, le traitement a été instauré trop tard dans la plupart des cas analysés, c’est – à - dire à un moment où la phase purement virologique allait sur sa fin rendant l’effet du traitement inefficace ou peu efficace. Cet article présente en outre un vice intellectuel impardonnable : il n’a pas confronté ses données avec celles de l’équipe marseillaise, mais fait état de l’étude de MAHEVAS et al. dont RAOULT a démontré la mauvaise foi, à la limite de la fraude.
Bref, en nous noyant sous des masses de données purement abstraites, extraites de registres hospitaliers sont certains sont sans doute très sommaires, les auteurs, dont le premier est un spécialiste des essais cliniques randomisés, n’avaient qu’une idée en tête, qui s’appelle un préjugé : prouver (!!!) qu’un traitement peu coûteux ne marche pas et est dangereux.
Pour moi, c’est une escroquerie. Et que des scientifiques français approuvent cette étude est tout simplement incroyable. J'espère que RAOULT va faire une réponse plus argumentée que la mienne.


1 commentaire:

Unknown a dit…

merci, pour ces éclaircissement si précieuse