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Un ami lecteur qui m'est très cher, me fait parvenir par courriel un texte qui reprend une catéchèse de BENOÎT XVI, donnée hier à Rome. Je pensais vous parler aujourd'hui des critiques idiotes qui portent sur les propos tout à fait justifiés de madame MORANO. Je le ferais plus tard. Mais je le ferai, tout en produisant un petit commentaire sur le ministre si bêtement attaqué.
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Que dit donc BENOÎT XVI ? Ceci : « L'action sociale et politique ne doit jamais être détachée de la vérité sur l'homme et sur sa dignité ». Il a délivré cette catéchèse lors de l'audience consacrée au théologien médiéval de l'école de Chartres, Jean de SALISBURY, en présence de quelque 9000 personnes rassemblées dans la salle Paul VI du Vatican.
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A la fin de sa catéchèse, Benoît XVI a rappelé que dans son encyclique Caritas in veritate, il s'est adressé « aux hommes de bonne volonté, qui s'engagent afin que l'action sociale et politique ne soit jamais détachée de la vérité objective sur l'homme et sur sa dignité ». Vérité et amour sont indissociables. Et de citer ce passage : «La vérité et l'amour que celle-ci fait entrevoir ne peuvent être fabriqués. Ils peuvent seulement être accueillis. Leur source ultime n'est pas, ni ne peut l'être, l'homme, mais Dieu, c'est-à-dire Celui qui est Vérité et Amour. Ce principe est très important pour la société et pour le développement, dans la mesure où ni l'une ni l'autre ne peuvent être produits seulement par l'homme. La vocation elle-même des personnes et des peuples au développement ne se fonde pas sur une simple décision humaine, mais elle est inscrite dans un dessein qui nous précède et qui constitue pour chacun de nous un devoir à accueillir librement» (Caritas in Veritate, n. 52).
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BENOÎT XVI souligne les présupposés spirituels et les conséquences sociales de cette conception de l'homme : « Nous devons rechercher et accueillir ce dessein qui nous précède, cette vérité de l'être, afin que naisse la justice, mais nous pouvons les trouver et les accueillir qu'avec un coeur, une volonté, une raison purifiés dans la lumière de Dieu ».
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De son côté, Radio Vatican titre sur le risque d'une « dictature du relativisme » qui est un effet de la déconnection « préoccupante dans certains pays », « entre la raison et la liberté. La raison, a souligné BENOÎT XVI, a pour rôle de « découvrir les valeurs éthiques liées à la dignité de la personne humaine ». Et la liberté, « a le devoir de les promouvoir ». Le pape a souligné que le développement d'une société n'est pas un « produit », mais qu'elle plonge ses racines dans le dessein d'amour de Dieu pour ses créatures. Et le pontife a enfin souligné les implications très concrètes et l'actualité du « rapport entre loi naturelle et organisation juridique », dont parle jean de Salisbury en son temps. : « Peut-être Jean de Salisbury nous rappellerait-il aujourd'hui que ne sont conformes à l'équité que les lois qui protègent le caractère sacré de la vie humaine et qui repoussent la légalisation de l'avortement, de l'euthanasie et des expériences génétiques irresponsables, des lois qui respectent la dignité du mariage entre l'homme et la femme, qui s'inspirent d'une laïcité de l'Etat correcte - une laïcité qui comporte cependant toujours la protection de la liberté religieuse -, et qui recherchent la subsidiarité et la solidarité au niveau national et international ».
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« S'il en était autrement, poursuit le pape, ce que Jean de Salisbury définit comme la «tyrannie du prince» ou, dirions-nous, «la dictature du relativisme» finirait par s'instaurer : un relativisme qui, comme je le rappelais il y a quelques années, « ne reconnaît rien de définitif et ne laisse comme mesure ultime que le moi et ses envies».
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Je ne pensais pas que cette catéchèse illustrerait si pertinemment mon billet d'hier. Je citais quelques extraits du "Désenchantement du monde", et je rappelais que les droits de Dieu s'imposent à ceux de César. Cela revient à dire que l'événement réellement fondateur de la société est l'acte créateur de Dieu, et non pas la Révolution française ou un quelconque événement antérieur. Il se trouve en outre que madame MORANO, dont je parlerai demain, a pris en matière de bioéthique des positions très contestables, notamment dans son approbation des mères porteuses pour le compte d'autrui. Comme quoi l'on peut dire à la fois des choses justes quand il s'agit d'analyser des faits, et émettre des jugements de valeur tout à fait contestables quand il s'agit de morale, d'éthique et de comportement. Que voulez-vous, nul n'est parfait, ni votre serviteur, ni madame MORANO.
5 commentaires:
C’est bien beau tout ce raisonnement : mais le problème ou plutôt la question est qu’il ne touche que les personnes qui croient que ce Dieu existe. Il échappe logiquement à ceux qui librement sont a-thées, sans dieu quel qu’il soit. Par conséquent cette argumentation qui revient continuellement n’a aucune portée pour la grande majorité des gens aujourd’hui – aucun sens.
Moi, ça m’agace prodigieusement depuis toujours. Certes il est juste et bon, aux yeux d’un croyant de délivrer un tel message et de parler à temps et à contre temps du dessein de Dieu etc., qu’il soit pontifex ou chrétien de base.
Mais englober dans ces obligations répétées tout le monde : nous devons etc.
« La vocation elle-même des personnes et des peuples au développement ne se fonde pas sur une simple décision humaine, mais elle est inscrite dans un dessein qui nous précède et qui constitue pour chacun de nous un devoir à accueillir librement».
Devant ça je dis non parce que c’est réellement impossible : comment exiger de quelqu’un qui ne croit pas en Dieu qu'il se réfère à lui ??? + Ce n’est pas pratiquer une empathie feinte envers un incroyant que de dire que cette formulation me fait hérisser le poil « pour chacun de nous c’est un devoir que d’accueillir librement un dessein qui nous précède ». Mais je le répète : si je ne le reconnais pas ?? > Je suis en dehors de cette injonction.
A mon avis, ce message ne concerne que les gens qui font partie de l’Eglise en question – pour leur apprendre ou réapprendre la charte de vie inscrite dans leur foi, une invitation 'impérative'.
J’ai le sentiment bien triste que qu’il appartient encore à une vision d’un monde où la chrétienté était dominante, où le pouvoir appartenait aux clercs... masculins en plus et uniquement.
Je m’imagine recevoir cet ordre du responsable principal d’une autre religion, animiste, bouddhiste etc. Si, par exemple, le daili lama adressait une injonction de ce genre pour le monde entier ??? J’estime avoir le droit de ne pas la suivre et ce sans en être culpabilisé.
Il y a là de toute manière, à mon avis, décalage entre l’expéditeur et les destinataires.
La cible n'est pas exacte : une question d'ajustement.
Pédagogie????
Non, chère Fourmi, je ne partage pas votre analyse. Vous n'avez pas vu que Benoît XVI fait appel à la raison. La question est donc la suivante est-il rationnellement possible d'arriver à la conclusion qu'il existe un dieu créateur et bon ? Je sais bien que dans la pensée contemporaine, il est posé que Dieu n'existe pas, et que la question est dépourvue de sens. C'est tout simplement une mystification de la pensée. Mais si nous examinons la question sans préjugé, en restant dans un état d'indifférence quant à la réponse,alors les choses se présentent différemment : pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi avons-nous au fond du coeur ce désir d'infini, de "toujours", aussi bien en amour qu'en matière de vie terrestre, ou que de bonheur ? Y-at-il un ordre naturel dont le respect s'impose à l'homme au nom même de la survie de l'espèce humaine ? La réponse de Benoît XVI est dite en termes trop intellectuels, j'en conviens, mais elle combat, fort justement, la tyrannie du relativisme : non, tout ne se vaut pas, non tout n'est pas permis à l'homme. Ma pédagogie sans doute est insuffisante, et je me le dis depuis longtemps. Mais pour moi la question se résume ainsi : Jésus est-il celui qu'il a dit être ? Si la réponse est oui, alors tout le reste en découle.
Amicalement.
Premier point : J’avais 10 ans que je lisais déjà cet argument de la raison et il m’horripilait déjà, comme étant infondé et que c’était pas comme ça que ça se passait.
Peut-être ai-je toujours confondu dans le même traitement le motif de l’existence de Dieu avec le motif d’avoir la foi en ce même Dieu. Je mets tout en un.
Il faudra que je me penche vraiment sur cette question un de ces jours.
Second point > à Philippe Poindron en particulier : Je me suis mal exprimée. Ma question relative au bien fondé du choix de la cible par l’expéditeur, de sa réception et celle de la pédagogie manifestée ne vous concerne mais elle se veut uniquement être une interpellation de l’expéditeur, l’auteur de l’Encyclique destinée au monde entier.
La vôtre (la pédagogie) est habituellement claire et pénétrante
– excepté le fait que décidément ‘’aérer’’ la présentation en allant à la ligne et en sautant des espaces entre les paragraphes, malgré les efforts accomplis, ne vous est pas spontané: quand j’ai vu le paquet de l’analyse de M. Gauchet arriver sous mes yeux avec les a) b) c) qui s’enfilaient sans respiration, j’ai failli pousser un soupir de découragement.(tout comme celui de la démocratie) . En fait la première fois je l’ai lu dans une diagonale plus que distendue et en pointillés. J’y suis revenue plus tard, une fois que j’étais aussi revenue à de meilleurs sentiments... Pensez toujours à faciliter la tâche du lecteur : c’est déjà un premier vœu ...
Peut-être ai-je tort de mettre le monde entier dans les destinataires des encycliques, peut-être est-ce que j’interprète de travers les tournures employées, peut-être qu’il est entendu que les destinataires, dans l’esprit et l’intention de tous les papes récents finalement, ne sont que les membres de l’Eglise catholique, à la rigueur des autres confessions chrétiennes, peut-être que non quand même : en tout cas, ce n’est pas clair.
NB. Le pape dispose-t-il d’un bon comité de lecture ? Efficace ???
En résumé, j’ai compris le premier point mais je ne suis pas d’accord. Quant au second, je ne sais pas qui sont les destinataires prévus des encycliques dans l’intention du pape. Toute ma réaction dépend de la réponse.
Chère Fourmi, je consacrerai demain un billet à vos très importantes objections. Bien amicalement.
Une précision par rapport à mon questionnement au sujet de l’identité des destinataires des encycliques : je connais les qualités, fonctions et ministères des uns et des autres (lettres aux évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, fidèles laïcs et à tous les hommes de bonne volonté etc.).
Mais ce qui me semble, contrairement à l’intention de l’argumentaire qui traverse toute ce texte - y compris les autres – de prouver l’indispensable nécessité de croire en Dieu pour être pleinement homme et contribuer de ce fait au développement intégral etc., que cette condition sine qua non constitue une obligation, une dépendance qui m’a donc toujours prodigieusement agacée – et le terme est faible.
Au point que je suis persuadée que, si je ne croyais pas en Dieu, cette seule façon perpétuelle de procéder suffirait à m’éloigner de toute croyance - voire à la repousser.
Je me dis parfois devant ça :
‘‘ heureusement que je crois malgré tout et que cela ne me fait absolument pas flancher.
Ouf ! dirais-je , je l’ échappe belle... ! ’’.
Et je comprends fort bien les critiques fondées sur ce motif. Je saisis aussi que ces lettres présentent une information sur un état des lieux d'un sujet et qu'elles sont utiles à connaître pour savoir ce que l'Eglise en pense.
Mais leur objectif final que je rejoins et qui est la conversion de tout un chacun, passe par un chemin qui personnellement me semble inadéquat, bref raté.
Cf. Relire la conclusion sous cet éclairage. Le raisonnement est certes juste mais il est enfermé dans une bulle et il enferme celui qui le reçoit. Pas d’échappatoire. Pas d'appel à la liberté.
« Que si ». Point barre.
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CONCLUSION
« 78. Sans Dieu, l’homme ne sait où aller et ne parvient même pas à comprendre qui il est. Face aux énormes problèmes du développement des peuples qui nous pousseraient presque au découragement et au défaitisme, la parole du Seigneur Jésus Christ vient à notre aide en nous rendant conscients de ce fait que: « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5); elle nous encourage: « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Face à l’ampleur du travail à accomplir, la présence de Dieu aux côtés de ceux qui s’unissent en son Nom et travaillent pour la justice nous soutient. Paul VI nous a rappelé dans Populorum progressio que l’homme n’est pas à même de gérer à lui seul son progrès, parce qu’il ne peut fonder par lui-même un véritable humanisme. Nous ne serons capables de produire une réflexion nouvelle et de déployer de nouvelles énergies au service d’un véritable humanisme intégral que si nous nous reconnaissons, en tant que personnes et en tant que communautés, appelés à faire partie de la famille de Dieu en tant que fils. La plus grande force qui soit au service du développement, c’est donc un humanisme chrétien [157], qui ravive la charité et se laisse guider par la vérité, en accueillant l’une et l’autre comme des dons permanents de Dieu. L’ouverture à Dieu entraîne l’ouverture aux frères et à une vie comprise comme une mission solidaire et joyeuse. Inversement, la fermeture idéologique etc... »
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