A plusieurs reprises, Pierre-Henri a protesté contre la condamnation que j'aurais porté contre le libéralisme. Je viens de découvrir que nous ne parlions pas toujours de la même chose. Je me suis un peu documenté sur la question, et j'ai confronté cette documentation (a) à ma propre perception ; (b) à celle des médias. Un petit résumé de la documentation puis un commentaire montreront à Pierre-Henri que nous sommes entièrement d'accord, ou presque, sur le fond.
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Voici d'abord ce que dit Wikipédia dans son introduction à l'article "Libéralisme".
Le libéralisme est un courant de pensée de philosophie politique, né d'une opposition à l'absolutisme et au droit divin dans l’Europe des Lumières (XVIIIe siècle), qui affirme la primauté des principes de liberté et de responsabilité individuelle sur le pouvoir du souverain. Il repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits fondamentaux qu'aucun pouvoir n'a le droit de violer. En conséquence, les libéraux veulent limiter les obligations sociales imposées par le pouvoir et plus généralement le système social au profit du libre choix de chaque individu. Le libéralisme repose sur un précepte moral qui s'oppose à l'assujettissement, d'où découlent une philosophie et une organisation de la vie en société permettant à chaque individu de jouir d'un maximum de liberté, notamment en matière économique. Pour la plupart des libéraux, la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » n'existe donc pas, puisqu'il s'agit de l'application d’une même doctrine dans des domaines différents.
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Au sens large, le libéralisme prône une société fondée sur la liberté d'expression des individus dans le respect du droit du pluralisme et du libre échange des idées. La satisfaction et l'expression libre de l'intérêt de chacun permet une société qui valorise les meilleures adaptations. Elle doit joindre, d'une part, dans le domaine économique, l'initiative privée, la libre concurrence et son corollaire l'économie de marché, et d'autre part, dans le domaine politique, des pouvoirs politiques encadrés par la loi librement débattue, et des contre-pouvoirs. Elle valorise ainsi le mérite comme fondement de la hiérarchie. Cela suppose idéalement un État de droit où sont respectées les minorités jusqu'à la plus petite, l'individu ; l'État n'étant que le garant de ce respect et devant rendre des comptes de son action.
-Cette position théorique implique le respect du pluralisme et une adaptation aux évolutions sociales: le libéralisme peut donc se manifester de façon fort diverse, voire opposée; le libéral peut ainsi être, selon le lieu, voire en fonction des moments, celui qui exige de l'État qu'il brise un traditionalisme religieux ou social oppresseur pour l'individu (caste, statuts, discriminations et privilèges, ...) ou qui défend la liberté de pratiquer une religion ou une tradition, il peut demander que l'État intervienne pour donner à chacun une véritable capacité d'action économique (bridée par un monopole, la pauvreté, le manque d'éducation, de crédit ou autre), ou inversement celui qui s'oppose à l'intervention du pouvoir. Les limites à fixer à l'action de l'État, ainsi que les modalités de l'action publique (notamment aux rôles respectifs de l'action administrative et de la loi), sont donc sujets à débat au sein même du libéralisme. La plupart des libéraux considèrent que l'action de l'État est nécessaire à la protection des libertés individuelles, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, et nombre d'entre eux (comme Adam Smith, Raymond Aron, Karl Popper ou Benedetto Croce) acceptent et même recommandent certaines interventions de l'État dans l'économie, notamment en matière de contrôle et de régulation. À l'opposé, les libertariens de tendance anarcho-capitalistes refusent à l'État toute légitimité dans quelque domaine que ce soit.
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(a) Comment je vois les choses. ? Quand Pierre-Henri défend le libéralisme, il défend finalement le libéralisme philosophique, celui qui reconnaît à la personne (et non à l'individu) des droits fondamentaux et inviolables au nombre desquels il faut reconnaître la liberté de conscience. Il en résulte qu'un régime politique qui reconnaît ces droits ne peut-être que démocratique (ce qui du reste ne préjuge pas de sa forme concrète, monarchie ou république : la Suède, monarchie constitutionnelle, est plus démocratique que la France, république à président élu). C'est le libéralisme politique lequel s'oppose à toutes les autres formes de régime politique au motif qu'il ne respecte pas ces droits (liberté d'expression et d'échange, liberté de la conscience, droit à la propriété, etc.). Et puis il y a l'application de ces principes au domaine économique. Et dans ce domaine, il y a l'excroissance monstrueuse d'un libéralisme économique qui dit respecter ces droits, mais les ignore superbement, et notamment ceux des personnes et des communautés naturelles. C'est malheureusement la forme prédominante du libéralisme économique mondiale. Oui à la liberté des échanges d'idées et de biens, non à l'injustice sociale suscitée par l'avidité d'actionnaires sans scrupules. L'erreur de raisonnement des contempteurs du libéralisme économique en général clair : ils ne voient pas que ces déviations sont les fruits vénéneux du comportement de quelques uns imposant leurs vues hégémoniques au plus grand nombre. C'est très exactement cela la domination : dissymétrie des pouvoirs, subordination obligatoire, arbitraire des décisions. Et cela, aucun être humain digne de ce beau nom ne le peut supporter.
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(b) La malhonnêteté des médias consiste à mélanger tous les genres, à ignorer que des hommes parfaitement identifiables sont à l'origine de ces honteuses déviations, que celles-ci ne sont pas inhérentes aux systèmes mais à la nature humaine, et que toutes les autres formes d'organisation sont par essence totalitaires. En sommes, ils nous profilent pour un autre esclavage, autrement plus dangereux puisqu'il fait intervenir la coercition et la force aveugle de la force étatique : police, police secrète, tribunaux aux ordres, militaires prêts à casser du dissident ou des manifestants.
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Je préfère bien entendu un vrai libéralisme, celui qui respecte les droits naturels de la personne humaine.
Je suis trop long. J'arrête. A demain.
6 commentaires:
"à la personne (et non à l'individu)" ?
Je ne saisis pas la nuance.
Cher Roparzh Hemon,
A d'assez nombreuses reprises, je me suis efforcé d'expliquer la différence entre un individu et une personne dans mes billets.
L'individu, comme son nom l'indique, est considéré comme un être humain isolé, et séparé de son contexte social. Il est le maître souverain de ses choix, indépendamment des autres. Il n'est que sujet. On ne le considère que dans son individualité justement.
Une personne est un sujet social, c'est-à-dire un être humain qui dit "je", mais est en relation avec autrui. Quand on prend conscience de l'existence du mimétisme, de celle des "neurones miroirs", de l'importance de l'apprentissage, on arrive à la conclusion qu'une personne (comme du reste une particule physique) ne peut se réduire à sa pure individualité.
Pour les chrétiens, il est fondamental que Dieu soit trinitaire. Il est relation pure. Le Père ne garde rien pour lui, le Fils ne garde rien pour lui, et de l'échange éternel de cet amour mutuel, naît le saint-Esprit. Je n'ai pas la prétention d'exposer ou d'expliquer un mystère aussi impénétrable que celui d'un Dieu unique en trois personnes. Mais l'image trinitaire, pour un chrétien, marque bien la différence qu'il y a entre individu et personne.
Je ne sais pas si j'ai expliqué clairement la différence. En tout cas, j'ai au moins essayé.
Bien amicalement.
Cher auteur,
un commentaire complètement hors sujet mais qui va vous inspirer j'espère : il s'agit
d'un autre exemple d'ignominie de la justice française, moins médiatisé que
celui dont vous avez parlé récemment. Voyez
http://enfantchristelle.sosblog.fr/RENDEZ-MOI-MON-ENFAN-b1/ALERTE-LE-PERVERS-FOULIN-A-TROUVE-UNE-NOUVELLE-VICTIME-b1-p5602.htm
et
http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article5667
Amicalement,
E.D.
Pour revenir à l'histoire personne vs. individu, l'exemple de la Trinité
ne m'eclaircit pas trop. Selon vous, à un même individu peuvent correspondre
plusieurs personnes ?
Je suis bien certain qu'au fond nous nous retrouvons sur l'essentiel cher M. Poindron. Le point de litige selon moi, réside dans le "s" que vous avez ajouté au mot libéralisme (et le fait que vous avez rangé ce dernier dans la même catégorie que les affreux totalitarismes qui ont ensanglanté le XXè siècle).
Selon moi il n'y a évidemment qu'un seul libéralisme, et la liberté économique n'est pas un but moins louable que la liberté philosophique.
Je juge le libéralisme économique à ses résultats. Et de ce point de vue, il sont pour moi flagrants : tous les pays convertis au capitalisme libéral ont vu leur niveau et leur qualité de vie croître plus que sous aucune autre régime. Peu importe qu'il y ait des riches, et même des très riches. S'il suffisait de les appauvrir pour enrichir les pauvres et améliorer la société, j'y serais favorable, par pur pragmatisme. Mais ça ne marche pas, c'est largement démontré. Donc, continuer de le préconiser relève à mon sens de la pure idéologie.
On a souvent tendance à assimiler la spéculation, l'irresponsabilité, la cupidité voire la malhonnêteté au libéralisme. En réalité, il s'agit de constantes du comportement humain. Ces tares s'expriment sous tous les régimes depuis l'antiquité. Il faut lutter contre, naturellement, mais ça ne passe pas par davantage d'Etat, ni même plus de lois et de régulations. C'est au contraire la surabondance de réglementations en tous genres qui complique leur application (déjà Montaigne s'en plaignait...)
Selon moi, c'est clair, l'évolution naturelle de démocraties éclairées et responsables passe par un accroissement progressif de la liberté sous toutes ses formes, et un amoindrissement du rôle du gouvernement. L'évolution inverse traduit une régression et cet échec est honteux. Tocqueville a exprimé ça si simplement : " Le premier soin d'un gouvernement devrait être d'habituer les citoyens à se passer de lui". C'est plus que jamais d'actualité...
Bien à vous.
Cher Pierre-Henri, je souscris totalement à votre analyse. Ma critique porte justement sur le fait que de petits malins exploitent les failles du libéralisme (et la plus évidente est qu'il demande de la vertu, chose assez mal distribuée), et en profitent en aliénant par le pouvoir de l'argent, leurs semblables.
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