Je n'ai jamais caché l'admiration que je porte à la littérature chinoise. Je trouve aujourd'hui un petit conte tout à fait démonstratif, un conte que l'on doit à HAN FEI (écrivain du IIIe siècle av. J.-C.) et que l'on trouve dans l'ouvrage intitulé les Accumulations, [ouvrage réédité], Hanfeizi. Zhonghua shuju, PEKIN, 1986 (chapitre XI, 32). Il illustre la différence qu'il y a entre le souci du réel, et l'emprise de l'idéologie.
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"Un homme de ZHENG veut acheter des chaussures. Il se mesure donc le pied, en range la mesure quelque part. Au moment d'aller au marché, il l'oublie. Arrivé chez le savetier, il s'exclame : 'Zut, j'ai oublié ma mesure !' Il court chez lui la chercher. Le temps de faire l'aller-retour, le marché est fermé. A un ami qui s'étonne qu'il n'ait pas cherché à essayer les chaussures avec son propre pied, il répond : 'Je n'ai pas confiance dans mon pied ; je n'ai confiance que dans sa mesure."
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Il me semble que ce merveilleux petit apologue montre bien la différence qui existe entre un esprit pragmatique, près du réel, et un esprit systématique, plein de son idéologie : il n'a pas confiance dans les faits ; il ne croit qu'aux idées, aux doctrines, et il lui faut toujours voir si un fait ou une mesure politique rentre dans le cadre du système. Cette analyse vaut tout aussi bien pour l'idéologie socialiste que pour l'idéologie libérale. Il me semble que ce que l'on a reproché, injustement, au Président SARKOZY, lors de la crise financière, c'est justement d'avoir fait intervenir l'Etat pour sauver les banques, les uns, les socialistes, ironisant sur ce qu'ils appelaient une retournement de veste, les autres, grinçant des dents pour cette entorse à la sacro-sainte règle du libéralisme qui veut voir dans "la main invisible du marché" le seul facteur de régulation de l'économie. Je trouve, moi, que monsieur SARKOZY n'a pas perdu de temps à chercher la mesure de son pied. Il a préféré faire confiance à son pied lui-même. Bel exemple de pragmatisme. Et il a pu avoir ses chaussures : les banques vont mieux. Il doit maintenant voir si ces savetiers de la finance n'abusent pas quelque peu de la bonne foi des chalands.
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