Il me semble vous avoir déjà parlé de YI I, un coréen confucéen qui écrivit en chinois un ouvrage tout à fait remarquable, traduit récemment en français par Isabelle SANCHO, et publié dans la collection "Bibliothèque chinoise", Éditions Les Belles Lettres, Paris, 2011, sous le titre Principes essentiels pour éduquer les jeunes gens. La deuxième section du chapitre IV (intitulé 'L'étude des textes') devrait être lue et apprise par coeur par tous les collégiens rentrant en 6e. Jugez plutôt :
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"Pour lire, il faut s'asseoir correctement en tenant ses mains avec respect, faire face au livre avec recueillement, concentrer son esprit en exerçant toute sa détermination, affiner sa capacité de réflexion en s'imprégnant totalement du texte (s'imprégner du texte signifie que ce qui est lu doit être convenablement mûri et que la réflexion doit partir des profondeurs de l'esprit), puis il faut serrer au plus près la signification des termes employés. Pour chaque sentence, il faut cheminer pas à pas dans les traces des anciens.
Si l'esprit ne s'approprie pas ce que la bouche récite et que le corps ne le traduit pas en actes, le livre demeure un livre et je reste moi-même : quel est l'intérêt ?"
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Il me semble que la plus grande mutation intellectuelle et culturelle qui vient bouleverser la société contemporaine, est l'interruption progressive d'un contact direct, presque charnel, avec le livre et la chose écrite. Les israélites ne jetaient point les rouleaux usagés de la Bible ; il les enterraient dans des cimetières à parchemins, les geniza ; les Chinois eux-mêmes avaient un très grand respect pour les livres. Leurs empereurs employaient des lettrés pour établir le catalogue de leur bibliothèque. Certains de ces catalogues eux nous ont été conservés et nous pouvons ainsi connaître les titres de centaines et de milliers d'ouvrages anciens.
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Je suis absolument stupéfié de voir le nombre de voyageurs et de voyageuses qui, dans le métro, semblent perdus dans un nirvana musical, les yeux mi-clos, dodelinant de la tête, écoutant je ne sais quelle musique, le casque ou les écouteurs vissé(s) sur ou dans les oreilles. Je m'amuse à les compter. J'arrive toujours à une proportion de 10 % de passagers atteints de cette maladie qui les isole des autres et bien entendu de la lecture, car il est impossible de servir deux maîtres avec la même attention. Certes, il y a encore quelques bien portants qui sont plongés dans un livre. Mais ils ne sont pas nombreux. Et le métro, comme la vie, roule avec bruit, en cahotant, mécaniquement, trimbalant des anonymes à qui il arrive de manquer des correspondances, plongés qu'ils sont dans leurs rêveries musicales. Il n'y a aucune sève vitale apparente dans ces comportements. Ils se ressemblent. La mode exerce ses ravages pour le plus grand profit des FNAC, Virgin, Surcouf et Pixmania (enseignes tout à fait honorables et qui ne sont pas responsables du bon ou du mauvais usage de leurs produits). Le nombre de gens qui prendront le PIREE pour un homme et l'Edit de Nantes pour une vieille dame anglaise ne risque pas de diminuer.
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