jeudi 4 octobre 2012

A mon ami Yves

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Cher Yves,

Nous avons eu une discussion assez vive hier à propos du mariage homosexuel que tu défends au nom de l'égalité des droits. Avant toute chose, je désire te dire que j'admire ta finesse et ton intelligence, et par-dessus tout ta droiture d'esprit.

Commençons donc par le commencement. Nous regardions ensemble un exemplaire du magazine La Vie, et je t'avais fait remarquer que nombre des intervenants (lecteurs écrivant au courrier, ou intervenants dans les articles) faisaient référence (au moins 5 fois pour ce que j'ai pu lire) à l'anthropologie pour justifier leur refus du mariage homosexuel. Avant d'aller plus loin, il me semble important de définir ici l'anthropologie : "C'est, dit l'encyclopédie Wikipedia la branche des sciences qui étudie l'être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs) et culturels (socio-religieux, psychologiques, géographiques). Elle tend à définir l'humanité en faisant une synthèse des différentes sciences humaines et naturelles".

Ainsi, dans l'anthropologie, la variable indépendante est l'homme en tant que membre de l'humanité. Les variables dépendantes sont tous les aspects sous lesquels l'être humain est examiné et étudié. Il est très important de faire cette distinction. Si le propre d'une science est de découvrir sous la multiplicité des apparences les lois qui les gouvernent, alors on peut dire que le but de toute science est la recherche des invariants (transhistoriques et transgéographiques) qui gouvernent la variable indépendante, ici l'homme. Toute la question est donc la suivante : le mariage est-il un invariant de toute société humaine ? A cette question, il semble bien que l'on puisse répondre oui.

Dès lors tout le problème consiste à définir ce qu'est le mariage. Est-ce un contrat ? Est-ce une institution sociale purement inscrite dans l'histoire ? Est-ce une institution qui caractérise la nature humaine et elle-seule, par opposition aux couples souvent transitoires, folâtres, parfois incestueux, qui se forment chez les animaux (les cygnes semblent faire exception à cette règle de la frivolité) ? Est-ce une institution à la fois sociale, inscrite et dans l'histoire et dans la nature humaine, et dans ce cas, n'est-elle pas destinée à inscrire tout être humain dans un lignage de façon à le rassurer quant à ses origines ? N'est-il pas destiné à donner au petit d'homme, le seul de tous les êtres vivants à naître parfaitement démuni, la sécurité durable ? Toute ces questions méritent d'être posées. Il ne suffit pas de prononcer un mot pour désigner une réalité dans sa vérité factuelle.

Comme le dit une lectrice qui commentait mon billet d'hier, pour nombre de nos contemporains, le mariage est la reconnaissance sociale de l'amour que deux êtres se portent l'un à l'autre. Mais c'est une définition restrictive et qui néglige l'un des aspects du mariage qui est la perpétuation de l'espèce humaine dans des conditions qui assurent la plus grande dispersion des gènes et minimise (par la monogamie, forme très fréquente mais non exclusive du mariage) - aux mutations spontanées aléatoires près -, la propagation des maladies génétiques héréditaires.

Pour toi, Yves, le mariage est soumis aux aléas de l'histoire, et il se réduit à cet aspect que je viens de signaler. Pour moi, il est un invariant indispensable au maintien de l'équilibre psychique et génétique de l'espèce humaine. Et cet équilibre est maintenu par les deux composantes qui font qu'un homme et une femme décident de se marier : l'amour de don et le désir sexuel.

En toutes choses, je cherche la vérité factuelle. La fréquentation que je fais comme bénévole à  l'Association Tibériade - elle accueille des personnes séropositives - m'indique à l'évidence que deux êtres de même sexe peuvent éprouver l'un pour l'autre un amour authentique. Il me paraît nécessaire de le reconnaître, de le constater, et je dirai même de le bénir. Faut-il pour autant déclarer que ces personnes sont aptes au mariage ? Je ne le pense pas pour les raisons que je viens de dire. Tu remarqueras que dans la présente analyse je m'appuie autant sur des réalités biologiques (la procréation et la perpétuation de l'espèce) que psycho-sociale, (le droit de l'enfant qui vient de naître à être protégé, sécurisé sur ses origines, qui, quoi que l'on fasse, incluent toujours un homme ET une femme). En somme, le mariage est une structure, ou ensemble de relations non quelconques entre des objets quelonques, et dans ces objets quelconques, il y a un objet mâle et un objet femelle. C'est même une des structures les plus nettes, les plus tranchées qui se puissent rencontrer en ce bas monde.

La suite demain.  

4 commentaires:

elisseievna a dit…

Cher auteur,
vous utilisez des arguments scientiste "l'anthropologie" "reproduction", alors que le débat porte sur des choix de valeurs ... La science n'a rien à dire sur les choix de valeurs, elle peut juste éclairer sur leurs conséquences pratiques.
L'égalité suppose de traiter également ce qui est identique, de distinguer les régles pour ce qui est différent, malheureusement ce débat est rendu confus parce que ce qui est identique (l'amour) est mélangé avec ce qui ne l'est pas(l'enfantement).

Philippe POINDRON a dit…

Non, chère lectrice; il ne s'agit pas de valeurs seulement. Et s'il y a des mariages sans amour, hélas, il y a aussi de l'amour dans des relations sans mariage. C'est vous qui en parlant de légaliser des valeurs entrez dans des arguments qui me semblent aller à l'encontre de votre propre sentiment. Oui, et je l'ai dit, il peut exister un authentique amour entre deux personnes du même sexe ; non, la société n'a pas a apposer son sceau sur ce qui justement relève de la seule valeur. Que vous le vouliez ou non, la procréation est une des dimensions (et dans certains pays une finalité) du mariage.

elisseievna@gmail.com a dit…


Pour vous, elle en fait parti, parce que vous choisissez de donner cette définition au mariage ...
Le mariage est une institution, pas un état naturel, par conséquent tout ce qui concerne son contenu, son sens, ses lois, son nom relève de choix de valeur.
Il n'existe pas d'institutions humaines sans choix de valeurs les fondant, on ne peut pas s'abriter derrière une "vérité" scientifique, un "fait" pour justifier une institution : elles relèvent toutes d'un choix, au nom de telles ou telles valeur.
Ce choix peut etre de s'inspirer d'un modele naturel si on décide que la nature doit etre un modele préféré, ou on peut s'inspirer d'un "messag"e, ou on peut s'inspirer d'une axiomatique de principes : mais tout relève du choix de valeurs ... et quand on choisit, il faut pouvoir dire selon quelles valeurs.
Egalité ou pas, définie par tel ou tel critère... Pourquoi donner certains droits à certaines relations et pas à d'autres ; quelles valeurs, quels critères pour les appliquer ?
Dans le droit actuel en tout cas, la reproduction n'est pas une condition, on peut se marier quand on n'est plus fécond ...
Il y a des arguments solides pour le mariage homosexuel, que l'on ne peut pas balayer par une comparaison avec un état de nature, et c'est pourquoi le refuser est ressenti si violemment comme une injustice et une mépris par beaucoup d'homosexuel-les.
Pour prendre des décisions, ce qu'il faut examiner, ce qui pose problème, ce sont les modalités des contrats, alliances, mariages entre les personnes, et leurs effets : c'est cela qui est à examiner, ces problèmes détaillés là, qu'il faut étudier. La nature ou la sciences n'en disent rien...

Philippe POINDRON a dit…

Je vous répondrai dans la journée, chère lectrice, car je n'ai plus le temps ce matin.
A tout à l'heure.