Le cardinal de Lyon sur les ondes d'une radio a expliqué pourquoi il ne pouvait approuver le projet de loi autorisant le mariage homosexuel. Il a effectivement dit, en une phrase qui occupe une toute petite partie de son intervention, que bientôt "ils" (je ne sais s'il s'agit des homosexuels, des hommes en place qui se disent "politiques", des citoyens français) demanderaient à ce que l'on autorise la polygamie, voire l'inceste. Ce faisant, il a très clairement posé une question qui me paraît essentielle : est-ce le droit positif qui décide de ce qui est moral ou pas ; y a-t-il une autre source à la morale et si oui laquelle ? Bien entendu, les imbéciles bernanosiens de service (journalistes en tête, associations Hippolyte ou Théodule, hommes politiques) ont crié au scandale. Jamais, au grand jamais de telles choses ne sauraient arriver. Il faut examiner si ces indignations sont de bon aloi.
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Pourquoi de telles choses ne pourraient-elles arriver ? Il y a deux explication possibles à cette dénégation. La première est que, au fin fond de leur cerveau, ceux qui protestent contre le cardinal jugent que ces propositions déviantes sont immorales. Ils ont simplement déplacé dans leur tête la frontière du moral et de l'immoral, et ils estiment que l'homme étant l'équivalent de la femme, il n'y a aucune raison de ne pas leur accorder les mêmes droits, y compris celui de se marier avec qui ils veulent. Dans cette perspective, l'erreur est anthropologique. On aura beau avancer des arguments biologiques, anatomiques, psychologiques, rien n'y fera. Le seul recours possible est le recours à la morale naturelle. Encore faut-il que nos apprentis sorciers veuillent bien y croire. Tout de même, je rappelle de nouveau que dans les débuts des années 1970, un groupuscule d'intellectuels, Roland BARTHES, Julia KRISTEVA, Gabriel MATZNEFF et d'autres avaient demandé que l'on dépénalisât les relations sexuelles d'adulte avec des enfants. Ce qui nous paraît honteux aujourd'hui (et nous devons reconnaître que du temps où elle était ministre Ségolène ROYAL a lutté contre l'abomination qu'est la pédophilie) ne leur paraissait point abominable à ces imbéciles (au sens de BERNANOS toujours).
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La seconde explication est plus cynique, mais elle n'est pas invraisemblable. Elle consiste à dire que c'est trop tôt, qu'il convient déjà de digérer la première innovation, avant d'en introduire de nouvelles. Dans de très nombreuses civilisations, souvent très raffinées (je pense à la civilisation chinoise), la polygamie était non seulement tolérée mais mise à l'honneur et elle l'est encore aujourd'hui dans certains pays musulmans. Elle est acceptée tacitement chez nous où l'on compte 20 000 foyers polygames. Une ou plusieurs des épouses sont déclarées aux institutions sociales comme mère célibataire et elles touchent les allocations afférentes à cet état ou (ce qui est le cas le plus fréquent) les reversent à leur mari. Si la polygamie n'est pas autorisée en France, elle est parfaitement tolérée. Mais d'où vient l'exigence légale de la monogamie ? Quelle instance de la mentalité collective nous fait juger qu'elle est bonne pour la société ? La tradition ? La perception qu'elle obéit à une exigence de la nature humaine ? Une nécessité sociale ?
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L'inceste également a été en honneur dans certaines couches sociales (les pharaons égyptiens par exemple) des sociétés antiques. Il serait tout de même intéressant de savoir pourquoi cette idée nous fait horreur. Nombre d'ethnologues ou d'anthropologues se sont penchés sur cette question. Elle est, semble-t-il, restée sans réponse contraignante.
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Monseigneur, merci pour ces paroles. Elles ont le mérite, quoique insuffisamment explicites, de placer le débat à son vrai niveau. La loi est-elle le seul moteur des comportements socialement acceptables ? Y a-t-il, au-dessus de l'arrogance humaine, quelque chose (ce que mon ami, le Pr Michel TARDY appelait l'instance de vérédiction) ou quelqu'un (que les croyants appellent Dieu) qui vient nous rappeler que tout n'est pas permis à l'homme ? Vous n'avez pas pété un câble, comme le dit si élégamment monsieur DELANOE, vous avez rappelé qu'on ne mange pas impunément du fruit de l'arbre de la connaissance, de la connaissance du bien et du mal.
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C'est tout pour aujourd'hui.
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