J'étais intrigué. Comment se faisait-il que ce jardinier amassât les feuilles du parc qui longe l'Avenue Ferdinand Buisson avec un râteau araignée, et les jette par brassées dans une cariole invraisemblable ? Les années passées, les jardiniers de ce parc utilisaient un souffleur pour faire des tas qu'un engin broyeur venait ensuite réduire en miettes, jetées alors sur un tas de compost, transportées dans une benne roulante. Comme l'homme, relativement âgé, nettoyait les caniveaux, j'attribuais à la topologie tourmentée et hirsute des lieux le choix de ce moyen rustique et fatiguant. Il devait ne pas y en avoir d'autres, sinon, le souffleur, il l'aurait utilisé. J'étais rassuré par la simplicité enfantine de mon raisonnement.
Je revenais de mes courses. Le jardinier était encore là. L'homme continuait de ramasser les feuilles avec son râteau primitif. J'aime bien les jardiniers, en particulier ceux de notre parc. Je m'arrête et je lui demande la raison pour laquelle il n'utilise pas un souffleur. La réponse, tenez-vous bien, est incroyable. "Le Directeur (sous-entendu des Parcs et jardins de la Ville de Paris, je suppose) a supprimé l'usage des souffleurs" "Ah ! Et. pourquoi ?" "Nous utilisions trop de gasoil, 40 litres par an". Ce gentil jardinier m'avouait adorer son métier. Il était au bord de la retraite, et en bénéficierait dans deux ou trois. ans. Et il me dit, mi-ironique, mi-navré : "Il faut bien payer les petits fours des réceptions". Tout était dit.
Hello, les belles âmes de la gauche caviar parisienne : Vous trouvez ça normal d'obliger un jardinier relativement âgé, à se briser la colonne vertébrale à force de répéter inlassablement un mouvement qui, croyez-moi, finit par vous casser les muscles para-vertébraux ? C'est normal, hein, madame HIDALGO ; c'est écologique ; c'est un exercice de saine gymnastique. Il faut bien ménager les chefs pour que la piétaille puisse gagner sa pitance. Pas de chefs, pas de piétaille. Il est vrai que la dépense de 40 l de gasoil par an est absolument pharaonique, et que s'en dispenser vaut bien que les jardiniers attrapent la crève dans le petit matin glacé.
Je suis scandalisé par ce manque d'humanité, et je comprends la révolte intérieure des humbles qui n'ont d'autres solutions que d'obéir à des imbéciles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire