Seul contre tous, ou presque, je maintiens depuis des années que les mots "Éthique" et "Morale" ne recouvrent plus les mêmes réalités. Tout auréolé du prestige qui entoure les termes de racine grecque, le premier a pris le pas sur le second, et, l'Esprit des Ténèbres aidant, les grands penseurs des médias nous font croire ou feignent de croire qu'il s'agit de la même notion. Si c'était le cas, pourquoi avoir créé un Comité National Consultatif d'Ethique et non un Comité National Consultatif de Morale, appellation plus conforme au génie de notre langue, fait tout entier de simplicité, ennemi juré de la pédanterie. Toujours avec l'aide puissante de l'Esprit des Ténèbres, on renvoyé la Morale aux poubelles de l'Ancien Régime, on l'a habillé des oripeaux de la culpabilité ("il faut, il ne faut pas, tu dois", etc.), on l'a ringardisée. Et c'est ainsi que l'on a pu marchandiser, vendre, négocier, acheter, spéculer, écraser les pauvres, déifier les riches, enrichir les cyniques et moquer les purs à l'esprit d'enfance, dans le plus grands respects des règles éthiques (Ah ! la déontologie journalistique et le "droit à l'information", qui font dire aux journalistes n'importe quoi, à condition que ce soit nouveau) . Mais il n'en a pas toujours été ainsi.
Je me bats donc, je me bats. Et j'ai trouvé un renfort de poids en la personne d'un philosophe norvégien, Jostein GAARDER qui a écrit un gros livre merveilleux, intitulé "Le Monde de Sophie", publié aux Éditions du seuil, Paris, 1995. La traduction française en est parfois un peu lourde, mais il faut sans doute imputer cette lourdeur à la difficulté que présente notre langue à rendre des tournures propres au norvégien.
Que dis GAARDER ? "Pour les philosophes, l'éthique est la doctrine des principes de la morale pour mener une vie heureuse. C'est dans ce sens que nous parlons de l'éthique de Socrate ou d'Aristote. DE NOS JOURS, L'ÉTHIQUE S'EST VUE RÉDUITE A UN ENSEMBLE DES RÈGLES A RESPECTER POUR NE PAS MARCHER SUR LES PIEDS DE SES VOISINS." (Page 267).
Le tour de passe-passe des "intellectuels" consiste donc à prendre le mot Éthique dans son sens originel, et à l'utiliser dans ce sens pour apaiser leurs scrupules de conscience, tout en sachant que la langue moderne ne le reconnaît plus mais y substitue cet ensemble de règles qu'évoque GAARDER. C'est donc une imposture.
La Morale est d'abord un art de vivre ; c'est la réponse que donne NOTRE CONSCIENCE à cette question que tout un chacun ne cesse de se poser à lui-même : Que dois-je faire ? Et la réponse de notre conscience s'appuie sur l'intuition qu'il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'il nous fasse, mais au contraire lui faire ce que nous voudrions qu'il nous fasse. On est loin des caricatures du Canard Enchaîné ou des Campagnes de publicité pour le Droit à l'avortement ou le Droit à la contraception, ou pour le Droit de travailler le dimanche, ou pour le Droit de faire compter dans son temps de travail les six minutes quotidiennes passées à revêtir sa tenue réglementaire de postier ou de cheminot, que sais-je encore. Si les promoteurs de ces campagnes réfléchissaient aux conséquences pour autrui (pris comme sujet et non comme individu) de leur mortelles initiatives, sans doute y regarderaient-ils à deux fois avant de les prendre. Conséquences psychiques et démographiques de l'avortement, conséquences économiques de la revendication des six minutes, conséquences familiales et sociétales du travail du dimanche, par exemple. La vérité en effet est que cette Éthique de pacotille ne s'intéresse qu'à l'individu, comme s'il était coupé de toutes relations avec autrui, alors qu'il est un sujet social, un être capable de dire "je", "tu" et "nous". Affaire à suivre. On y reviendra.
C'est tout pour aujourd'hui. Je m'absente quatre jours. A lundi prochain.
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