(Discours de Jules FERRY à la Chambre des députés, le 28 juillet
1885).
M. Jules Ferry
[...]
Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées que
je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c'est
le côté humanitaire et civilisateur de la question [Il s'agit de la colonisation de l'Afrique].
Sur ce point, l'honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup,
avec l'esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne, et
il dit : Qu'est-ce que c'est que cette civilisation qu'on impose à coups de
canon ? Qu'est-ce sinon une autre forme de la barbarie ? Est-ce que ces
populations de race inférieure n'ont pas autant de droits que vous ? Est-ce
qu'elles ne sont pas maîtresses chez elles ? Est-ce qu'elles vous appellent ?
Vous allez chez elles contre leur gré ; vous les violentez, mais vous ne les
civilisez pas.
Voilà, messieurs, la thèse ; je n'hésite pas à dire que ce n'est
pas de la politique, cela, ni de l'histoire : c'est de la métaphysique
politique... (Ah ! ah ! à l'extrême gauche.)
Voix à gauche. Parfaitement !
M. Jules Ferry...et je vous défie - permettez-moi de vous porter ce défi, mon
honorable collègue, monsieur Pelletan -, de soutenir jusqu'au bout votre thèse,
qui repose sur l'égalité, la liberté, l'indépendance des races inférieures.
Vous ne la soutiendrez pas jusqu'au bout, car vous êtes, comme votre honorable
collègue et ami M. Georges Perin, le partisan de l'expansion coloniale qui se
fait par voie de trafic et de commerce.
[...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire
ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l'extrême gauche.)
M. Jules Maigne. Oh ! vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les
droits de l'homme !
M. de Guilloutet. C'est la justification de l'esclavage et de la traite des
nègres !
M. Jules Ferry. Si l'honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des
droits de l'homme a été écrite pour les noirs de l'Afrique équatoriale, alors
de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? Ils ne vous
appellent pas ! (Interruptions à l'extrême gauche et à droite. - Très bien !
très bien ! sur divers bancs à gauche.)
M. Raoul Duval. Nous ne voulons pas les leur imposer ! C'est vous qui les leur
imposez !
M. Jules Maigne. Proposer et imposer sont choses fort différentes !
M. Georges Périn. Vous ne pouvez pas cependant faire des échanges forcés !
M. Jules Ferry. Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce
qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races
inférieures... (Marques d'approbation sur les mêmes bancs à gauche -
Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à droite.)
M. Joseph Fabre. C'est excessif ! Vous aboutissez ainsi à l'abdication des
principes de 1789 et de 1848... (Bruit), à la consécration de la loi de
grâce remplaçant la loi de justice.
M. Vernhes. Alors les missionnaires ont aussi leur droit ! Ne leur
reprochez donc pas d'en user ! (Bruit.)
M. le président. N'interrompez pas, monsieur Vernhes !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures...
M. Vernhes. Protégez les missionnaires, alors ! (Très bien ! à droite.)
Voix à gauche. N'interrompez donc pas !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures ont des devoirs...
M. Vernhes. Allons donc !
M. Jules Ferry. Ces devoirs, messieurs, ont été souvent méconnus dans
l'histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les
explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils
n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. (Très bien !
très bien !) Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes
s'acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur
de civilisation.
M. Paul Bert. La France l'a toujours fait !
M. Jules Ferry. Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier
qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus
de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa
conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et
assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions
oeuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Est-il possible de nier
que, dans l'Inde, et malgré les épisodes douloureux qui se rencontrent dans
l'histoire de cette conquête, il y a aujourd'hui infiniment plus de justice,
plus de lumière, d'ordre, de vertus publiques et privées depuis la conquête
anglaise qu'auparavant ?
M. Clemenceau. C'est très douteux !
M. Georges Périn. Rappelez-vous donc le discours de Burke !
M. Jules Ferry. Est-ce qu'il est possible de nier que ce soit une bonne
fortune pour ces malheureuses populations de l'Afrique équatoriale de tomber
sous le protectorat de la nation française ou de la nation anglaise ? Est-ce
que notre premier devoir, la première règle que la France s'est imposée, que
l'Angleterre a fait pénétrer dans le droit coutumier des nations européennes et
que la conférence de Berlin vient de traduire le droit positif, en obligation
sanctionnée par la signature de tous les gouvernements, n'est pas de combattre
la traite des nègres, cet horrible trafic, et l'esclavage, cette infamie. (Vives
marques d'approbation sur divers bancs.)
[...]
M. Jules Ferry. Voilà ce que j'ai à répondre à l'honorable M. Pelletan sur le
second point qu'il a touché.
Il est ensuite arrivé à un troisième, plus délicat, plus grave,
et sur lequel je vous demande la permission de m'expliquer en toute franchise.
C'est le côté politique de la question."
-
Ces propos sont intolérables, et autrement plus intolérable que ceux de madame MORANO que la bienpensance entend sacrifier sur l'autel des petits intérêts électoraux.
Je réclame que l'on change le nom des avenues, boulevards, lycées, institutions portant le nom d'un homme qui a osé parler de races inférieures et de races supérieures et a justifié le colonialisme comme il l'a fait. Il ne mérite pas qu'on l'honore. Dehors Jules FERRY, hors de notre mémoire, hors de l'espace public !
J'ajoute que le tort de madame MORANO - et c'est un complément à mon billet d'hier - est d'avoir confondu le multiracialisme et le multiculturalisme. Ce qui est condamnable dans ses propos, c'est de lier implicitement les deux notions. Il est clair que des populations d'origines, d'opinions et de races diverses peuvent parfaitement se sentir et se trouver français en France, tout simplement parce qu'ils acceptent l'héritage ancestral de la manière de vivre en leur patrie. Ce qui n'est pas acceptable, c'est de se voir imposer la charia, le hallal, l'appel à la prière par le muezzin dans des établissements d'enseignement public (cf. ce qui se passe à SAINT-AMBROIX), ou tout autre forme de manifestations culturelles qui ne peuvent s'inscrire dans cet héritage et veulent tout simplement le subvertir au profit d'une seule vision du monde.
Madame, faites connaître publiquement ces propos de Jules FERRY. Clouez le bec à ces imbéciles. Vous n'avez pas eu raison de présenter les choses comme vous l'avez fait, pour les raisons que je viens de dire. Mais ces propos, s'ils sont mal ajustés, ne sont en aucun cas racistes. Je raconterai du reste une petite histoire scientifique qui montrera exactement ce qu'il en est.
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