Le
feuilleton continue.
Dans
ce qui va suivre, je vais m’efforcer d’être le plus factuel que possible. Je ne
voudrais pas non plus, en restant collé aux faits, donner l’impression que je
veux suggérer ou insinuer des choses désobligeantes.
Le
Monde et Le Figaro, qui depuis le début de l’histoire de l’hydroxychloroquine
ont constamment dénigré de manière oblique les résultats de l’équipe
marseillaise, ont fait grand cas des conclusions d’un essai randomisé conduit
en Angleterre par le Pr Martin LANDRAY sur l’usage de ce médicament et son
inutilité pour le traitement de la Covid 19. Ils s’appuient pour ce faire sur
les dépêches d’agence, en l’occurrence Reuters pour Le Monde, Reuters et l’AFP
pour le Figaro, avec lesquels Martin LANDRAY semble avoir échangé et discuté ses conclusions.
Première
remarque, elle porte sur la manière curieuse de faire état seulement de
conclusions, sans connaître les raisons pour laquelle cette étude a été
conduite (Introduction), les méthodes utilisées pour conduire l’essai (Matériels
et Méthodes), les Tableaux de Résultats comparant les items étudiés
(Résultats). Nous ne savons pas davantage si les données du Pr RAOULT ont été
discutées contradictoirement, ce qui tout de même est la moindre des choses.
Pour
que cette étude puisse être analysée, il serait nécessaire de connaître les
doses d’hydroxychloroquine utilisées, la durée du traitement, les éléments pris
en compte lors de l’enrôlement (quantification de la charge virale ; mise
en culture du virus), l’électrocardiogramme initial, les électrocardiogrammes
réalisés au cours du traitement, la numération formule, la vitesse de
sédimentation, l’ionogramme (et l’évolution de ces facteurs au cours du
traitement), les comorbidités éventuelles, l’examen tomographique des poumons,
son évaluation et son évolution au cours du traitement, la classification des
patients enrôlés en fonction du score NEWS lors de l’enrôlement, le délai
écoulé entre l’apparition des symptômes et l’instauration du traitement, la charge virale à l'issue du traitement. Il n’est
pas mentionné non plus que les patients ont été traités en plus à l’azithromycine.
Or pour que l’étude soit totalement valide, il aurait fallu organiser un bras
azithromycine seule et un bras hydroxychloroquine + azithromycine ; cela n’est pas mentionné dans les conclusions
diffusées. Nous notons cependant deux points importants : les auteurs ne
mentionnent pas de toxicité cardiaque du traitement et ils indiquent qu’ils ont
étudié d’autres molécules dont la liste n’est pas donnée et qui sont peut-être
issues de la grande industrie pharmaceutique. Les auteurs choisissent comme
issues la mortalité à 28 jours, et la durée d’hospitalisation. L’étude du bras
hydroxychloroquine porte sur 1542 patients comparé à un bras de patients
traités par les méthodes standard. Mais il n’est rien dit sur la charge virale,
ni sur l’état des poumons au début et à la fin du traitement, du moins dans les conclusions. L’essai a inclus 11 000 patients de 175
hôpitaux. Les auteurs précisent qu’ils vont publier ces résultats.
Fidèle
à ma méthode, j’ai consulté ce que l’Université d’Oxford dit du Pr LANDRAY.
Voici
ce que dit le site dont je donne le lien ci-dessous
Martin Landray
MB ChB, PhD, FRCP, FHEA, FASN, FBPhS, FESC
PROFESSOR OF MEDICINE AND
EPIDEMIOLOGY
- Research Director, Health
Data Research UK
- Acting
Director, Big Data Institute
- Lead, Big Data &
Computing Innovation, MRC Population Health Research Unit
- Lead, Clinical
Informatics & Big Data, NIHR Oxford Biomedical Research Centre
- Lead, Health Informatics
Hub, UK Biobank
- Honorary Consultant
Physician, Oxford University Hospitals NHS Foundation Trust
Prof Landray’s work seeks to
further understanding of the determinants of common diseases through the
design, conduct and analysis of efficient, large-scale clinical trials and
prospective cohort studies (including UK Biobank). He has led a series of major
clinical trials assessing treatments for cardiovascular and kidney disease.
These have enrolled over 65,000 individuals, producing results that have
changed regulatory drug approvals, influenced clinical guidelines and changed
prescribing practice to the benefit of patients.
He is heavily
involved in efforts to streamline clinical trials, working with regulatory
agencies to facilitate efficient and cost-effective trials. He is a member of
the Steering Committee of the FDA Clinical Trial Transformation Initiative,
leading the Monitoring, Quality by Design, and Mobile Clinical Trials projects.
He is a member of the NHS Digital Research Advisory Group and the NICE Data
& Analytics External Reference Group, and leads the 21st Century Clinical Trials programme
for Health Data Research UK.
Prof Landray
completed medical training at University of Birmingham (UK) and specialist
training in Clinical Pharmacology & Therapeutics, and General Internal
Medicine at University of Birmingham. He continues to practise (sic) clinical medicine as an Honorary
Consultant Physician in the Cardiology, Cardiac and Thoracic Surgery
Directorate at Oxford University Hospitals NHS Trust. He is a Fellow of the
Royal College of Physicians of London, the Higher Education Academy, the
British Pharmacological Society, and the European Society of Cardiology.
Comme
je l’ai déjà dit pour le Pr MEHRA, professeur à l’Université de Harvard, on n’est
pas professeur à l’Université d’Oxford si l’on est nul. Néanmoins, je crains
fort que cette étude, infiniment plus solide que l’étude scandaleuse du Lancet,
ne soit frappée des mêmes imperfections que cette dernière, à l’exception de la
fraude bien entendu. Le Pr LANDRAY est un spécialiste de la bioinformatique et
du traitement des données massives ou Big data, comme l’indique sa fonction de
Directeur en exercice du Big data
institute. Il n’est pas infectiologue, mais il a beaucoup publié sur des essais
cliniques qu’il a lui-même conduits ou sur des méta-analyses d’études portant
sur des essais d’agents utilisés pour le traitement des sujets atteints d’hypercholestérolémie,
ou pour des maladies rénales chroniques (entre autre) ou cardiaques ; mais il a dû sans
aucun doute faire appel à des collègues compétents dans ce domaine. Il n’a donc
pas vu de malades, et il est vraisemblable par conséquent qu’il a collecté les
données traitées, exactement comme l’ont fait les quatre auteurs de l’article
du Lancet, par le biais de questionnaires bien organisés en items distincts,
auxquels il était facile de répondre, en posant comme hypothèse que la seule variable indépendante de leur étude était l'hydroxychloroquine, ce qui est possible, mais non prouvé.
Le
Pr LANDRAY est associé à 142 publications. Il apparaît 18 fois en dernier auteur,
et 19 fois en premier auteur. Son nom est associé aux autres publications, soit
au titre de membre d’un consortium d’étude (CKD consortium, Cholesterol
Treatment trialed’ collaborative ; Kidney disease prognosis consortium, SHARP,
etc.), soit sous son nom propre. Il a conduit 5 essais cliniques en double
aveugle contre placebo, 10 méta-analyses de diverses données, 6 méta-analyse d’essais
cliniques randomisés. La conclusion est sans appel : le Pr LANDRAY est
clairement un spécialiste des essais cliniques randomisés. J’ajoute que malgré
mes efforts, j’ai pu omettre ou ajouter un article dans les diverses catégories
d’études que j’ai listées et je vous prie donc de ne pas me tenir rigueur d'une possible, mais très minime erreur.
Là
où les choses deviennent intéressantes c’est quand on observe que le 13 février
2020, le Pr LANDRAY était associé à un article publié dans le New England
Journal of Medicine (dont je ne dirai rien ! Il a quand même retiré un article de MEHRA), 382, 674-678, 2020, et qui semble être, d’après le
titre, un plaidoyer pro domo, une sorte de sécurisation des propres convictions des auteurs, ou un exorcisme préliminaire contre
d'autres méthodes dont les méthodes observationnelles ou les méthodes de tradimedecine. Malheureusement, je n’ai pas eu accès au contenu de cet
article qui a pour titre, tenez-vous bien :
The magic of randomization versus the myth of
real-world evidence.
Les
auteurs ont pour noms :
Rory COLLINS, Louis BOWMAN, Martin LANDRAY and Richard
PETO.
Ainsi
l’évidence portée par le monde réelle est un mythe (si j’en crois le titre) et
la randomisation est magique. Il y a là une croyance qui relève d’une
philosophie a priori typiquement
kantienne, laquelle vomit en effet tout ce qui vient de l’expérience sensible
et de l’observation. J’appelle cela un préjugé.
2 commentaires:
Bravo mais evidence se traduirait plutôt par preuve
Vous avez raison de dire qu'évidence doit se traduire par preuve. Mais alors c'est bien pire que ce que je disais en utilisant le mot évidence... Si l'observation ne prouve rien, où allons-nous ? Pasteur, l'éponyme de l'Université à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir (et qui a disparu dans un grand tout...) disait "Amassons des faits pour avoir des idées"...
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