dimanche 7 juin 2020

Dimanche 07 juin 2020. Chronique de l'hydroxychloroquine. Le feuilleton continue.


Le feuilleton continue.

Dans ce qui va suivre, je vais m’efforcer d’être le plus factuel que possible. Je ne voudrais pas non plus, en restant collé aux faits, donner l’impression que je veux suggérer ou insinuer des choses désobligeantes.

Le Monde et Le Figaro, qui depuis le début de l’histoire de l’hydroxychloroquine ont constamment dénigré de manière oblique les résultats de l’équipe marseillaise, ont fait grand cas des conclusions d’un essai randomisé conduit en Angleterre par le Pr Martin LANDRAY sur l’usage de ce médicament et son inutilité pour le traitement de la Covid 19. Ils s’appuient pour ce faire sur les dépêches d’agence, en l’occurrence Reuters pour Le Monde, Reuters et l’AFP pour le Figaro, avec lesquels Martin LANDRAY semble avoir échangé et discuté ses conclusions.

Première remarque, elle porte sur la manière curieuse de faire état seulement de conclusions, sans connaître les raisons pour laquelle cette étude a été conduite (Introduction), les méthodes utilisées pour conduire l’essai (Matériels et Méthodes), les Tableaux de Résultats comparant les items étudiés (Résultats). Nous ne savons pas davantage si les données du Pr RAOULT ont été discutées contradictoirement, ce qui tout de même est la moindre des choses.

Pour que cette étude puisse être analysée, il serait nécessaire de connaître les doses d’hydroxychloroquine utilisées, la durée du traitement, les éléments pris en compte lors de l’enrôlement (quantification de la charge virale ; mise en culture du virus), l’électrocardiogramme initial, les électrocardiogrammes réalisés au cours du traitement, la numération formule, la vitesse de sédimentation, l’ionogramme (et l’évolution de ces facteurs au cours du traitement), les comorbidités éventuelles, l’examen tomographique des poumons, son évaluation et son évolution au cours du traitement, la classification des patients enrôlés en fonction du score NEWS lors de l’enrôlement, le délai écoulé entre l’apparition des symptômes et l’instauration du traitement, la charge virale à l'issue du traitement. Il n’est pas mentionné non plus que les patients ont été traités en plus à l’azithromycine. Or pour que l’étude soit totalement valide, il aurait fallu organiser un bras azithromycine seule et un bras hydroxychloroquine + azithromycine ; cela n’est pas mentionné dans les conclusions diffusées. Nous notons cependant deux points importants : les auteurs ne mentionnent pas de toxicité cardiaque du traitement et ils indiquent qu’ils ont étudié d’autres molécules dont la liste n’est pas donnée et qui sont peut-être issues de la grande industrie pharmaceutique. Les auteurs choisissent comme issues la mortalité à 28 jours, et la durée d’hospitalisation. L’étude du bras hydroxychloroquine porte sur 1542 patients comparé à un bras de patients traités par les méthodes standard. Mais il n’est rien dit sur la charge virale, ni sur l’état des poumons au début et à la fin du traitement, du moins dans les conclusions. L’essai a inclus 11 000 patients de 175 hôpitaux. Les auteurs précisent qu’ils vont publier ces résultats.

Fidèle à ma méthode, j’ai consulté ce que l’Université d’Oxford dit du Pr LANDRAY.

Voici ce que dit le site dont je donne le lien ci-dessous


Martin Landray
MB ChB, PhD, FRCP, FHEA, FASN, FBPhS, FESC


PROFESSOR OF MEDICINE AND EPIDEMIOLOGY
  • Research Director, Health Data Research UK
  • Acting Director, Big Data Institute
  • Lead, Big Data & Computing Innovation, MRC Population Health Research Unit
  • Lead, Clinical Informatics & Big Data, NIHR Oxford Biomedical Research Centre
  • Lead, Health Informatics Hub, UK Biobank
  • Honorary Consultant Physician, Oxford University Hospitals NHS Foundation Trust
Prof Landray’s work seeks to further understanding of the determinants of common diseases through the design, conduct and analysis of efficient, large-scale clinical trials and prospective cohort studies (including UK Biobank). He has led a series of major clinical trials assessing treatments for cardiovascular and kidney disease. These have enrolled over 65,000 individuals, producing results that have changed regulatory drug approvals, influenced clinical guidelines and changed prescribing practice to the benefit of patients.
He is heavily involved in efforts to streamline clinical trials, working with regulatory agencies to facilitate efficient and cost-effective trials. He is a member of the Steering Committee of the FDA Clinical Trial Transformation Initiative, leading the Monitoring, Quality by Design, and Mobile Clinical Trials projects. He is a member of the NHS Digital Research Advisory Group and the NICE Data & Analytics External Reference Group, and leads the 21st Century Clinical Trials programme for Health Data Research UK.
Prof Landray completed medical training at University of Birmingham (UK) and specialist training in Clinical Pharmacology & Therapeutics, and General Internal Medicine at University of Birmingham. He continues to practise (sic) clinical medicine as an Honorary Consultant Physician in the Cardiology, Cardiac and Thoracic Surgery Directorate at Oxford University Hospitals NHS Trust. He is a Fellow of the Royal College of Physicians of London, the Higher Education Academy, the British Pharmacological Society, and the European Society of Cardiology.
Comme je l’ai déjà dit pour le Pr MEHRA, professeur à l’Université de Harvard, on n’est pas professeur à l’Université d’Oxford si l’on est nul. Néanmoins, je crains fort que cette étude, infiniment plus solide que l’étude scandaleuse du Lancet, ne soit frappée des mêmes imperfections que cette dernière, à l’exception de la fraude bien entendu. Le Pr LANDRAY est un spécialiste de la bioinformatique et du traitement des données massives ou Big data, comme l’indique sa fonction de Directeur en exercice du Big data institute. Il n’est pas infectiologue, mais il a beaucoup publié sur des essais cliniques qu’il a lui-même conduits ou sur des méta-analyses d’études portant sur des essais d’agents utilisés pour le traitement des sujets atteints d’hypercholestérolémie, ou pour des maladies rénales chroniques (entre autre) ou cardiaques ; mais il a dû sans aucun doute faire appel à des collègues compétents dans ce domaine. Il n’a donc pas vu de malades, et il est vraisemblable par conséquent qu’il a collecté les données traitées, exactement comme l’ont fait les quatre auteurs de l’article du Lancet, par le biais de questionnaires bien organisés en items distincts, auxquels il était facile de répondre, en posant comme hypothèse que la seule variable indépendante de leur étude était l'hydroxychloroquine, ce qui est possible, mais non prouvé.

Le Pr LANDRAY est associé à 142 publications. Il apparaît 18 fois en dernier auteur, et 19 fois en premier auteur. Son nom est associé aux autres publications, soit au titre de membre d’un consortium d’étude (CKD consortium, Cholesterol Treatment trialed’ collaborative ; Kidney disease prognosis consortium, SHARP, etc.), soit sous son nom propre. Il a conduit 5 essais cliniques en double aveugle contre placebo, 10 méta-analyses de diverses données, 6 méta-analyse d’essais cliniques randomisés. La conclusion est sans appel : le Pr LANDRAY est clairement un spécialiste des essais cliniques randomisés. J’ajoute que malgré mes efforts, j’ai pu omettre ou ajouter un article dans les diverses catégories d’études que j’ai listées et je vous prie donc de ne pas me tenir rigueur d'une possible, mais très minime erreur.

Là où les choses deviennent intéressantes c’est quand on observe que le 13 février 2020, le Pr LANDRAY était associé à un article publié dans le New England Journal of Medicine (dont je ne dirai rien ! Il a quand même retiré un article de MEHRA), 382, 674-678, 2020, et qui semble être, d’après le titre, un plaidoyer pro domo, une sorte de sécurisation des propres convictions des auteurs, ou un exorcisme préliminaire contre d'autres méthodes dont les méthodes observationnelles ou les méthodes de tradimedecine. Malheureusement, je n’ai pas eu accès au contenu de cet article qui a pour titre, tenez-vous bien :

The magic of randomization versus the myth of real-world evidence.

Les auteurs ont pour noms :
Rory COLLINS, Louis BOWMAN, Martin LANDRAY and Richard PETO.

Ainsi l’évidence portée par le monde réelle est un mythe (si j’en crois le titre) et la randomisation est magique. Il y a là une croyance qui relève d’une philosophie a priori typiquement kantienne, laquelle vomit en effet tout ce qui vient de l’expérience sensible et de l’observation. J’appelle cela un préjugé.


2 commentaires:

Sèvres en juin sous la pluie a dit…

Bravo mais evidence se traduirait plutôt par preuve

Philippe POINDRON a dit…

Vous avez raison de dire qu'évidence doit se traduire par preuve. Mais alors c'est bien pire que ce que je disais en utilisant le mot évidence... Si l'observation ne prouve rien, où allons-nous ? Pasteur, l'éponyme de l'Université à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir (et qui a disparu dans un grand tout...) disait "Amassons des faits pour avoir des idées"...