Lors de son discours à Saint-Jean-de-Latran, monsieur SARKOZY avait déclaré : "Dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé et le pasteur". Une telle affirmation a suscité de nombreuses réactions de la part des rangs laïques. Les unes sont de pures circonstances, et (comme le disait monsieur de TALLEYRAND), étant excessives, sont de nulle importance ; c'est très certainement le cas des opportunistes politiques du type Julien DRAY, dont j'ai parlé hier. Mais, je le dis tout net, c'est faire injure à des milliers d'enseignants laïques que de les croire incapables de dispenser cet enseignement. J'en connais beaucoup, pour les avoir interrrogés lors de l'enquête que l'Institut pour la Promotion du Lien Social de Strasbourg (dont je fus le président pendant trois ans) a conduite dans 20 % des Collèges du Bas-Rhin, sur la prise en charge des élèves en difficultés. Je n'ai rencontré que des personnes remarquables, dévouées, pénétrées de l'importance leur mission, et parfaitement capables de faire ce discernement du bien et et du mal. Et c'est tant mieux, et c'est indispensable, et ça jette à terre tous les beaux arguments de monsieur DRAY. Car il existe une morale dite naturelle, transhistorique, transspatiale, qui est le socle inébranlable sur lequel peuvent s'édifier les sociétés. Qu'elle soit à compléter, à affiner, nul n'en disconvient. Que selon les systèmes religieux dans lesquels elles se développent, elles prennent des couleurs spécifiques, ou manifestent une sorte d'idiosyncrasie culturelle, c'est bien normal. Mais elle indique simplement que l'homme où qu'il soit, d'où qu'il vienne, sait bien ne pas pouvoir faire n'importe quoi, ni pour lui, ni pour les autres, ni pour la société, contrairement aux visions utopiques qu'ont certains "penseurs" sur l'homme nouveau. Et il me semble qu'une réflexion sur l'existence de la morale naturelle peut conduire à une saine conception de ce qu'est l'homme. Elle conduit aussi à se poser la question de son origine. Paul de TARSE n'excluait point qu'il y ait eu une révélation originelle. Si l'on admet la valeur explicative de l'évolution darwinienne, je ne vois pas pourquoi on dénierait à l'hypothèse de Paul la même valeur d'explication. Ainsi, c'est dans un dialogue respectueux entre tenants de la laïcité ouverte (heureusement les plus nombreux) et les responsables des diverses églises ou religions, dialogue réalisé dans l'espace publique, dialogue par essence politique, que l'on pourra trouver une sorte d'harmonie sociale, prémices d'une prise de conscience indispensable à l'établissement de la justice, et au partage équitable des biens matériels et culturels entre tous les hommes.
On peut toujours rêver, mais pas comme monsieur DRAY.
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