Quoi que fasse le Président de la République, quoi qu'il suggère, quoi qu'il dise, il se trouvera toujours quelques journalistes, quelques éléphants socialistes perdus dans la savane politique, quelques responsables de syndicats, surtout de syndicats enseignants d'ailleurs, pour le critiquer, le démolir, le ridiculiser, déformer ses propos, faire des procès d'intention. Un des moyens les plus pervers de saper toutes ses initiatives consiste à délivrer sur elles des informations prétendument contradictoires. Il arrive cependant que ces petites tricheries soient tellement visibles qu'elles en deviennent ridicules.
Ainsi du Journal du Dimanche qui publie un dossier sur l'initiative qu'a prise monsieur SARKOZY de confier la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah à un écolier de 10 ans. La parole est donnée à Emmmanuelle MIGNON, directrice de Cabinet du Président qui a joué un rôle moteur dans l'élaboration de ce projet et qui bien entendu défend le projet ; elle est donnée indirectement à madame Simone VEIL, et directement à madame Annette WIEVIORKA. Toutes ces personnalités sont éminemment compétentes dans leurs domaines et respectables à bien des titres.
Que retiennent les lecteurs cependant ? Que le projet est défendue par un proche du Président, et que cette approbation par conséquent est partisanne et dépourvue de valeur. L'allusion à madame Simone VEIL qui a été présidente du Comité de Soutien du candidat Nicolas SARKOZY est oblique et terrible, car cette grande figure, issue des rangs de la majorité, condamne (et elle le fait en des termes très sévères) le projet. Elle a eu à subir dans sa chair les horreurs des camps nazis, et je peux comprendre son émotion. Je me garderai bien de condamner ses propos jaillis d'une sensibilité à vif. Quant à l'interview de madame Annette WIEVORKA, connue pour ses opinions de gauche, mais pour laquelle, je le dis d'emblée, je professe le plus grand respect quand elle fait de l'histoire, elle est détaillée, présentée avec des intertitres qui en souligne l'articulation mais en force l'esprit. Je vais revenir sur son contenu. Le JDD ne parle absolument pas de l'approbation inconditionnelle de Serge KLARSFELD à l'initiative du Président.
Madame WIEVORKA est historienne. Tout le monde lui reconnaît une grande compétence dans le champ qui est le sien, l'histoire, et tout particulièrement l'histoire de la deuxième guerre et de la Shoah. Ce qui ne va pas, c'est son incursion dans des domaines qui ne sont pas les siens : quelle est sa compétence en psychologie des enfants (premier paragraphe faussement intitulé "Un cadeau ? Ce terme est insultant"). Pourquoi dit-elle "Il faut bien mal connaître les enfants pour faire une telle proposition, tout à fait indécente" ? Tous les enfants de 10 ans auraient-ils la même psychologie, la même maturité, la même éducation ? Les enseignants seraient-ils incapables d'assurer avec délicatesse la transmission de la mémoire des petites victimes ? Je préfèrerais que madame WIEVORKA utilisât son talent pour combattre la violence à la télévision, la pornographie sur internet, et la publicité en photos que font les ONG des squelettiques enfants du Darfour ou de l'Inde mourant de fin. Maxima pueris reverentia debetur certes, mais dans tous les domaines, et surtout dans ceux que je viens de citer.
Madame WIEVORKA, dans le troisième paragraphe intitulé "Il n'y a pas de risque d'oubli", explique que beaucoup de choses sont faites pour parler de la Shoah aux enfants, "la littérature, les visites des survivants dans les classes, des films autant qu'on en veut" etc. Mais pourquoi ces moyens seraient-ils excellents et mauvais celui de donner à un enfant de 10 ans le soin d'honorer la mémoire d'un enfant sacrifié ? La charge émotionnelle des moyens énumérés par elle est tout aussi forte, sinon plus, notamment dans le cas des films. C'est donc l'initiateur du nouveau moyen qu'elle démolit à travers sa critique, et rien d'autre. L'argument est un argument ad hominem dissimulé dans les plis défraîchis d'un douteux manteau de sagesse.
Madame WIEVORKA, dans le quatrième et dernier paragraphe qui, bigre ! porte le titre de "Dangereux pour la démocratie" (sic) nous joue le couplet du "les enseignants n'aiment pas l'incursion du politique dans leurs classes". Et elle dit ça sans rire ! Mais ils n'arrêtent pas d'en faire de la politique, les enseignants, par leurs grèves, par leurs manifestations, par la teneur même de leurs enseignements. Je sais de quoi je parle, ayant été Vice-Président d'une grande université scientifique française.
"Avec [Nicolas SARKOZY], l'Etat se mêle trop de l'enseignement de l'Histoire." dites-vous, madame. Mais madame, si vous aviez été cohérente sur ce point, vous auriez dû condamner sans appel la loi qu'a voté sur le négationisme un parlement dominé par les socialistes. Cette loi est excellente dans ses intentions, mais désastreuses dans ses effets : elle donne à penser qu'il y a une vérité officielle (je crains qu'en matière d'histoire de France, il n'y en ait une : regardez comment on raconte les guerres de Vendée aux Lycéens ; on se garde bien de leur dire que les armées républicaines du sinistre général TURLOT ont jeté vivants des femmes et des enfants dans des fours brûlants, pour "faire cuire le pain de la République" ; et je vous mets au défi, madame, de me dire que cela n'a pas eu lieu), elle donne à penser, disais-je, qu'il y a une vérité officielle, et elle soustrait à la raison critique l'examen des faits, empêchant ainsi les consciences droites de mesurer l'horreur de ces crimes, et jetant le discrédit sur toutes les condamnations qu'on peut porter sur eux car elle rend leur narration suspecte d'un travail de mythification. Cette loi est insane et elle a fait plus de mal que de bien dans la prévention du retour du racisme. Votre critique aurait eu plus de portée si elle s'était bornée à poser de légitimes questions, au lieu d'asséner des vérités sorties tout droit de votre cerveau, c'est à dire de votre idéologie. Je ne disconviens pas avec vous qu'il faut travailler sur les moyens à utiliser pour alerter les jeunes consciences, mais de là à déverser ce torrent de jugements péremptoires, il y a un pas que je me garderai bien de franchir.
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