mercredi 8 mai 2013

Les démiurges

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On qualifie d'hématopoïétiques, les organes qui fabriquent le sang. On devrait, par analogie, adorner les mythes des idéologues contemporains, d'anthropopoïétiques (qui fabriquent l'homme). C'est leur ambition folle : créer un homme nouveau, qui ne doive qu'à lui-même d'être ce qu'il est. Madame TAUBIRA a raison de dire que sa loi introduit à un changement de civilisation, tout en prétendant qu'elle n'ôte rien à personne ; et monsieur CHATEL a gravité sur la même orbite folle en ordonnant qu'on enseigne, lui régnant comme ministre de l'Education (!) Nationale, la théorie du gender en science naturelle et non point en philosophie. C'est une faute grave, une erreur impardonnable, et le témoignage d'une rare inculture.
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Au risque de me faire qualifier d'incompréhensible par mes amis Georges et Louis (qui, m'ont-ils dit, se fendent de me lire tous les jours), je vais faire d'abord évoquer Hannah ARENDT, avant de faire un saut dans le temps, un saut vertigineux mais salutaire, et je ferai un rapprochement dont j'espère qu'il viendra éclairer le propos de ce jour. C'est un peu long. Donnez-vous la peine de lire jusqu'au bout.
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Hannah ARENDT, dans la Préface de son livre intitulé Between Past and Future (je le cite indirectement, à partir d'une lecture sur le travail de cette philosophe politique), publié en français sous le titre de La crise de la culture (j'ai lu ce livre) écrit ceci : "Lorsque le fil de la tradition se rompit finalement [noter le passé simple ; ARENDT pointe un moment de l'histoire ; je suppose qu'elle parle de la rupture idéaliste du XVIIIe siècle], la brèche entre le passé et le futur cessa d'être une considération particulière à la seule activité de la pensée et une expérience réservée au petit nombre de ceux qui faisaient de la pensée leur affaire essentielle. Elle devint une réalité tangible et un problème POUR TOUS, ce qui veut dire qu'elle devint un fait qui RELEVAIT DU POLITIQUE" [Majuscules de votre serviteur].
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Voilà qui déjà nous explique pourquoi nos gouvernants ont fait voter la loi sur le mariage pour tous. Il n'y a pas de tradition, il n'y a pas de transmission, il n'y a que l'individu seul en face de lui-même qui a la liberté de se construire comme il veut. Qui ne voit que c'est une imbécillité et une contradiction insurmontable avec ce que ces apprentis sorciers ne cessent de nous seriner ? A savoir que les inégalités sont d'abord sociales (c'est-à-dire qu'elles DÉTERMINENT) et qu'il suffit de changer les conditions extérieures (c'est-à-dire DÉTERMINANTES) pour changer le destin de ceux qui sont soumis à ces conditions défavorisantes ? Que c'est une contradiction inacceptable pour les consciences droites, puisqu'elle revient à donner à d'autres que soi-même, le droit de dire ce que nous pourrions être par nous-mêmes ?
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Et maintenant, faisons ce saut immense dans le passé. Plongeons-nous dans SUMER. Nous sommes, d'après la tablette que je cite, le 28 février 1728 [la date a été recalculée, bien entendu, à partir des données de la tablette] avant J.-C. (HAMOURABI de BABYLONE a pris le pouvoir sur cette région en 1792). Une grand-mère [HABANNATOUM] va voir les juges pour qu'ils reconnaissent enfin la situation de celui qu'elle revendique pour petit-fils. Nous sommes plongé dans l'exigence de filiation. (J'ai trouvé ces traductions du sumérien dans Les métamorphoses de la sagesse au Proche-Orient asiatique. Des Sumériens à Thalès. Par Daniel ARNAUD. Collection Kubaba, l'Harmattan, Paris, 2012).
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"NINOURTA-RA'IM-ZERI, fils d'ENLIL-BANI, alla trouver les officiels et les juges. Il déclara : 'Mon père (...) mourut quand j'étais encore dans le sein de ma mère (...). En rapport avec ma naissance, ma grand-mère paternelle avertit le berger LOUGAYA et le juge SIN-GAMIL. Elle engagea une sage-femme et elle me mit au monde.' Telle fut sa déclaration."
 
Suit une contestation de cette filiation par des adversaires de NINOURTA-RA'IM-ZERI. La tablette continue :
 
"Les officiels et les juges vérifièrent leurs propos. Ils se firent lire la tablette du serment par le dieu, ils interrogèrent leurs témoins et ils discutèrent leur témoignage. Parce que les témoins disaient : 'NINOURTA-RA'IM-ZERI est le fils d'ENLIL-BANI', ils ordonnèrent (...) de faire comparaître des témoins qui connaissaient la filiation de NINOURTA-RA'IM-ZERI et de la prouver par serment, pour que les faits fussent établis pour le tribunal."
 
Après une longue enquête, les juges concluent :
 
"Il [NINOURTA-RA'IM-ZERI] est vraiment le rejeton d'ENLIL-BANI."
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Il est tout de même intéressant de constater que des peuples antiques, cultivés, mais encore vierges de toutes contaminations élucubratives idéologiques, prennent tant de soin à maintenir et à prouver par tous les moyens, la filiation. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'un orphelin de père, élevé par sa grand-mère paternelle, qui revendique hautement être le fils d'un père défunt, une ascendance contestée par des adversaires (il se pourrait que cette contestation fût liée à des questions d'héritage). Il est évident qu'il ne s'agit pas de position idéologique, mais d'une revendication naturelle de filiation. Des détails, que j'ai passé sous silence, sont clairs et relèvent de la plus élémentaire physiologie de la reproduction. Il y a une sage-femme, un père, une mère ; on parle de la grossesse de la maman, de témoins qui ont vu et déposé leur témoignage sous serment. Tradition, transmission, suture entre le passé et le présent. Voilà ce que madame TAUBIRA et monsieur HOLLANDE veulent briser et qui plonge ses racines dans la nuit des temps. Pour eux, tout est politique. Et puisqu'ils se sont placés sur le terrain politique, quoique le problème relève de l'anthropologie, ils ne doivent pas s'étonner de voir que la réaction à leur folie prenne une allure "pseudo-politique" ; il n'y a malheureusement pas d'autres moyens pour se faire entendre. Rendez-vous le 26 mai. NOUS NE LÂCHERONS RIEN. Car, ne leur en déplaise, notre résistance n'est pas POLITIQUE ; c'est une objection de conscience.

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