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Chers lecteurs,
Toutes affaires cessantes (au pluriel) je vous
invite à vous procurer ce petit livre qui, de mon point de vue, est d’une
importance capitale. Il s’intitule : Du contrat sexuel. Il a pour auteur
Cédric LAGANDRÉ. Et il vient d’être publié aux Presses Universitaires de France,
Paris, en ce mois d’octobre. L’auteur est agrégé de philosophie.
J’en extrais, intentionnellement, ce passage qui
éclaire d’un jour cru le grand débat sur la PMA. Il n’en est pas question dans
cet ouvrage, et c’est donc de manière indirecte qu’il intéresse le sujet.
"Francis WOLFF note que la prolifération
des droits à (l’éducation, la santé,
au logement) qui depuis la Seconde Guerre mondiale se sont substitués aux droits de (aller et venir, s’associer,
pratiquer sa religion) témoigne d’un affaissement de l’idée d’égalité politique,
l’important dans ces revendications étant moins l’égalité des droits à l’égard
de la puissance publique que les exigences particulières de l’individu pris
comme instance ultime du droit. (L’auteur donne ici la référence du livre de
WOLFF, et il développe alors son analyse.) Les « droits à » ne sont
pas redistribués égalitairement par la puissance commune, mais découlent de l’individu lui-même. En
tant qu’individu et non en tant que membre de la communauté politique, il a
droit à la jeunesse et au bonheur, individu-Léviathan (allusion manifeste au livre de HOBBES) à qui tout est dû et à l’égard
de qui la puissance commune est toujours en défaut. Le renversement est complet :
l’individu conscient de soi est, de fait, le fruit de la communauté ; mais
par l’effet de la désymbolisation de la culture occidentale, voilà que cet
individu assigne la communauté en justice pour être seulement réel, au lieu d’idéal.
Le droit répare ce qui peut l’être, tout ce qui
comme dit KANT, relève de « la contrainte extérieure réciproque » :
il n’a pas pour mission, ni pour légitimité d’embrasser la totalité de la
réalité, ni de la reconstituer selon ses propres normes. C’est pourtant ce qui
se produit quand les catégories juridiques deviennent folles, et, s’autofondant
magiquement, font en leur propre nom un procès au réel. Le renversement des « droits
de », fondés sur la Cité, en « droits à » fondés sur eux-mêmes,
est l’expression de la résolution du politique, jugé partout obsolète — le politique
ayant ayant apparemment trouvé sa solution finale — dans un nouvel ordre moral."
Pages 67 à 69.
Vous noterez que dans ce passage capital, l’auteur
utilise la notion d’individu, pris au sens d’atome social, isolable, confiné
dans son propre désir, et non la notion de personne, entendue comme sujet
social (et donc politique). Vous remarquerez ensuite que le basculement des « droits
de » aux « droits à » s’accompagne de l’instauration d’un nouvel
ordre moral lequel consiste en réalité détruire l’altérité, à ignorer que l’homme
n’est pas seul, mais qu’il est pris dans un réseau de relations qui l’ont
constitué et dont, en dépit de tous ses efforts, il ne peut se déprendre.
Et c’est dans ce petit chef-d’œuvre d’analyse
que Cédric LAGANDRÉ démontre ceci : qu’il n’y a pas de sexualité
proprement humaine sans compréhension profonde de l’altérité qui trouve son
achèvement dans l’acte sexuel.
Pour être honnête, je dirai enfin que je connais
bien Cédric, puisque je suis son beau-père. Il n'est en rien un sympathisant des thèses attribuées à la droite, aux réacs, aux cathos, aux culs coincés, etc. Je puis vous l'assurer. Ce serait plutôt le contraire ! Simplement, il pense, il est nourri des analyses de la politique qu'ont faites les auteurs grecs, sans aucun doute. Mais pas que... Bref, c'est un esprit libre.
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