Je ne l'ai pas demandé à Martin, mais enfin j'ai déjà correspondu avec lui, et il sera d'accord pour que je vous livre son récit de la soirée d'hier, en contrepoint du mien. Pour les photos, il suffit de cliquer sur le titre en haut du cadre.
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03 Juillet, Hôtel de ville, le récit de la soirée
4 juillet 2013
Le récit de la veillée
d’hier soir place de la République, mercredi 26 juin. Récit par Xavier, photos de Calamity-cam.
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Pour leur 20ème
veillée parisienne, c’est la place de l’Hôtel de Ville qui a été choisie par
les Veilleurs qui devaient s’y retrouver à parti de 21h30. Cela ne semblait pas
au goût des forces de l’ordre qui décidèrent de fermer la station de métro « Hôtel
de Ville » (sur ordre de la préfecture de police, en raison d’une
« manifestation sur la voie publique ») et de mettre des barrières
tout autour de la place.
Malgré tout, le lieu
de la veillée est maintenu, et les Veilleurs s’installent rue de Rivoli, le long
de la place. Ils sont bien vite encerclés par les forces de l’ordre tandis que
de l’autre côté de la route, un groupe d’une vingtaine de personnes leur hurlent
« homophobes, assassins ! » tout en agitant des drapeaux arc-en-ciel.
Les forces de l’ordre sont visiblement étonnées du nombre important des Veilleurs et de leur volonté de réaliser cette veillée, quoi qu’il en soit. Sous leur escorte et tout en chantant le Chant de l’espérance, ils se déplacent au bout de l’avenue Victoria, située juste en face de l’Hôtel de Ville et fermée à la circulation.
Les forces de l’ordre sont visiblement étonnées du nombre important des Veilleurs et de leur volonté de réaliser cette veillée, quoi qu’il en soit. Sous leur escorte et tout en chantant le Chant de l’espérance, ils se déplacent au bout de l’avenue Victoria, située juste en face de l’Hôtel de Ville et fermée à la circulation.
Les Veilleurs sont
alors plusieurs centaines, mais les forces de l’ordre empêchent les nouveaux
arrivants de rejoindre le groupe. Il est même demandé à un veilleur trop près
du cordon de CRS de quitter les lieux, de sortir de l’avenue Victoria. Au bout
d’un quart d’heure, la situation sera rétablie avec une possibilité d’entrée
par le Quai de Gesvres.
Pendant ce temps-là,
la veillée continue, sous les thèmes liberté et responsabilité. Un hasard devient
rapidement un symbole : sur la façade de l’Hôtel de Ville, les mots
Egalité et Fraternité de la devise républicaine sont éclairés tandis que le mot
Liberté reste plongé dans le noir.
Les fameuses
expériences de Milgram sont revues pour expliquer les délitements de
responsabilité. François-Xavier Bellamy, professeur en philosophie et
intervenant régulier des veillées, explique ce qu’est la liberté. Il y a toute d’abord la liberté de faire ce que l’on veut,
mais sans se soucier des conséquences.
C’est une
liberté adolescente, une liberté sans responsabilité. La société est
actuellement plongée dans cette liberté qui, à la fois, a participé à un
certain nombre des crises actuelles mais est aussi au cœur du discours des
partisans au mariage homosexuel (« cette loi ne change rien pour vous,
alors vous devriez vous en ficher »). Mais la vraie liberté, est
celle en pleine responsabilité : je choisi les actes que je pose et je les
assume. J’accepte les conséquences de mes actes et c’est pour
ça que je peux dire que je les ai choisis librement.
Jean-Baptiste et
Myriam prennent ensuite la parole pour nous donner les bons conseils en cas
d’interpellations : toujours rester poli, vouvoyer les policiers, rester calme, ne pas
avoir d’objet pouvant être considéré comme une arme sur soi (pas d’opinel, par
exemple),… Il rappelle que nous ne sommes pas tenu de signer les papiers que
l’on nous donne et qu’il est même possible de refuser de signer un
procès-verbal et d’y ajouter par écrit les motifs de ce refus. En cas de
garde-à-vue, il faut demander un médecin et un avocat. Il ne faut pas non plus
hésiter à garder le silence.
Puis Amaury, avocat,
nous confirme qu’il était totalement illégal d’interpeller les 52
Veilleurs la semaine dernière et de les conduire rue de
l’Evangile. Il attire l’attention des Veilleurs sur les bonnes ambiances avec
les policiers qui interpellent : cela ne doit pas distraire et il faut rester
très attentif à tout ce que l’on dit et encore plus à tout ce que l’on signe.
Amaury nous cite également un certain nombre de phrases prononcés par des
officiers de police judiciaire lors de cette soirée de mercredi dernier :
« vos arrestations sont politiques et nous le savons », « 90%
des gens dans les commissariats sont avec vous », « continuez votre
combat, il est noble »,…
Des informations sur
la grande marche des Veilleurs de cet été ont été données. Celle-ci partira le
10 août des alentours de Belfort et arrivera aux abords de
Notre-Dame-des-Landes. Les 29, 30 et 31 août se déroulera le « Paris des
Veilleurs », marche autour de la ville de Paris avec bien sûr des veillées
chaque soir. Cette marche n’a pas pour but
de simplement se rencontres parmi les veilleurs mais bien d’aller
au-devant des Français.
Parmi les
nombreuses autres interventions, il faut noter celle de Denis Tillinac, journaliste et écrivain, qui a dit toute son
admiration et amitié pour les Veilleurs. A la fin de cette prise de
parole, les organisateurs annoncent qu’ils ont demandé aux forces de l’ordre de
pouvoir rejoindre les veilleurs debout de la place Vendôme mais que cela leur a
été refusé. Il est donc décidé de disperser les Veilleurs
qui pourront aller veiller devant un autre lieu, tenu secret. Le nom de ce lieu
est chuchoté de Veilleur en Veilleur, et bientôt la place est vidée.
Le lieu est tenu secret pour que son accès ne soit pas empêché par les forces
de l’ordre.
Par des chemins
différents et en essayant d’aller le plus vite possible, les Veilleurs vont
donc individuellement confluer vers un point unique : le Palais de l’Elysée. Après cette marche de quelques
kilomètres, chacun arrive aux abords du Palais.
Les forces de l’ordre
repousse violemment les Veilleurs arrivés mais leur nombre grossissant de plus
en plus en vite, elles sont rapidement dépassées. Las, les renforts
arrivent et les Veilleurs décident donc de s’assoir sur place. Le chant de
l’Espérance s’élève de leurs rangs tandis que les policiers les arrachent un à
un pour les traîner sur quelques mètres.
Mais sitôt dégagé de l’emprise policière, le Veilleur retourne s’assoir
avec les autres. Parmi les forces de l’ordre certains n’hésitent pas
à insulter les Veilleurs. La force est employée dans le seul but de faire mal,
comme en tirant les Veilleurs par les oreilles. Cela n’entame pas la
non-violence et la bienveillance des Veilleurs. Des vêtements sont arrachés,
des Veilleurs doivent rentrer chez eux en raison de blessures. Cela aura
eu lieu sans que la moindre sommation n’ait été prononcée, ni la moindre
demande de dispersion.
Ceux-ci sont regroupés
en face de l’ambassade de Colombie. Ils décident donc de poursuivre sur place
la veillée et, comme la semaine dernière, c’est l’extrait de L’Homme révolté de
Camus qui marque la reprise. A la suite, de nombreux témoignages
personnels se succèdent dont celui de Madeleine, fonctionnaire de l’Education
nationale, visiblement très émue : « Face à cette violence
d’autres fonctionnaires, j’ai honte d’être fonctionnaire ! J’aime toujours mon
pays mais j’ai honte, honte d’être fonctionnaire ! ». Puis un homme témoigne de la nécessité de bienveillance, y compris
vis-à-vis de ces hommes qui font un usage illégal de la force envers les
Veilleurs. Il n’en demeure pas moins que les Veilleurs veulent
marquer la responsabilité individuelle de ces policiers et lisent donc un
extrait du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Péguy : « Complice,
complice, c’est pire que coupable ! ». Certains policiers tournent la tête
mais la grande majorité reste désintéressée. A l’intérieur de l’ambassade de
Colombie, quelqu’un dépose brièvement une bougie sur le rebord de sa fenêtre.
A 3h15, les Veilleurs
annoncent leur dispersion mais alors qu’ils rentrent chez eux par petits
groupes, ils sont bloqués par les policiers sur la place de la Concorde qui leur refuse
tout autre accès que la rue Rivoli. Les Veilleurs leur explique que cette
interdiction est tout à fait illégal et qu’ils ne sont donc tenus de ne pas la
faire appliquer, malgré les ordres. Arrive un capitaine qui dit que c’est lui
qui a donné cet ordre. Quand je lui rappelle son illégalité, il me dit qu’il
est au courant, mais qu’il ne s’agit pas d’un ordre manifestement illégal et
que ses hommes doivent donc y obéir. Je lui réponds que par cette phrase,
l’ordre devient manifestement illégal et lui demande donc son numéro de
matricule, ce qu’il refuse. « à partir de deux, vous êtes un
attroupement ». Le commissaire divisionnaire arrive sur place et s’emporte
vivement contre les Veilleurs en leur sommant de se disperser. On lui
explique que ce sont justement ses hommes qui ont refusé cette dispersion. Un
autre policier s’emporte également contre un veilleur qui tente de lui
expliquer le droit : « Je m’en fous, vous dîtes n’importe quoi, vous ne
savez pas de quoi vous parlez ». Finalement, un groupe de Veilleur part
tandis que deux qui habitent en direction de la place de l’Etoile sont gardés
sur place par deux policiers.
Ceux-ci sont à la fois
troublés devant l’inutilité de leur mission mais trouvent également le moyen
d’accuser les veilleurs d’être à l’origine de la montée de violence ailleurs en
France car, « à cause d’[eux] toutes les forces de l’ordre sont
ici ». Finalement, ces deux Veilleurs sont autorisés à rentrer chez eux au
bout d’une vingtaine de minutes à condition de traverser la Seine.
Xavier.
2 commentaires:
DENIS TILLINAC A FAIT SON BILLET
"Il est plus facile d’arrêter les jeunes qui prient que ceux qui sèment la terreur en banlieue. On ne parle guère des Veilleurs dans la presse.
Je faisais escale à Paris et j’avais su qu’une veillée était fomentée après la tombée de la nuit sur la place de la République. M’y voici. Ils sont quelques centaines, assis sagement sur deux terre-pleins de part et d’autre de la statue. Deux groupes, donc, serrés de près par une pléthore sidérante de gendarmes mobiles harnachés comme si planait une grave me nace de subversion, voire de révolution.
Je retrouve un ami impliqué dans le mouvement et je m’assois à ses côtés. Une sono diffuse une voix qui exhorte à la courtoisie vis-à-vis des policiers, puis lit un texte de Camus, un passage du Mystère de Jeanne d’Arc, de Péguy, une prédication de Martin Luther King relative aux lois respectables parce que justes et à celles qui ne le sont pas.
La voix s’interrompt, des mains s’agitent en guise d’applaudissements et une mélopée s’élève : l’Espérance, me dit mon ami, un chant scout. La plupart des Veilleurs sont jeunes ; certains brandissent un portrait de Gandhi pour attester de leur pacifisme. Ambiance recueillie, sous l’oeil perplexe des gendarmes habitués sans doute à des manifestants plus vindicatifs. L’un d’entre eux, barré de tricolore et muni d’un porte-voix, annonce une première sommation.
Impression qu’il improvise un rôle burlesque dans une comédie de Goldoni, car il manque un ennemi plausible dans son jeu de rôle. Les Veilleurs n’abîment rien et ne dérangent personne ; ils écoutent des textes dont les auteurs n’étaient ni des factieux ni des imprécateurs, encore moins des ultras. Péguy, Luther King… Ce qu’ils chantent n’a rien de martial. Soudain, se pointent une bonne vingtaine de cars de police. Les gendarmes serrent les rangs, nous sommes au sens propre sous leurs bottes. Contraste inouï entre cette débauche de moyens policiers et l’absence de la moindre présomption de désordre. Les chants reprennent, on se tient par les coudes, toujours aussi sagement. Seconde sommation.
De l’autre côté de l’avenue, un homme de cabinet dépêché par le préfet de police est venu parlementer. Des avocats ont rejoint ce groupe et prennent des photos. Du côté où je me trouve, les gendarmes commencent l’embarquement des Veilleurs. Dont mon ami. J’hésite. Je finis par rentrer chez moi avec la mauvaise conscience du déserteur.
SUITE
À 9 heures, le lendemain matin, cet ami m’appelle. Le panier à salade l’a largué avec ses frères d’infortune dans un commissariat où les attendait un régiment d’officiers de police judiciaire. Contrôle d’identité, fouille : on les a fait glander jusqu’à 4 heures du matin pour les humilier et les intimider, puis on les a relâchés. Le prétexte de cette flicomanie inepte, c’est l’interdiction d’un attroupement non autorisé. Aussi, devant le Palais de justice ou l’Assemblée nationale, des Veilleurs debout se plantent à 10 mètres les uns des autres, afin d’éviter le motif d’une interpellation. Mais les policiers reçoivent l’ordre de les pousser de sorte qu’ils forment un groupe. Alors on décrète l’attroupement et on embarque. Il y aurait de quoi rigoler si, au même moment, dans telle banlieue, des bandes innombrables de voyous ne semaient impunément la terreur. Ceux-là, les flics, les magistrats et les politiques en ont peur.
Outre la fébrilité infantile du pouvoir, cette mascarade trahit son arrogance et son mépris. Les Veilleurs sont plutôt croyants, en tout cas en quête de spiritualité ; ça suffit à les expédier dans l’enfer des “réacs”, alors qu’ils ne sont aucunement politisés. En revanche, ils sont déterminés et essaiment dans de nombreuses villes.
Le pouvoir a tort de miser sur leur lassitude : ce qu’ils ont réveillé dans l’inconscient de notre pays n’est ni médiocre ni anodin et promet de n’être pas éphémère. Si j’étais de la bande à Hollande, j’essaierais au moins de comprendre. C’est peut-être beaucoup leur demander. Pour l’heure, la lutte continue et l’honneur exige qu’on la soutienne, autant que la raison."
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