Ainsi commence
la lettre que Marie, jeune bénévole française partie pour un an à TACNA, dans
un centre créé par les jésuites pour l’éducation des enfants de milieux
défavorisés de la ville, envoie tous les mois à ses amis.
7/06/2018
"Tacna
l’héroïque
Il est 14h30, le
soleil brûle et traverse facilement la vitre du bus. Ce dernier se transforme
rapidement en sauna. La digestion et la chaleur nous plonge dans un
demi-sommeil alors que nous nous dirigeons vers la banlieue de Tacna. Nous
passons du centre avec ses jolis palmiers au grand marché bordélique de Santa
Rosa. Puis peu à peu, nous nous retrouvons vraiment dans le désert. Les maisons
s’éparpillent, les toits sont plus enclins à s’envoler. La végétation
disparaît. Mais le bus continue de se remplir. Les enfants, qui ont fini
l’école, dans leur uniforme rouge et gris, font preuve d’adresse pour ne pas
tomber les uns sur les autres. C’est un joyeux bazar. Le bus, une fois de plus,
s’arrête pour prendre des passagers.
C’est alors
qu’une femme plutôt grande et belle monte dans le bus et se faufile entre ses
pairs. Elle est au téléphone. Je n’entendrai jamais ce que dit l’homme avec qui
elle parle, seulement ses réponses. Je n’entendrai que la moitié du dialogue.
Je n’entendrai que sa voix forte et ses cris de colère. Tout le bus l’entend et
beaucoup l’écoute. Elle est en train de se disputer avec son compagnon qui se
trouve à Lima et qui semble multiplier les conquêtes alors qu’elle se rend chez
une amie pour laver du linge et se plaint de ne pas avoir d’argent. L’échange
est violent. L’emprise que semble avoir cet homme sur elle est à la mesure de
sa jalousie. Elle se défend comme un moustique pris dans une toile d’araignée.
Elle semble suffoquée mais ne semble pas non plus vouloir en finir. L’homme
l’insulte, la traite de « cochonne » et elle continue de crier, de se révolter
en entendant ses paroles injustes et gratuites. Quand soudain, alors qu’elle
continue de se débattre, elle crie, comme pour prendre sa respiration à nouveau
: « Tu n’es pas mon chef, tu n’as de droits sur moi, mon seul maître c’est
Jésus. »
Je me souviens
de son cri semblable à une esclave ayant soif de liberté.
Je me souviens
de son chignon rouge. […]."
Imaginez-vous qu’une
telle scène puisse se produire dans le métro parisien, ou dans un bus de la
RATP ? C’est à peine croyable. Le reste de la lettre, consacrée
essentiellement aux enfants de la casita,
fera l’objet d’un autre billet. Mais il me paraissait nécessaire de séparer
cette scène de ce que Marie dit de ces merveilleux enfants du Pérou.
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