dimanche 30 décembre 2007

Lope de Vega trahi

Du Corneille revu par Beaumarchais et Pantalon. Voilà le sentiment qui m'habite, depuis que j'ai vu hier soir à la Comédie Française Pedro et le Commandeur. Omar PORRAS a orchestré le travail d'une troupe à la vaillance merveilleuse. La pièce est admirablement mise en scène, le jeu des acteurs, poussé à un point parodique extrême, est absolument époustouflant. Ils sont masqués, ce qui accroît la difficulté ; il y a des moments de chorégraphie à l'admirable précision, et des scènes d'un très haut comique. D'où vient mon malaise ? Du parti pris moderno-gaucho-culturellement correcte du metteur en scène. Je le maintiens, c'est du CORNEILLE à la sauce BEAUMARCHAIS assaisonnée par PANTALON. PORRAS a honteusement trahi LOPE de VEGA, le si prolifique SHAKESPEARE espagnol qui connut CERVANTES et Charles Quint.
Omar PORRAS explique le point de vue qu'il a adopté pour réaliser cette oeuvre, selon moi dans un style de Comedia del Arte plus que dans celui de tragi-comédie à la simple et noble grandeur qu'avait voulu l'auteur. Il a le droit d'adapter ; nul ne le lui conteste. Mais la pièce qui nous est présentée n'est pas de LOPE de VEGA, elle est une pantalonnade d'après une tragi-comédie de LOPE de VEGA.
Dans ce cas, on peut comprendre les Travailler plus pour gagner plus ou Autant en emporte le vent qui émaillent le monologue de tel ou tel acteur ainsi que toutes autres saillies impromptues et incongrues et qui se veulent spirituelles. Mais je doute fort que LOPE de VEGA ait inclus ces gloses marginales et subalternes dans son texte.
Juger les moeurs de la Renaissance Espagnole finissante avec les yeux du vingtième siècle, faire de LOPE de VEGA un précurseur des Philosophes des Lumières est d'un anachronisme criant, et témoigne d'une haute inculture, à moins que ce soit une imposture intellectuelle. Prétendre, parce qu'on en connaît aujourd'hui l'histoire, que le Royaume d'Espagne était en pleine décadence, c'est de la divination a posteriori. Avec quels yeux faudrait-il alors que nous jugions l'état de notre civilisation actuelle ? En cette fin de seizième siècle, l'Espagne était chrétienne ; elle se souvenait de Paul de Tarse ("il n'y a plus ni hommes libres, ni esclaves...") ; la controverse de VALLADOLID, tout à l'honneur de certains clercs, avait confondu le prélat qui déniait aux indiens d'Amérique du Sud la possession d'une âme. Et le meurtre d'un noble libidineux par un paysan, jeune marié fidèle, et qui défend son honneur, que narre LOPE de VEGA n'est que l'illustration d'un principe toujours défendu par les saints : aux yeux de Dieu, tous les hommes se valent. Voilà dans quelle perspective LOPE a écrit sa pièce qui donne à l'honneur, si cher aux espagnols, une place prépondérante. Faut-il ajouter qu'au moment d'expirer, le Commandeur qui voulait abuser de la femme de son paysan alors qu'il était absent, CONFESSE SON PECHE ET EN DEMANDE PARDON A DIEU AUTANT QU'AUX HOMMES ? Voilà ce qu'est cette pièce, et non pas la traduction de la lutte des classes et de la victoire du Peuple qu'Omar PORRAS se complaît à chanter. Je reviendrai sur cette question, si importante pour le devenir de notre société.

vendredi 28 décembre 2007

Précision

Le hasard, ou la providence, a voulu que je rencontre avant-hier un collègue mathématicien d'origine arménienne, dans une boutique parisienne. Je lui ai posé la question de la possible origine arménienne de l'agresseur du RER D. La réponse est la suivante : il y a eu des noms arméniens turcisés. IAN, "fils de" s'est transformé en OGLOU (et non pas OGLU) qui veut aussi dire "fils de". Un vrai nom arménien eût été DEVET-OGLOU et non pas DEVE-OGLU, m'a-t-il été dit. Mais pour être objectif, je n'exclus pas que de génération en génération, le nom arménien d'abord partiellement turcisé ait pu se turcisé totalement. Mon interlocuteur, je le précise, parle turc, arménien, grec et russe couramment. Je reste donc dans l'incertitude, mais je retire les soupçons infondés que je faisais peser sur France Info, à qui je présente mes excuses.
Je reprendrai avec plus de vigueur mon Blog la semaine prochaine.

dimanche 23 décembre 2007

Enfer et RATP

Encore un signe des temps. Le métro fait grande publicité pour l'exposition de documents érotiques, tirés de l'Enfer de la Bibliothèque Nationale, qu'elle organise à la Station fantôme Croix-Rouge. Les petites affichettes qui la signalent sont de couleur rose et, outre l'annonce de l'exposition, portent un grand X dans leur partie droite. La RATP fait aussi de la réclame pour l'exposition parallèle organisée par la Bibliothèque Nationale, et mentionne avec une fausse innocence que ladite exposition est interdite au moins de 16 ans.

C'est oublier un peu rapidement, qu'il y a quelques jours, Anne-Lorraine était tuée dans une rame du RER par un déséquilibré sexuel. Elle était catholique fervente, et dans un article que je n'ai pas lu mais dont une relation m'a donné le ton, le Monde mentionnerait le fait avec des sortes de pincettes précautionneuses, comme pour se prémunir contre la foi vécue intensément par cette jeune fille. Après ce meurtre, je n'ai pas vu de hordes de jeunes catholiques brûler le tribunal qui a jugé le meurtrier, récidiviste en matière de crime sexuel ; le juge qui l'a mis en liberté après que l'homme avait accompli une partie de sa peine, n'a pas été lynché. Le colonel SCHMITT, père d'Anne-Lorraine, ne demande pas d'enquête. Il a repris son travail à l'Hôtel des Invalides. Il a mis une photo de sa fille sur son bureau. Il refuse interview et photo. Son attitude est celle d'un chrétien exemplaire. Mais aujourd'hui qui plaindrait les chrétiens ? Cette attitude doit être mise en parallèle avec d'autres dont j'ai déjà parlé dans mes billets.

Voilà messieurs les journalistes du Monde ou de France Info (je vais y revenir) ce qu'il eût été bon de souligner. Seul Paris-Match l'a fait et je dois dire qu'il l'a fait avec pudeur et retenue.

Revenons à France Info. Miraculeusement, l'agresseur dont le nom est turc, est qualifié d'arménien par France Info, qui l'affuble aussi d'un prénom chrétien, Thierry, alors que j'avais lu tout autre chose, dans d'autres dépêches. Que cherche donc France Info ? Ses journalistes ignorent-ils qu'en arménien, les patronymes se terminent presque invariablement en IAN, alors que celui de l'agresseur, pour autant que je me souvienne, se termine en UP ? Où est la vérité ? Pourquoi tant de divergences dans le rapport des faits ? Et pourquoi France Info sélectionne-t-il des données qui favorisent une thèse (le meurtre a été commis par un français d'origine arménienne) au détriment d'une autre, qui me paraît tout autant vraisemblable (le meurtre a été commis par un délinquant sexuel non suivi par la justice, d'origine turque et probablement de confession musulmane) ?
Ce sont ces petites distorsions qui me chipotent. Pour être tout à fait objectif, je n'exclus pas qu'une autre présentation que celle de France Info est AUSSI destinée à conduire l'opinion publique dans une certaine direction. Il me semble donc que la justice devrait donner à la presse des informations contrôlables, pour éviter les dérives.
Quant aux responsables de la RATP, on est en droit de leur réclamer des comptes : non, non et non ; qu'ils laissent l'Enfer à ceux que ça intéresse, qu'ils ne scandalisent pas les petits, (je parle ici du scandale pris au sens évangélique), et qu'ils fassent surveiller leurs rames plus sérieusement. (Je n'ignore pas que le RER dépend de la SNCF et non de la RATP, mais ses matériels circulent sur les voies du métropolitain, et elles sont souvent perçues comme propriété de la RATP).
PS (dimanche soir) : je viens de retrouver l'article de Paris Match qui donne comme nom au meurtrier Thierry DEVE-OGLU. Le prénom donné par France Info est donc exact. Quant au patronyme, il est absolument turc, et non pas arménien, même si Paris Match donne la même origine arménienne à Thierry DEVE-OGLU. Je me pose donc des questions sur la fiabilité des informations qui nous sont transmises.

jeudi 20 décembre 2007

Un scoop de France Info

Il y a un ÉNORME "rebondissement" dans la triste affaire des adolescents qui se sont tués à VILLIERS-LE-BEL en percutant un véhicule de la police. Il n'y avait pas UNE voiture de police, mais DEUX. Voilà qui est bouleversifiant, voilà qui change la donne, n'est-ce pas ? En parlant de ce "rebondissement", les journalistes de France Info veulent nous donner l'idée que les autorités CACHENT quelque chose. Mais ils sont prudents, les journalistes, et ils disent que cette seconde voiture aurait été "dans le périmètre de l'accident". Très honnêtement, qu'il y ait eu une ou deux voitures, est-ce vraiment cela qui va modifier le scénario de ce drame. Il est acquis que les jeunes circulaient sur une minimoto non homologuée, sans casque, et qu'ils venaient de gauche. Il paraît tout de même difficile d'imaginer que le choc ait pu impliquer la moto et deux voitures. En d'autres termes, on peut parler d'une nouveauté mais non d'un rebondissement, car les données mêmes des événements ne sont pas changées par cette "révélation" . Bien entendu, et on peut les comprendre, les familles demandent qu'une enquête soit conduite sur l'éventuelle présence de ce véhicule supplémentaire. Mais que tirer de ces investigations ? Qu'il y a eu des négligences ? Mais le témoin principal du drame dit qu'il a vu un (ou des) policiers faire en vain des massages cardiaques aux jeunes victimes, immédiatement après le choc. Mais les organismes de secours, leur carnet de bord en fait foi, ont été alertés dans les plus brefs délais. En toute honnêteté, a-t-on encore le droit de dire que cet accident résulte de l'insouciance et de la négligence qui est le propre de tous les adolescents, sans se faire traiter de fasciste, de raciste, de réactionnaire ? Il me semble que oui, au nom de la vérité. En le disant, je ne m'exonère pas de la compassion pour les parents, et de la tristesse qui m'étreint à l'idée que deux jeunes vies ont été fauchées. Mais j'en tire des conclusions pour l'action : plus que jamais, rendons nos jeunes attentifs aux dangers de la circulation, éduquons-les à la sécurité. Que ces disparitions servent de leçon et que le souvenir de ces deux jeunes gens aiguillonnent en nous l'amour de la vie, au nom du respect que nous devons à leur mémoire.

Quo non ibamus ?

Quo non descendamus ? Où ne descendons-nous pas ? Mon latin est sans doute approximatif. Mais il me plaît de parodier la devise du surintendant FOUQUET (Quo non ascendat ? Où n'ira-t-il pas ?) et d'évoquer la démarche sautillante de l'écureuil qui était l'emblème de cet homme de goût.
Les journaux "people" ont acheté fort cher les photos du Président de la République donnant la main à madame Carla BRUNI. Voilà bien une information d'importance, susceptible de nourrir l'esprit civique des lecteurs, que dis-je ? des voyeurs qui se repaissent de ces détails. Si ces journaux ont payé fort cher les clichés, c'est qu'ils trouvent un lectorat, et que le chiffre de leur vente augmente grâce à eux. Cupidité, toujours, argent toujours ! J'ignore si le Président a voulu donner publicité à cette liaison, et s'il s'est volontairement affiché avec sa nouvelle compagne. Je préfère imaginer que non. Mais il faut que nous soyons descendu bien bas pour trouver de l'intérêt à la vie privé des célébrités de la vie politique et du spectacle.
La toile diffuse avec complaisance des photos de Laure MANAUDOU, qui n'ont pu être prises que par un intime. Il y a des internautes qui se les passent en boucle. Pensez-donc, une jolie fille dans un très simple appareil (semble-t-il, car je n'ai pas vérifié), ça vous stimule une libido frustrée, à défaut de combler le désir de tout être humain d'être aimé et d'aimer. Et les journaux glosent, dissèquent, supputent, commentent, font des tables rondes, argumentent doctement sur le sujet. Tout cela est minable. Égoïsme toujours, appropriation malsaine toujours, qui fait fi de l'autre ! Je ne sais pas si Laure MANAUDOU a voulu qu'on diffuse ces documents. J'en doute. Mais il faut que notre civilisation ait atteint un rare point de bassesse pour trouver normal qu'on viole l'intimité des vedettes au motif qu'elles sont des vedettes, en les jetant en pâture au public.
Nous n'avons pas beaucoup de moyens pour lutter contre ces méthodes sorties tout droit d'une civilisation marchande qui fait profit de tout et qui bientôt demandera qu'on nous vende l'air que l'on respire, parce que les financiers investiront pour le purifier. Non ! Non ! Et non ! Un bon conseil ne parlez plus ni de monsieur SARKOZY et de madame BRUNI, ni de Laure MANAUDOU. Ne regardez pas ces photos, et protestez auprès des médias qui les exploitent honteusement, en mettant en avant, la main sur le coeur de leur portefeuille, le droit à l'information.

mardi 18 décembre 2007

A la mémoire d'Anne-Lorraine

D'un ancien rédacteur en chef de Valeurs actuelles, cette lettre émouvante à la mémoire d'Anne-Lorraine assassinée dans le RER D. Il me semble qu'elle se passe de commentaires.

"Bien sûr, comme tout le monde, j'avais été choqué et ému dimanche, en entendant à la radio qu'une jeune étudiante en journalisme avait été retrouvée, en fin de matinée, agonisante, dans une rame du RER D en gare de Creil, après avoir été frappée de nombreux coups de couteau.
Et relativement soulagé d'apprendre, dès le lendemain, que son assassin, blessé au cours de l'agression, avait été arrêté avant de passer au aveux. Mais le pire, pour moi, restait à venir. Le pire, je l'ai appris hier après-midi. Le pire, c'est que je connaissais cette jeune fille, que j'avais eu le temps de juger et d'apprécier pendant les deux mois de stage qu'elle fit l'an dernier à Valeurs Actuelles, dont je dirigeais alors la rédaction.
Elle s'appelait Anne-Lorraine Schmitt, avait 23 ans, et faisait partie de ces enfants qui semblent n'être nés que pour combler leurs parents de joie et de fierté. Aînée d'une fratrie de cinq garçons et filles, elle avait passé son bac à la Maison de la Légion d'Honneur de Saint-Denis avant d'être reçue à l'Institut d'Etudes Politiques de Lille, puis d'intégrer à l'automne 2006 le Celsa, l'excellente école des sciences de l'information et de la communication dépendant de la Sorbonne. Durant son stage, elle avait frappé toute la rédaction par sa culture générale, sa maturité, son exigence vis-à-vis d'elle-même. Une exigence qui lui venait probablement de sa foi : profondément croyante, Anne-Lorraine s'était fortement engagée dans le mouvement scout. Ce qui ne l'empêchait nullement d'être une jeune fille de son temps, charmante, brillante et appréciée de tous. Dimanche matin, ses parents l'attendaient sur le quai de la gare d'Orry-la-Ville pour aller en famille à la messe.
Un délinquant sexuel récidiviste d'origine turque, déjà condamné en 1996 à cinq ans de prison pour un viol commis sous la menace d'une arme sur la même ligne du RER, aura donc brisé leurs vies en même temps que celle de leur fille.Mais Anne-Lorraine aura été courageuse jusqu'au bout : en se défendant, en empêchant son agresseur de parvenir à ses fins, elle aura réussi à le blesser en retournant son arme contre lui, ce qui devait permettre son arrestation ultérieure.
En félicitant les enquêteurs de cette conclusion rapide, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, a assuré les proches d'Anne-Lorraine de sa profonde compassion. Quelques heures plus tard, à quelques kilomètres de là, les jeunes Moushin (15 ans) et Larami (16 ans), conduisant à grande vitesse et sans casques une moto de cross non homologuée, se tuaient en percutant de plein fouet un véhicule de police en patrouille. Leur mort, on le sait, sert depuis deux jours de prétexte à l'embrasement de plusieurs communes du Val-d'Oise, avec tirs de chevrotines, de grenaille et de balles contre les forces de l'ordre (plus de quatre-vingts policiers blessés) et incendies de commissariats, d'écoles, de bibliothèques et de commerces.Pour tenter d'apaiser les esprits, le chef de l'Etat pourrait recevoir ce mercredi les parents des deux jeunes morts de Villiers-le-Bel. Serait-ce trop lui demander que d'avoir aussi un geste fort vis-à-vis de la famille et des proches d'Anne-Lorraine ? Par exemple en étant représenté à un haut niveau - voire en se rendant lui-même, comme il sait le faire - aux obsèques de cette jeune fille exemplaire qui auront lieu samedi, à 14 h, en la cathédrale de Senlis.
Il serait juste, en effet, que les victimes innocentes aient droit dans ce pays à plus d'égards que des délinquants responsables de leur propre malheur."
Je n'ai eu connaissance de ce message qu'il y a deux jours. Les faits qu'il évoque commencent à s'éloigner de nos mémoires molles et évaporées. Mais il me semble nécessaire de porter à la connaissance de mes lecteurs les quelques éléments biographiques de cette jeune fille trop tôt disparue. Souhaitons pour le coupable un châtiment à la hauteur de son forfait, - c'est un récidiviste -, ayons pour les parents et les proches d'Anne-Lorraine une pensée émue de compassion et prions pour qu'ils aient le courage de surmonter cette terrible épreuve.

vendredi 14 décembre 2007

Mise au point salutaire

Le Dr SAVELLI, Professeur agrégé au Val de Grâce, ne m'en voudra pas si je porte à la connaissance de mes lecteurs la remarquable lettre ouverte qu'il a envoyée au Président BOUTEFLIKA après les déclarations injurieuses que ce dernier a porté sur notre Patrie. Il y a des limites à ne pas franchir, - la repentance n'a de raison d'être que lorsqu'elle porte sur des faits avérés - monsieur BOUTEFLIKA l'a pourtant fait. Merci au Pr SAVELLI pour cette mise au point factuelle, digne et pleine de hauteur.

"LETTRE A Mr BOUTEFLIKA, Président de la République algérienne.

Monsieur le Président,
En brandissant l’injure du génocide de l’identité algérienne par la France, vous saviez bien que cette identité n’a jamais existé avant 1830. Mr Ferrat Abbas et les premiers nationalistes avouaient l’avoir cherchée en vain. Vous demandez maintenant repentance pour barbarie : vous inversez les rôles !
C’était le Maghreb ou l’Ifriqiya, de la Libye au Maroc. Les populations, d’origine phénicienne (punique), berbère (numide) et romaine, étaient, avant le VIIIème siècle, en grande partie chrétiennes (500 évêchés dont celui d’Hippone / Annaba, avec Saint Augustin). Ces régions agricoles étaient prospères.
Faut-il oublier que les Arabes, nomades venant du Moyen Orient, récemment islamisés, ont envahi le Maghreb et converti de force, « béçif » (par l’épée), toutes ces populations ? « Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion. Tuez vos ennemis partout où vous les trouverez » (Coran, sourate II, 186-7). Ce motif religieux était élargi par celui de faire du butin, argent, pierreries, trésor, bétail, et aussi bétail humain, ramenant par troupeaux des centaines de milliers d’esclaves berbères; ceci légitimé par le Coran comme récompense aux combattants de la guerre sainte (XLVIII, 19, 20) .Et après quelques siècles de domination arabe islamique, il ne restait plus rien de l’ère punico romano berbère si riche, que des ruines (Abder-Rahman ibn Khaldoun el Hadrami, Histoire des Berbères,T I, p.36-37,40,45-46. 1382) .
Faut-il oublier aussi que les Turcs Ottomans ont envahi le Maghreb pendant trois siècles, maintenant les tribus arabes et berbères en semi esclavage, malgré la même religion, les laissant se battre entre elles et prélevant la dîme ,sans rien construire en contre partie ?
Faut-il oublier que ces Turcs ont développé la piraterie maritime, en utilisant leurs esclaves ? Ces pirates barbaresques arraisonnaient tous les navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un trafic d’esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. Dans l’Alger des corsaires du XVIème siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves enchaînés. D’où les tentatives de destruction de ces bases depuis Charles Quint, puis les bombardements anglais, hollandais et même américain. Les beys d’Alger et des autres villes se maintenaient par la ruse et la force, ainsi celui de Constantine, destitué à notre venue, ayant avoué avoir fait trancher 12.000 têtes pendant son règne.
Faut-il oublier que l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres et existe toujours ? Les familles aisées musulmanes avaient toutes leurs esclaves africains. Les premiers esclavagistes, Monsieur le Président, étaient les négriers noirs eux-mêmes qui vendaient leurs frères aux Musulmans du Moyen Orient, aux Indes et en Afrique (du Nord surtout), des siècles avant l’apparition de la triangulaire avec les Amériques et les Antilles, ce qui n’excuse en rien cette dernière, même si les esclaves domestiques étaient souvent bien traités.
Faut-il oublier qu’en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer les esclaves et, finalement, affranchir du joug turc les tribus arabes et berbères opprimées ?
Faut-il oublier qu’en 1830, il y avait à peu près 5.000 Turcs, 100.000 Koulouglis, 350.000 Arabes et 400.000 Berbères dans cette région du Maghreb où n’avait jamais existé de pays organisé depuis les Romains ? Chaque tribu faisait sa loi et combattait les autres, ce que l’Empire Ottoman favorisait, divisant pour régner.
Faut-il oublier qu’en 1830 les populations étaient sous développées, soumises aux épidémies et au paludisme ? Les talebs les plus évolués qui servaient de toubibs (les hakems), suivaient les recettes du grand savant « Bou Krat » (ou plutôt Hippocrate), vieilles de plus de 2.000 ans .La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis !
Faut-il oublier qu’à l’inverse du génocide, ou plutôt du massacre arménien par les Turcs, du massacre amérindien par les Américains, du massacre aborigène par les Anglais et du massacre romano-berbère par les Arabes entre l’an 700 et 1500, la France a soigné, grâce à ses médecins (militaires au début puis civils) toutes les populations du Maghreb les amenant de moins d’un million en 1830 en Algérie, à dix millions en 1962 ?
Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l’imposant même au détriment du berbère, du tamashek et d es autres dialectes, et a respecté la religion (ce que n’avaient pas fait les Arabes, forçant les berbères chrétiens à s’islamiser pour ne pas être tués, d’où le nom de « kabyle » - j’accepte) ?
Faut-il oublier qu’en 1962 la France a laissé en Algérie, malgré des fautes graves et des injustices, une population à la démographie galopante, souvent encore trop pauvre, - il manquait du temps pour passer du moyen âge au XX ème siècle - mais en bonne santé, une agriculture redevenue riche grâce aux travaux des Jardins d’Essais, des usines, des barrages, des mines, du pétrole, du gaz, des ports, des aéroports, un réseau routier et ferré, des écoles,un Institut Pasteur, des hôpitaux et une université, la poste ? Il n’existait rien avant 1830. Cette mise en place d’une infrastructure durable, et le désarmement des tribus, a été capital pour l’Etat naissant de l’Algérie.
Faut-il oublier que les colons français ont asséché, entre autres, les marécages palustres de la Mitidja, y laissant de nombreux morts, pour en faire la plaine la plus fertile d’Algérie, un grenier à fruits et légumes, transformée, depuis leur départ, en zone de friche industrielle ?
Faut-il oublier que la France a permis aux institutions de passer, progressivement, de l’état tribal à un Etat nation, et aux hommes de la sujétion à la citoyenneté en construction, de façon, il est vrai, insuffisamment rapide ? Le colonialisme, ou plutôt la colonisation a projeté le Maghreb, à travers l’Algérie, dans l’ère de la mondialisation.
Faut-il oublier qu’en 1962, un million d’européens ont dû quitter l’Algérie, abandonnant leurs biens pour ne pas être assassinés ou, au mieux, de devenir des habitants de seconde zone, des dhimmis, méprisés et brimés, comme dans beaucoup de pays islamisés ? Il en est de même de quelques cent mille israélites dont nombre d’ancêtres s’étaient pourtant installés, là, 1000 ans avant que le premier arabe musulman ne s’y établisse. Etait-ce une guerre d’indépendance ou encore de religion ?
Faut-il oublier qu’à notre départ en 1962, 75.000 Harkis, ont été sauvagement assassinés, véritable crime contre l’humanité, ainsi que des milliers d’européens tués ou disparus, après ou avant, il est vrai, les excès de l’O.A .S. ? Et que plus de 200.000 Algériens qui refusaient un parti unique ont étés supprimés, beaucoup plus que pendant la guerre d’Algérie ! C’est cette guerre d’indépendance, avec ses cruautés et ses horreurs, de part et d’autre, qui a fondé l’identité algérienne. Les hommes sont ainsi faits !
Monsieur le Président, vous savez que la France forme de bons médecins, comme de bons enseignants. Vous avez choisi, avec votre premier ministre, de vous faire soigner par mes confrères du Val de Grâce. L’un d’eux, Lucien Baudens, créa la première Ecole de médecine d’Alger en 1832, insistant pour y recevoir des élèves autochtones. Ces rappels historiques vous inciteront, peut-être, Monsieur le Président, à reconnaître que la France vous a laissé un pays riche, qu’elle a su et pu forger, grâce au travail de toutes les populations, des plus pauvres aux plus aisées, ces dernières ayant souvent connu des débuts très précaires. La France a aussi créé son nom qui a remplacé celui de Barbarie (Berbérie). Personne ne vous demandera de faire acte de repentance pour l’avoir laissé péricliter, mais comment expliquer que tant de vos sujets, tous les jours, quittent l’Algérie pour la France ?
En fait, le passé, diabolisé, désinformé, n’est-il pas utilisé pour permettre la mainmise d’un groupe sur le territoire algérien ?
Je présente mes respects au Président de la République, car j’honore cette fonction.
Un citoyen français,
André Savelli,
Professeur agrégé du Val de Grâce."
Chers amis et lecteurs, pour une fois je vais vous demander un service : diffusez cette lettre au maximum. Elle n'est pas agressive ; elle met les points sur les i, et renvoie dans leurs cordes les menteurs. C'est la France qui a fondé l'identité algérienne, et c'est la France qui a permis à l'Algérie d'atteindre un point de développement d'infrastructures qu'aucun de ses voisins d'Afrique du Nord n'a encore atteint.
Il est bon que l'Algérie soit indépendante. Là-dessus, plus de doutes à avoir.
Il y a eu, certes, en Algérie, des actes isolés de mépris ou d'exploitation des populations algériennes par certains de nos concitoyens. Nous avons amplement démontré que nous regretions ces excès, bien que, collectivement, notre pays n'en fut point l'inspirateur direct. Rendons grâce un petit moment au cardinal LAVIGERIE, qui a fait supprimer l'esclavage en Afrique. Ayons aussi un moment de recueillement pour les moines de TIBEHIRINE qui ont été décapités, et qui jusqu'au bout de leur vie on témoigné de l'amour qu'ils portaient aux algériens. Pensons à monseigneur CLAVERIE, qui a été tué dans un attentat, alors qu'il était extraordinairement aimé des populations de Constantine, et qu'il avait pris la nationalité algérienne. Après tout, l'amour vaut mieux que la haine, et il efface bien des indignités, dont celles de nos abusifs contempteurs.
Remarque ultime je m'absente pour quelques jours. Reprise du Blog le 16 décembre.

mercredi 12 décembre 2007

Ethique de conviction, éthique de responsabilité

J'ai oublié le nom du philosophe (serait-ce Paul RICOEUR ?) qui distingue l'éthique de conviction de l'éthique de responsabilité. La distinction est pertinente quand il s'agit de juger la valeur morale de l'accueil qui a été fait au colonel KHADAFI. Si la morale est la réponse raisonnée que l'on fait à la question : Que dois-je faire ? Que faut-il faire ?, il apparaît alors que certains opposants (je ne parle pas des vertueux outrés à géométrie variable) à cette visite ont d'aussi bonnes raisons de protester, au nom de leurs convictions, que les hommes politiques responsables de la marche de notre pays en ont d'avoir pris l'initiative de cette rencontre, au nom des intérêts de notre patrie, certes, mais aussi de ceux du monde entier. Réintroduire dans le concert des nations un tyran sanguinaire et l'amener à des pratiques politiques et diplomatiques plus douces et plus conformes à l'idée que nous avons des relations internationales est une tâche qui ne manque ni de grandeur, ni de périls ; après tout, les Américains victorieux du Japon n'ont pas destitué l'Empereur HIRO HITO après la capitulation de l'armée japonaise en 1945. Ils auraient eu de sérieux motifs de le faire, mais l'histoire a montré que leur choix, (celui de maintenir l'Empereur, et d'en faire même un allié), qui aurait pu passer pour du calcul ou de la lâcheté, a été judicieux. C'est tout le sens de ce que les pays occidentaux appellent amnistie. Il est cependant bon que le colonel KHADAFI voient et entendent des personnalités politiques critiquer son action et ses méthodes de gouvernement. Nous avons là deux fers au feu, et c'est tout le mérite de la démocratie que de présenter une palette d'opinions contrastées sur des sujets aussi délicats. Mais je vais vous faire un aveu : je trouve que Rama YADE ne manque pas de courage !

mardi 11 décembre 2007

Cupidité et égoïsme

Un fidèle lecteur de mon Blog me reproche affectueusement de ne taper que sur la gauche. C'est exact en partie et pour une raison simple, dont j'enrage : les chefs de la gauche ne font que critiquer l'action gouvernementale, mais ils ne proposent rien, rien de sérieux, surtout en matière économique. Et comme il faut quand même un peu se différencier de la partie adverse, les grandes réformes qu'ils proposent ou qu'ils ont conduites sont des réformes sociétales dont on n'a pas fini de mesurer les effets (par exemple la suppression de la transmission patrilinéaire du nom de famille, la possibilité de donner aux enfants des prénoms choisis hors du martyrologe ou de l'usage historique constant, ce qui autorise l'apparition de prénoms ridicules, imprononçables, ou étrangers, dans un pays qui a une forte identité nationale, les projets concoctés en coulisse sur l'homoparentalité, etc.).
J'avais répondu à mon lecteur que la droite aurait son paquet. Elle va l'avoir. L'occasion m'en est donnée par l'assouplissement portant sur la réglementation du travail dominical. Pour une fois, je suis d'accord avec de nombreux syndicats qui critiquent cette mesure. Elle est inspirée par la passion politique qui anime les tenants de la droite : la cupidité et l'égoïsme. Cupidité ? Certes, car l'argumentation proposée pour défendre la proposition est que du chiffre d'affaire, beaucoup de chiffre d'affaire est fait le dimanche (24 % des achats de meubles, par exemple), et que de toute façon les heures dominicales travaillées seront grassement payées. Et alors ? L'homme n'est-il qu'un homo economicus ? On voit bien en quoi l'ouverture dominicales des magasins remplira les caisses des entreprises et le porte-monnaie des salariés. (Il m'aurait paru préférable de supprimer purement et simplement l'idiote mesure des 35 heures.) Mais au détriment de quoi, cette mesure ? Le dimanche est fait pour se reposer, se cultiver, rencontrer ses amis, s'occuper de sa famille, rentrer en soi-même pour unifier sa vie, découvrir la nature, etc. Et tout cela, qui n'est pas monnayable, est une partie essentielle de l'humanisation de l'homme. En supprimant le repos dominical obligatoire, les autorités introduisent un élément perturbateur dans le grand équilibre cosmique des saisons, des semaines et des jours. Et voilà bien l'égoïsme qui se cache derrière la chose : on ne tient pas compte du légitime désir d'un grand nombre de nos concitoyens de vivre le dimanche, PREMIER JOUR DE LA SEMAINE, n'en déplaise aux modernes, comme l'ont vécu avant eux des générations d'hommes de toutes races, de toutes nationalités, de toutes confessions. Je simplifie à outrance, car pour les uns, le jour chômé est le vendredi, qui revient tout de même tous les sept jours, ou le samedi pour d'autres, lequel a la même propriété de récurrence que le vendredi. Les Chinois anciens font exception qui avaient un rythme décadaire.
Puisque nous en parlons des Chinois, permettez-moi de vous citer un grand érudit du XVIIe siècle, WANG FUZHI (1619 -1692). En l'absence de culture, "Les hommes ne peuvent rien faire, rien connaître de ce qui s'était passé avant eux, ni rien transmettre aux générations postérieures. QUAND AUCUNE RÈGLE n'existe, [...] l'homme n'est alors qu'une bête qui se tient debout, émet un ronflement quand elle a faim, et jette ses restes de nourriture une fois rassasiée". Prophétique, saisissant et toujours actuel (voir l'état de la Porte de Saint-Cloud après un match au Parc des Princes).

lundi 10 décembre 2007

Cohérence

Billet très matutinal, mais exaspéré.
L'opposition est outrée que le Président de la République reçoive le colonel KHADAFI. Certes, cet homme n'est pas un parangon de vertu, et, personnellement, il me coûterait d'avoir à lui serrer la main. Mais j'aimerais que nos amis du PS aient un peu de mémoire. Ont-ils protesté quand le Président MITTERAND a interdit le survol du territoire français aux avions américains qui allaient bombarder des installations libyennes ? Je ne me souviens pas qu'il y ait eu beaucoup de bruit. Je persiste à croire que monsieur MITTERAND a eu raison, tout comme monsieur SARKOZY de prendre ces décisions. On ne gagne rien à jouer les va-t-en-guerre, et je ne vois pas pourquoi, de plus, nous laisserions à nos concurrents étrangers le droit de conquérir les juteux marchés libyens, ce que TOUS font, alors qu'au nom des principes, nous camperions dans une posture intenable, celle des vertueux outrés.
Oh ! je vois bien que toutes cette cuisine relève de la raison d'Etat, et elle ne me fait pas un grand plaisir. Mais je pense qu'il est possible par la discussion de modifier les opinions et les décisions des pires crapules, et même de toucher leur coeur. Je souhaite donc que cette rencontre soit l'occasion d'une telle conversion.

dimanche 9 décembre 2007

Décadence

Je vois hélas, dans les crispations corporatistes des magistrats, des avocats, des personnels de la SNCF et de la RATP, des médecins, etc. de profonds signes de décadence de l'esprit public. Chacun campe sur ses positions, non pas persuadé de son bon droit, mais convaincu qu'il peut - comme le dit l'inénarrable monsieur Didier LE RESTE (CGT, SNCF) - établir "un rapport de force qui lui sera favorable". Nous rentrons dans la lutte de tous contre tous, prédite par HOBBES, et qui n'annonce rien de bon pour la paix civile et la stabilité politique.
Un exemple récent et qui me navre, car j'ai pour l'homme et son courage une grande estime est celui du juge VAN RUYMBEKE. Interrogé sur l'attitude de Nicolas SARKOZY qui jouerait l’opinion contre les juges, il répond : "Oui, et c’est une erreur majeure". Cette réflexion n'est ni juste, ni cohérente, ni acceptable. Moi j'ai le sentiment que pour se défendre du blâme qui devrait lui être infligé après qu'il a dérogé aux règles de procédure les plus élémentaires en auditionnant secrètement monsieur GERGORIN, le corbeau de l'affaire Clearstream, le juge VAN RUYMBEKE joue l'opinion publique contre le Président de la République. Il peut alimenter à bon compte la maigre escarcelle oppositionnelle du PS. Mais qu'est-ce qu'un juge qui se permet de critiquer nommément un Président de la République ? Monsieur SARKOZY n'a jamais nommé monsieur VAN RUYMBEKE.
Bien entendu, pour se concilier les ennemis des "plus favorisés", il va prétendre que l'on veut priver de ses moyens d'action la justice financière. Mais ce n'est pas cela qui est en cause. L'intervention de l'exécutif dans le judiciaire est inadmissible, mais l'influence du judiciaire sur l'exécutif l'est tout autant. Voilà le coeur de la chose. L'affaire Clearstream le prouve abondamment qui avait pour but d'abattre un homme politique par le moyen d'une mise en examen puis d'une mise en cause ignominieuse. Mais monsieur SARKOZY, lui, n'avait pas inventé un faux attentat dans le square de l'Observatoire pour attirer sur lui l'attention.
Mais monsieur VAN RUYMBEKE termine plus sobrement.
"On peut craindre, dit-il, que la réforme annoncée sur la dépénalisation du droit des affaires ne crée de nouveaux obstacles juridiques à la poursuite de ces investigations". Il ne fait que craindre. Tant mieux. Les juges sont là pour appliquer la loi, et en matière fiscale, elle est assez fournie. Il n'est pas nécessaire de pénaliser ces fraudes, en tout cas à un certain niveau. Il suffit de les sanctionner sévèrement par des amendes dissuasives de 20 à 30 fois le montant des fraudes constatées et de les poursuivre comme un délit. Je vous garantis qu'il y en aura moins.

jeudi 6 décembre 2007

Démocratie à la vénézuélienne

"C’est une victoire de merde. La nôtre, ils peuvent bien l’appeler défaite, est celle du courage". Voilà la manière personnelle, très particulière qu'a eu le Président Hugo CHAVEZ de commenter sa défaite au référendum constitutionnel. C'est que ce vote lui barre la route d'une nouvelle élection - le projet constitutionnel prévoyait qu'un Président en exercice pouvait se présenter autant de fois qu'il le voulait - puisque la constitution actuelle limite à deux le nombre de mandats. Mais il est entêté, monsieur CHAVEZ, et il ne renonce ni à se représenter, ni à transformer le Vénézuéla en République Socialiste. Il a évoqué implicitement la possibilité d'une initiative "populaire", c'est à dire d'un coup d'état dont l'initiative serait attribuée au "peuple", bien entendu.
Bien entendu toujours, il ne se trouvera aucun socialiste européen ou latino-américain pour condamner ces propos. On peut se demander s'ils condamneraient le coup d'état évoqué par leur "ami". Voilà où mène l'esprit de système porté au paroxysme : à justifier les moyens par la fin à atteindre.
On peut comprendre la déception d'un homme politique qui - à tort ou à raison - veut rendre à son pays la maîtrise de ses ressources naturelles. Sur ce point, à mon avis, il a raison. Il n'est pas juste que le pétrole soit pillé par quelques grandes compagnies qui se moquent allègrement des pauvres du tiers-monde et des pays en voie de développement. Mais faut-il pour autant devenir le socialiste de l'espèce la plus rétrograde, de celle qui courtise CASTRO et encense papa MARX ? Il y a là un pas qu'il ne faut pas franchir. Et la vraie démocratie eût consisté (a) à nationaliser dans un premier temps les industries pétrolières en dédommageant convenablement, mais sans les excès d'un capitalisme exacerbé, leurs propriétaires étrangers ; (b) à revendre aux citoyens et aux entreprises vénézuéliennes les actions de ces industries, à due concurrence de la valeur du capital nationalisé, en inventant un système de gouvernance souple, qui aurait pu donner à l'Etat un droit de veto provisoirement suspensif sur des décisions lui semblant aller à l'encontre des intérêts nationaux. Mais procéder ainsi, c'est ôter le pouvoir à quelques politiques mégalomanes, dont monsieur CHAVEZ me semble être l'un des plus remarquables spécimens, et le rendre vraiment au peuple. Je ne mets pas en doute sa bonne foi, mais je conteste sa lucidité politique. Et je ne suis pas certains qu'il soit le mieux qualifié pour discuter avec les ignobles preneurs d'otages, colombiens certes, mais d'abord marxistes, et sans doute un peu maffieux, qui retiennent des innocents prisonniers depuis six ans. Monsieur BESANCENOT dirait sans doute qu'on ne peut pas faire la Révolution sans faire de victimes, et donnerait à ces monstres l'excuse absolutoire.
En vérité, c'est la nature même de la démocratie, et jusqu'à sa possibilité, qui est en cause dans les gesticulations du Président vénézuélien. Et je me demande s'il n'exprime pas tout haut le secret désir, le dessein inavoué, de tous les chefs élus démocratiquement, qui est de garder coûte que coûte le pouvoir. Tout le monde, hélas, n'est pas Scipion l'Africain !

mercredi 5 décembre 2007

Travaux pratiques

Dans mon précédent billet je vous parlais des règles qu'il convient de suivre si l'on veut qu'une communication soit morale Il convient maintenant de passer aux travaux pratiques. Nous allons prendre, pour ce faire, le texte que monsieur Bruno LE ROUX, secrétaire national du PS, a donné en commentaire de la décision du gouvernement et du Président de la République de vendre 2,5 % du capital d'EDF pour financer des investissements dans les Universités.
Le Gouvernement, dit l'honorable monsieur LE ROUX, "se livre à un tour de passe-passe comptable. [...] La privatisation ne rapportera rien à EDF, ne va servir à l'Etat qu'à payer ce qu'il avait prévu de faire sur son propre budget".
Une des règles d'HABERMAS est parfaitement respectée ; monsieur LE ROUX dit d'où il parle : du PS. Nous savons donc qu'il donne l'avis d'un parti qui se réclame d'une économie partiellement (voir, pour certains, totalement) administrée par la puissance publique. Je vais donc à mon tour me situer. Je me réclame de la philosophie spéculative médiévale thomiste et de la philosophie néo-thomiste. En d'autres termes, du réalisme, et je crois qu'il est possible d'avoir sur les choses et les êtres un jugement de vérité.
Voyons si les mots ont le même sens pour lui et le public, l'interlocuteur auquel, vraisemblablement, il s'adresse. Monsieur LE ROUX utilise le mot privatisation. Il eut été plus honnête, intellectuellement, de dire "privatisation très partielle" ou "privatisation partielle", puisque l'Etat détient toujours plus de 80 % du capital. Il y a donc au pire un mensonge, au mieux un aveu, celui de ne rien vouloir lâcher au domaine privé de ce que l'Etat détient. Il serait intéressant de savoir ce que le PS pense de ce sujet en général, et monsieur LE ROUX en particulier. Mais ce qu'il convient de noter, c'est qu'EDF est une partie de la propriété nationale indivise et ce ne serait pas la première fois que les revenus ou le capital d'une entreprise publique sont employés au soutien, au maintien ou au renflouement d'une autre entreprise publique. Je ne parle pas de l'argent du contribuable qui, lui, est déjà largement redistribué pour boucher l'incroyable et inévaluable trou du Crédit Lyonnais ou pour abonder les comptes légèrement rouges de la SNCF. Si cet argent doit demeurer dans les caisses de chacune des dites entreprises, cela revient à dire qu'elles rentrent dans le régime commun de toutes entreprises, à ceci près qu'elles sont propriétés nationales. Il faut donc qu'elles s'autofinancent ou qu'elles empruntent, et non qu'elles survivent aux dépens du budget de l'Etat. Je suis partisan du maintien d'EDF dans le giron public et je trouve normal qu'une partie de son capital puisse servir à financer des projets d'intérêt public. Je trouve déjà moins normal qu'1% DU CHIFFRE D'AFFAIRE d'EDF soit attribué au Comité d'entreprise, dont le fonctionnement est, paraît-il, peu transparent, et a fait l'objet d'investigations diverses.
Pourquoi utiliser le mot "tour de passe-passe". Il n'y a rien dans cette opération qui ait été occulte ou honteux. Elle a été annoncée et exécutée selon l'annonce faite par le Président. C'est donc, de la part de monsieur LE ROUX, une figure de style, appréciative, ou plutôt dépréciative, de l'action publique. On peut désapprouver cette dernière, mais au nom de la règle numéro un d'HABERMAS, il faut faire le crédit de la bonne foi à nos gouvernants, et rejeter l'expression "tour de passe-passe"comme relevant d'une communication immorale.
Voyons maintenant si les dépenses de rénovation avaient été prévues sur le budget de l'Etat. Il se trouve que j'ai été vice-président de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg de 1982 à 1984, que j'ai siégé au Conseil de l'Université, et au Conseil Scientifique. Et il se trouve aussi que j'étais en charge, comme vice-président, des 215.000 mètres carrés affectés alors à notre Université. Les dotations attribuées à l'entretien des locaux se faisaient au mètre carré, mathématiquement, automatiquement. Ne figuraient au budget de l'Etat que les constructions nouvelles. Et je n'ai jamais vu, sous un gouvernement socialiste, de ministre de l'enseignement supérieur proposer un plan marshall de la rénovation des locaux. J'ajoute que les manifestations étudiantes contre le CPE, soutenues par le PS et accompagnées d'occupation de locaux, y ont entraîné des dégradations d'un coût considérable (plusieurs millions d'euros à la SORBONNE) qu'il a bien fallu réparer. Il me semble donc que les élus socialistes ont tout à fait le droit de soutenir les opinions étudiantes opposées à celles du gouvernement, mais ils ont aussi le devoir de protester contre ces déprédations. Sauf erreur ou omission, je n'ai rien entendu de tel dans leur bouche.
On pourrait continuer longtemps l'analyse de ce texte qui me semble bourré de contradictions logiques et d'incohérences doctrinales. Ce discours est connoté (et c'est normal dans le cas présent) mais il ne peut convaincre que les convaincus d'avance car il n'est pas juste, ou plus exactement ajusté.

lundi 3 décembre 2007

Pour une éthique de la communication

Plusieurs de mes billets ont porté sur ce que j'appelle la désinformation, volontaire ou non, que distillent des mass media comme France Info. Il me souvient avoir lu un livre difficile, mais très éclairant, de Jürgen HABERMAS, intitulé Morale & communication. Conscience morale et activité communicationnelle. (Traduction et introduction par Christian BOUCHINDHOMME. "Passages", Collection dirigée par Heinz WISMANN). [Les Éditions du] Cerf, Paris, 1986.)
On ne saurait résumer en un court billet ce que dit le brillant philosophe. Du moins ai-je retenu quelques règles pratiques qui permettent de dire qu'une communication est fondée en morale, ou qui permettent de communiquer d'une manière morale. On peut au moins donner quelques pistes qui aident à trancher ces questions.
Première règle, faire à son interlocuteur le crédit de la bonne foi ; je traduis pour les journalistes : bien séparer le rapport des faits, et des paroles, en accordant à ces dernières une valeur de sincérité, et l'interprétation personnelle de ces faits et de ces paroles, en situant le lieu (idéologique, politique, philosophique) d'où l'on parle.
Deuxième règle, s'accorder sur le sens des mots quand on discute ou que l'on communique ; je traduis pour les journalistes : quand un mot prête à confusion, en donner la définition, et bien mettre des guillemets verbaux quand on rapporte des faits ou des paroles connotés (j'ai donné un bel exemple d'un abus de langage chez France Info, où les journalistes appellent "Thèse officielle" la description de l'accident de Villiers-le-Bel par les autorités par opposition au récit qu'eux-mêmes font de cet accident en fonction de leurs informations et de leurs convictions. Il suffisait de dire : "Les autorités disent que l'accident etc.", et non pas "affirment" ou "prétendent", ni même "déclarent" et éventuellement de rajouter, "par commodité de langage nous parlerons de thèse officielle ou de version officielle".
Troisième règle, laisser parler son interlocuteur jusqu'au bout ; je traduis pour les journalistes : ne pas sélectionner dans un discours ou dans une image, celle qui favorise son propre point de vue (j'ai donné un bel exemple de cette sélection immorale en présentant le témoignage de monsieur Robert WAHICKO, qui sur France 3 affirme que les policiers sont immédiatement intervenus auprès des jeunes victimes en faisant des massages cardiaques, et qui sur France Info, a vu les policiers déplacer la voiture accidentée et quitter très rapidement les lieux.) Selon que l'on sélectionne l'une ou l'autre partie de ce témoignage, on a des avis différents sur l'attitude des policiers ; si on les joint, alors les choses prennent une tout autre signification.
HABERMAS cite un philosophe américain du nom de WHITE : "La vérité morale, dit ce dernier, n'est pas tant de savoir s'il faut faire quelque chose, que le fait que cette chose-là est la seule QUE L'ON PUISSE FAIRE". En somme, ces trois règles mettent à bas les principes des grands maîtres modernes du soupçon qui ont nom MARX, NIETZSCHE et FREUD ; elles sont la marque d'un esprit bienveillant, qui se réclame d'un maître autrement plus lumineux et sublime dans son humanité et qui s'appelait JESUS.

samedi 1 décembre 2007

Euthanasie ou assassinat ?

TF1 s'apprête à diffuser un téléfilm sur ce qu'on appelle l'affaire HUMBERT. Il est intéressant de constater qu'à cette occasion, son kinésithérapeute, Hervé MESSAGER vient, tardivement sans aucun doute, rétablir certains faits, que les journalistes, toujours en recherche de sensationnel et de sentimental, eussent été bien inspirés de vérifier plu tôt. Et il affirme que le jeune Vincent ne voulait pas mourir.
D'abord quelques faits distillés par les médias, et qui sont avérés. La mère de Vincent HUMBERT, Marie a injecté à son fils, prétendument tétraplégique et aveugle, une forte dose de barbituriques. Cette injection a plongé le jeune homme dans le coma. C'est alors que le Dr Frédéric CHAUSSOY, anesthésiste, a pris la décision de débrancher le respirateur artificiel de Vincent, puis lui a injecté un produit létal, sans doute du chlorure de potassium, ce qui a entraîné un arrêt cardiaque. Le 26 février 2006, l'instruction de l'affaire était close par le juge d'instruction de Boulogne-sur-mer, et elle se soldait par un non-lieu pour Marie HUMBERT et pour l'anesthésiste.
Entre-temps, divers courants de pensée, avait réussi à lancer un débat très médiatisé et à faire adopter par le parlement, le 22 avril 2005, une loi nouvelle sur l'accompagnement en fin de vie, instituant un droit à laisser mourir.
Monsieur MESSAGER a soigné Vincent HUMBERT pendant presque deux au centre héliomarin de Berck-sur-Mer. On conviendra de bonne foi qu'il est mieux placé que les journalistes, les parlementaires et les juges d'instruction pour parler de l'état de son patient. Il a été déformé, cet état. "Profondément je ne crois pas que Vincent ait eu envie de mourir" ajoute le kinésithérapeute.
Dans un DVD et une lettre-témoignage envoyés à des députés, sénateurs et journalistes, il exprime son indignation : « Ce qui m'a le plus révolté dans l'avalanche médiatique, c'est la répétition en boucle d'une multitude de mensonges. Tous les médias ont repris ces inepties comme s'ils n'avaient aucun souci de vérifier la vérité. Vincent n'était pas tétraplégique. Aucun médecin n'a dit à Marie que son fils avait une lésion de la moelle épinière. Vincent n'était pas aveugle même s'il ne voyait pas bien. Vincent n'avait pas de perfusion (...). Vincent, pour ceux qui l'ont connu et véritablement aimé, n'est pas mort dans la dignité ».
« La disparition forcée de Vincent Humbert a été chez nous à Berck un cas unique dans l'histoire de notre hôpital. Mais elle a fait naître beaucoup d'angoisse ici et, j'imagine, ailleurs. (...) Pourquoi avoir tué Vincent ? S'il y a une logique à cette mort, on devrait admettre qu'il y a, dans notre hôpital, des centaines de patients de plus qu'il faudrait tuer ! Si on commence à tuer pour ça, on va finir par tuer tous ceux qui entrent à l'hôpital. Et ceux qui survivent sans progrès au bout de deux ans, qu'est-ce qu'on en fait ? Doit-on les achever ? »
« Au nom de la vérité et de l'amitié, j'ose vous dire que Vincent avait encore plein de choses à vivre. Il y a aujourd'hui, dans nos hôpitaux, beaucoup de Vincent qui sont dans des situations dix fois pire que lui. Et les familles veulent que leur proche continue à vivre. Même le patient, quand il peut s'exprimer, veut continuer l'aventure de la vie. Il y a certes, des jours, des moments de dépression. A nous, personnel soignant, de les soutenir, on est là pour cela. Mais il nous faut un climat de confiance ».
Pour les médecins qui ont accompagné Vincent Humbert, le téléfilm truque et manipule la réalité. « C'est une accumulation d'éléments tous plus misérabilistes les uns que les autres qui trempent dans l'eau de rose et ne visent qu'à une chose : faire verser des larmes à la ménagère de moins de 50 ans », dit le Dr Pascal Rigaud, chef du service de rééducation fonctionnelle où séjournait Vincent (« Le Quotidien du Médecin » du 6 septembre 2007). Le Dr François Danzé, chef du service de neurologie du centre héliomarin de Berck-sur-mer surenchérit : « C'est une opération indigne, qui vise à faire du pathos à bon marché sur une histoire qui a profondément bouleversé les membres de nos équipes ».
Pendant 35 ans, j'ai collaboré, en tant que chercheur en pharmacologie, avec des professeurs du CHU de Strasbourg, de haute qualité morale et professionnelle : je n'en ai JAMAIS rencontré qui acceptent l'idée d'une euthanasie active. Tous, certes, étaient bien d'accord qu'il n'est pas nécessaire de laisser souffrir inutilement des patients en fin de vie, et ils savaient que certains analgésiques puissants, en déprimant la respiration, peuvent accélérer l'issue fatale. Mais je n'en connais aucun qui eussent de sang froid administré du chlorure de potassium pour abréger la vie de leurs patients. Tant mieux. Je n'aurais pas confiance en de tels médecins. Et si la médecine a fait tant de progrès, c'est qu'il s'est trouvé nombre d'entre eux bien décidés à faire reculer la maladie et la souffrance et à faire autant que possible reculer la mort.