lundi 28 février 2011

Les mandarins font de la résistance

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Je vous demande mille pardons. Mais, à des fins de comparaison, je vais en revenir à la Chine. Nombre d'historiens, chinois, comme occidentaux, considèrent que la longue stagnation de l'Empire du Milieu est imputable à la classe des Mandarins qui, pendant des siècles, se sont opposés à toutes réformes pour maintenir leur domination et leurs avantages. On peut en tirer des conclusions valables pour les élites de notre propre patrie.
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Certes, le livre est touffu et d'abords rébarbatifs. Mais c'est une mine d'informations. Je ne saurais vous en recommander la lecture si vous n'avez guère le temps de vous poser et de prendre des notes. Ce sont là privilèges de "retraités". Mais je me sens en droit de vous en donner un petit extrait. Dans leur "Histoire et institutions de la Chine ancienne", Henri MASPERO et Etienne BALAZS conclut ainsi le chapitre consacré à l'oeuvre unificatrice des Empereurs de la dynastie SUI :
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"Une longue expérience de domination avait enseigné aux Lettrés qu'ils ne pouvaient remplir leur rôle qu'en réduisant au minimum indispensable la charge écrasante qui incombait aux peuples des campagnes. Ils se sont donc toujours efforcés d'atténuer les rigueurs des travaux publics : en théorie du moins, ils n'ont jamais renoncé à se proclamer les gérants désintéressés de l'intérêt public en général et du paysan en particulier, prêts à défendre celui-ci contre les empiètements d'un monarque absolu. En réalité, les Lettrés-fonctionnaires ne se sont jamais décidés à prendre la défense du peuple qu'au moment où leurs propres intérêts étaient en jeu : chaque fois qu'un Empereur d'une envergure exceptionnelle menaçait d'exercer un régime autocratique et de les priver ainsi de l'initiative des mesures despotiques, ils criaient haro sur le tyran pour mieux préserver leurs prérogatives de tyrannie..."
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Quelle lucidité dans l'analyse ! Et quelle leçon pour nous ! Remplacer Lettrés-fonctionnaires par Énarques, Magistrats, Hauts Fonctionnaires, 'Élites' (hum...!) politiques, remplacez peuple des campagnes et paysan par salariés et employés, remplacez charge écrasante par impôts, et vous pourrez dire exactement la même chose de ces élites françaises que tente de bousculer avec raison un Président de la République, brouillon peut-être, maladroit sans doute, mais certainement lucide et courageux, et qui aura fait bouger en cinq ans la France plus qu'aucun Président depuis trente ans. N'oubliez jamais qu'il a dit un jour "je ne suis pas du sérail !". Tare impardonnable pour les importants qui prétendent nous dire ce qui est bon pour nous (et qui est surtout bon pour eux).
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C'est ainsi que des Magistrats prétendent défendre les justiciables en demandant plus de moyens, mais ne sentent nullement gênés de mettre cinq, six, dix ou douze ans, pour déposer les conclusions de leurs instructions afin d'ouvrir les voies d'un procès. Les mêmes ne se scandalisent point que l'on puisse maintenir en prison pendant des dizaines de mois des justiciables injustement soupçonnés de pédophilie et lavés ultérieurement de tous soupçons. L'un d'eux s'est suicidé ? Pertes et profits. Un autre a vu sa famille exploser ? Pertes et profits. Un délinquant qui aurait dû être suivi par le service de probation a sans doute commis un meurtre ignoble sur la personne d'une jeune fille ? Pertes et profits. Il nous faut des moyens, disent-ils. Et encore des moyens. Nous pourrons ainsi ne travailler que quand ça nous chante.
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C'est ainsi qu'une indispensable réforme territoriale suscite la résistance des élus locaux locaux de tous bords. En vertu des grands principes, ils arguent du service public, de la nécessité d'entretenir une proximité étroite entre le citoyen et ses élus, bien entendu réclament des moyens supplémentaires, mais ne privent point d'organiser, aux frais du contribuable, de coûteux voyages d'études qui les éloignent (temporairement bien sûr, et pour leur bien) de leurs mandants, cumulent mandats et présidences d'instances aussi diverses que juteuses qui honorent la polyvalence supposée de leurs talents, arrosent des associations à la douteuse utilité, et dispense à leur clientèle électorale, les uns des cartes de transport gratuites, les autres des préservatifs et des chèques contraceptions, pour ne citer que quelques menues grâces qui sont faites à des concitoyens qu'au fond d'eux-mêmes ils méprisent.
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C'est ainsi que les Lettrés-fonctionnaires de l'Education Nationale se refusent à toutes réformes qui mettraient tant soit peu en cause leurs prérogatives de toute puissance pédagogique, et qui, incapables de tenir une classe de trente élèves, réclament des moyens pour en tenir une qui n'en ferait que vingt-cinq. Ils réclament des moyens pour mieux aider les élèves de milieux défavorisés, mais refusent qu'on sanctionne ceux-ci au motif qu'ils ne sont pas responsables de ce qui leur arrive.
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Ah, j'oubliais. Les Lettrés-fonctionnaires de l'Empire du Milieu détestaient les marchands, les méprisaient, leur faisaient rendre gorge au moyen de taxes de tous genres, alors que ceux-ci étaient de puissants agents d'enrichissement pour la Chine. Remplacer marchands par chefs d'entreprise, et vous avez l'exacte correspondance de la situation de la Chine ancienne avec celle de la France contemporaine.
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Je ne dis pas qu'il faille accabler les salariés de charges. Je ne dis pas qu'il ne faut pas examiner en détail l'organisation de la justice et améliorer le travail des magistrats, je ne dis pas davantage que les chefs d'entreprise sont des saints. Je dis que les Lettrés-fonctionnaires et nombre d'e membres de l'élite sociale sont irresponsables, gèrent avec une redoutable inefficacité le ministère de la parole, et que nombre d'entre eux ressemblent à un général italien qui crierait à ses troupes, en levant le menton : "Armons nous ! Et partez...".
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Les Mandarins font de la résistance. S'ils défendaient l'intérêt public, ils prendraient des initiatives qui illustreraient la sincérité de leurs propos :
*Pour les élus : un seul mandat, non renouvelable. Possibilité de passer d'un type de mandat à l'autre à l'échéance du premier. Interdiction d'accepter des Présidences d'instances semi-publiques du genre "Autorité du Port autonome", "Société d'Aménagement", etc. Gestion de leur patrimoine par un organisme dépendant de l'ordre judiciaire (le système de la tutelle et de la curatelle existe après tout) avec - c'est tout à fait normal -garantie d'un rendement raisonnable.
*Pour toutes les élites, accès aux responsabilités, au terme de concours ouverts à tous, et placé sous la dépendance d'un jury ANONYME, comprenant des personnalités étrangères, et constitué par tirage au sort avant le concours.
*Pour les Magistrats, interdiction de se syndiquer, interdiction de faire la grève, acceptation de leurs responsabilités et de sanctions en cas d'erreurs manifestes. Il n'y a pas une justice de droite, et une justice de gauche, mais une justice unique qui s'appuie sur la loi. Il n'y a pas d'infaillibilité de la justice ; elle doit reconnaître ses erreurs, ses manquements, accélérer ses procédures, utiliser une langue compréhensible.
*Suppression des grandes écoles, et surtout des grands corps de l'état, en tout cas au moins, de leurs prérogatives (du genre "Prime d'égout" des Conseillers d'Etats). Recrutement, au moins temporaire, de chefs d'entreprises, de responsables économiques, de travailleurs manuels, d'agriculteurs, à des postes de responsabilité ou de conseillers, élus par leurs pairs. J'ai toujours trouvé ridicule qu'un plumitif de bureau puisse décider du diamètre optimal des pommes susceptibles d'être vendues sur les marchés, ou de la largeur des pneus permettant de chausser les voitures.
*Véritable éducation morale et civique des citoyens ; privation des droits civiques en cas de violation des règles élémentaires de la vie en commun, pas plus, pas moins.
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De l'air, de l'air, de la confiance, de la confiance. Et des élites moins arrogantes, moins sûres d'elles, plus à l'écoute. Mais les mandarins font de la résistance.
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C'est tout pour l'instant.

samedi 26 février 2011

Un petit aperçu

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Je n'ai pas le temps de développer le propos que j'ai promis de vous tenir sur le philosophe anglais AUSTIN. Un petit voyage m'attend. Mais tout de même, avant de partir et de reprendre demain soir ou lundi matin mes billets, voici l'extrait de la Préface consacrée par Gilles LANE au livre d'AUSTIN, livre qu'il a très heureusement traduit et introduit (Quand dire, c'est faire ; How to do things with words, titre original de ce recueil de conférences données à l'Université de Harvard). Vous allez voir pourquoi, depuis l'ouverture de ce Blog, j'ai dénoncé les idéologies de tous bords et les systèmes, dont nous, Français, sommes si friands, dans lesquels nous brillons, d'une lumière moins vive cependant que ne le font les grands philosophes allemands.
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"AUSTIN reprochait à la philosophie un certain obscurantisme paresseux, des préjugés dus à ce qu'on a pas recherché tous les aspects des faits problématiques, et la tendance à présenter des solutions ou théories qui simplifient outrageusement le réel (sans d'ailleurs contribuer, de façon significative à le faire comprendre). Il fallait donc remédier à cette situation déplorable et "redécouvrir" aujourd'hui la philosophie, telle qu'elle avait été inventée "partiellement" à Athènes".
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C'est parce que nos hommes politiques "philosophent" ou plus exactement croient philosopher, parce qu'ils ne prennent pas le temps de prendre en considération toutes les facettes du réel, qu'ils généralisent, ne s'inquiètent pas de contextualiser leur parole, ne sont pas en quête de tous les faits, qu'ils réduisent la politique à un combat de mots, d'injures, et de violence contenue. Ce n'est pas le faire, sans parler de la vérité (toujours difficilement saisissable), c'est le pouvoir et sa jouissance.
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A demain ou à lundi.

vendredi 25 février 2011

Sur deux commentaires

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Je désire répondre sans tarder aux deux commentaires qui viennent d'être mis à mon billet de ce matin.
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J'indique premièrement que je n'ai jamais dit que nous devrions accueillir des Libyens sur notre sol. C'est impossible, et c'est impensable. Mais il nous est possible d'empêcher les massacres en faisant interdire l'espace aérien libyen à des "aéronefs" non autorisés. Des cargaisons de mercenaires venus de Ghana, du Tchad, du Mali, y regarderaient peut-être à deux fois avant de monter à bord d'avions susceptibles d'être pris en chasse, voire détruits, par des chasseurs de puissances mandatées par l'ONU. Il nous est possible de faire pression par tous les moyens sur nos hommes politiques pour qu'ils adoptent des mesures de rétorsion contre le fou sanguinaire : bloquage de ses avoirs ; inculpation pour crimes contre l'humanité, aide aux régions libérées du tyran, aide aux développement économique en direction des populations appauvries par ce régime.
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Je crois aussi qu'au nom de notre humanité nous devons manifester à ce peuple non seulement notre compassion mais notre compréhension. Il y a bien des moyens de le faire. Et si nous ne croyons pas que les Libyens appartiennent à la communauté des hommes, alors il faut que nous nous interrogions sur notre propre humanité.
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J'ai toujours pensé, et continue de le faire, que la mondialisation et l'égalisation des conditions, la réduction de tous les hommes à un homo oeconomicus ne pouvait conduire qu'à la violence. Nous n'avons pas à imposer nos régimes politiques et nos valeurs prétendues démocratiques, pas plus que notre culture et nos lois. Et nous devons respecter tous ces éléments de la vie politique de ces pays pour autant qu'ils honorent la condition humaine de leurs citoyens. Je ne dis rien de moins et rien de plus.
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Demain, quand je vous parlerai d'AUSTIN, vous comprendrez pourquoi depuis l'ouverture de ce Blog, je ne cesse de parler des faits, du réel, de la parole "performative". Je pense que vous comprendrez qu'il faut envisager la réalité dans tous ses détails.
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A demain.
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La grande Libye vue par Priscien de Césarée

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Il y a 15 siècle, PRISCIEN de CESAREE écrivait en latin un poème qui nous est parvenu sous le nom de La Périégèse. Il décrivait les pays qui bordent la Méditerranée. Il indique en ses premiers vers que les hommes ont divisé le monde connu en trois parties : l'Europe, l'Asie, la Libye qui correspond dans sa description à l'Afrique du Nord, depuis le Maroc septentrional jusqu'à l'Egypte. La traduction que je possède est due à E.-F. CORPET et elle a été publiée en 1845 chez C.L.F. PANCKOUCKE, le célèbre éditeur de nombre d'auteurs latins peu ou non connus. J'ai retrouvé ce livre en époussetant tous ceux qui sont rangés dans la bibliothèque de mon bureau.
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Moyennant la remarque que fait PRISCIEN sur l'étendue de la Libye de l'époque, il est intéressant et prémonitoire de relever ceci : Hic lapis, etc. que CORPET traduit magistralement ainsi : "C'est là [c'est-à-dire en Libye ; c'est moi qui précise] qu'on trouve cette pierre nommée à juste titre héliotrope ; car si on la plonge dans un vase rempli d'airain, elle change le reflet du soleil, et brille d'une lueur rouge, couleur du sang ; à nu et sorti de l'eau, son éclat plus pur réfléchit fidèlement le soleil."
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Il a fallu l'airain des chars et des avions, et le sang des Libyens de la Cyrénaïque, pour que sortie enfin de l'eau où on la noyait, l'héliotrope, la pierre qui se tourne vers le soleil, en réfléchisse fidèlement l'éclat, celui de la liberté.
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Je sais, vous me direz que cela n'a rien à voir avec les événements. Mais tout de même je trouve qu'avec le recul du temps, j'ai le droit de donner à ces vers le sens qui paraît ici.
Hic lapis, haeliotropus qui nomine vero
Dicitur, est ; vertit radios nam solis, in unda
Si quis eum fusa labris immergeat ahenis,
Sanguineique rubens resplendet luce coloris ;
Purior at solis renitet nudatus ab undis.
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Et c'est en pensant à tous ces hommes et ces femmes massacrés par les sbires d'un fou, jusque sur leur lit d'hôpital, que je redis à leur intention : "A nu et sortie de l'eau, son éclat plus pur réfléchit fidèlement le soleil de la liberté". Ne laissons pas tomber les Libyens. N'est-ce pas le père d'ALEXANDRE et de RUFUS, SIMON de CYRENE qui aida Jésus à porter sa croix ? Juste retour des choses ; nous qui nous réclamons du Crucifié, pensons que ce fut un Libyen qui l'aida à gravir les pentes du Calvaire.
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jeudi 24 février 2011

De toutes les nations...

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"De toutes les nations, faites des disciples..."
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Saïd MUSA est afghan. Il est a l'heure actuelle en prison, et il risque la peine de mort. Son crime ? Il était musulman et il a rencontré Jésus. Le site Actu-chretienne.net est l'un des rares médias à parler de Saïd. Il nous apprend que le prisonnier a pu envoyer une lettre à l'ONG Open doors dans laquelle il raconte ceci :
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"Ils m'ont demandé si j'étais réellement chrétien. Je leur ai répondu : 'je suis chrétien à cent pour cent. Je crois au Fils du Dieu Tout Puissant, il est mon Sauveur et mon Seigneur. Je leur ai dit que le seul chemin pour venir à Dieu est d'avoir la foi en Jésus-Christ. Il est le chemin, la vie éternelle, la vérité, l'amour, il est réellement Dieu.
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Il a expliqué pourquoi il a quitté l'islam et pour quelles raisons il a choisi le christianisme : "Pour la vie éternelle, l'amour, l'honnêteté et la sincérité. La fraternité entre frères et entre soeurs, la douceur, l'humilité, et chose la plus importante, le fait d'aimer nos ennemis comme nous-mêmes."
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Saïd s'est dit prêt à mourir. Il le dit très sereinement. "Mon sauveur a donné sa vie pour moi. Je n'ai pas peur des hommes. Ils peuvent seulement tuer mon corps, mais ne peuvent pas blesser mon âme. Je ne trahirai jamais ma foi. Sans Jésus, que signifie la vie dans ce monde ou après cette vie ? Rien !"
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A ceux de mes lecteurs qui confessent le nom de Jésus, il est demandé de prier pour Saïd MUSA, de méditer la profondeur de son sa profession de foi. Il nous encourage à persévérer dans notre condition de disciple.
A ceux de mes lecteurs qui ne partagent pas cette foi, il est demandé d'avoir une pensée pour Saïd MUSA, et, le cas échéant, de réclamer des responsables politiques français qu'ils fassent pression sur les autorités afghanes qui le détiennent, ce à quoi les disciples de Jésus doivent aussi s'appliquer.
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Dans le cadre des quelques derniers billets de ce Blog, je ne puis que rappeler la parole de l'Agneau de l'Apocalypse, de l'Agneau "comme immolé" dit le texte : "C'est fait". La puissance, l'honneur et la gloire lui appartiennent pour l'éternité !
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mercredi 23 février 2011

Sans crainte de trop se tromper

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Les événements se précipitent en Libye. Je ne voudrais pas jouer les prophètes. Mais en ce 23 février, j'ose dire que la fin de KHADAFI est proche, qu'il finira tragiquement - ce qu'on ne saurait souhaiter - et que ce sont ses militaires qui mettront fin à son régime sanglant. C'est une question de quelques jours, pour ne pas dire de quelques heures.
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Ces remarques viennent compléter celles que j'ai faites dans l'avant dernier billet.
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Nous ne pouvons que soutenir l'aspiration des Libyens à la liberté. Et espérer que ce ne sera pas au prix d'un massacre. Nous ne pouvons laisser faire cela et répéter à l'envi, comme CAÏN le disait à Dieu : "Suis-je le gardien de mon frère ?"
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Convulsions

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Il semble bien que nous rentrions dans une ère véritablement apocalyptique. Il faut bien comprendre le sens de ce mot. S'il est possible de l'associer, en effet, à ce que dit l'Apocalypse de la Bête, et des tourments (à prendre au sens étymologique de tortures) qui accompagne son apparente et temporaire victoire, il signifie surtout que nous sommes arrivés à un moment où il nous faut choisir.
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Que voyons-nous en effet ? Des convulsions terribles qui déchirent les peuples. Et il est impossible de ne pas rappeler ici ce que disent les Psaumes dans l'Ancien Testament, et justement l'Apocalypse dans le Nouveau.
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"Pourquoi ces nations en tumulte,
ce vain grondement de peuples ?
Les rois de la terre se lèvent,
Les princes conspirent contre Yahvé et son Oint."
[Psaume 2, versets 1 et 2].
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" 'Les nations s'étaient mises en fureur ; mais voici ta fureur à toi, et le temps pour les morts d'être jugés ; le temps de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, petis et grands, et de perdre ceux qui perdent la terre.'
Alors s'ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d'alliance apparut, dans le temple ; puis ce furent des éclairs, des voix et des tonnerres, avec un tremblement de terre, et la grêle tombait [noter l'imparfait] dru..." [Apocalypse, 11, versets 18 et 19].
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René GIRARD a donné une interprétation lumineuse du Psaume 2. Je crois me souvenir que c'est dans son livre Quand ces choses apparaîtront. Il indiquait dans cet ouvrage que le mécanisme victimaire n'étant plus opératoire comme moyen d'apporter la paix dans les sociétés humaines, nous n'avions guère le choix : ou bien rentrer dans la spirale de la violence réciproque, la nourrir par la vengeance et les anathèmes virulents, et finalement nous détruire, ou bien renoncer à cette folie suicidaire et appliquer à la lettre les préceptes de Jésus, et notamment tous ceux des Béatitudes.
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Il n'est pas question de faire du concordisme et de trouver dans ces textes des prédictions précises. Nous pouvons simplement observer que les nations sont effectivement en tumulte, pas seulement celles du monde aro-musulman, mais aussi l'Iran, la Chine (on a très peu commenté les manifestations spontanées qui ont éclaté, notamment à PEKIN, après les révolutions de Tunisie et d'Egypte : les autorités ont fait supprimer d'Internet les mots Tunisie et Egypte, de crainte que l'évocation de ces pays ne donnent des idées à ceux de ces citoyens les plus éduqués - ils sont nombreux), plusieurs états africains (des morts au Nigéria et en Côte-d'Ivoire, notamment). Il semble bien qu'avec la mondialisation (un des caractères des temps apocalyptiques énoncés dans les discours eschatologiques de Jésus), les hommes se rapprochent de plus en plus, se rassemblent de plus en plus, se ressemblent de plus en plus, toutes conditions requises au développement de la violence collective. Il apparaît aussi que les disciples de Jésus, en Inde, au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en Chine, en Tunisie, en Algérie, en Egypte, en Indonésie, au Nigéria, sont les cibles privilégiées des fanatiques qui les prennent comme boucs émissaires, effectivement dans le but de ramener leur nation à une paix purement sacrificielle ou de maintenir l'harmonie par la violence et la contrainte : spirale de la vengeance, à laquelle il nous faut renoncer simplement pour survivre.
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Ces temps peuvent durer encore longtemps. Il semble même que ce soit une exigence préliminaire à la conversion du monde. Losque nous aurons épuisé tous les moyens de la violence, lorsque nous nous serons battu jusqu'à la quasi extermination de la race humaine, alors viendra peut-être le retournement du reste subsistant de l'humanité. Croyez bien que je ne tiens pas ces propos comme le ferait une voyante, une madame MIROSWKA quelconque. Il me semble, à observer le monde, que c'est la conséquence logique et inéluctable de notre folie, de notre orgueil et de notre égoïsme.
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Et dans ces terribles convulsions du monde, se pose avec encore plus d'acuité la question du psalmiste :
"Pourquoi ces nations en tumulte ?"
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mardi 22 février 2011

Que faire ?

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Un dictateur fou et mégalomane est en train de massacrer des concitoyens qui ont le toupet de ne pas penser comme lui. Nous sommes impuissants, semblent dire les médias ! Mais le sommes-nous vraiment ? Les dirigeants des pays arabes, Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte, sont les mieux placés pour tenter de ramener le sanglant guignol à un peu plus de raison. N'est-il pas concevable, pour commencer, que les diplomaties des pays occidentaux demandent à leurs homologues des pays arabes d'intervenir fermement, avant d'envisager éventuellement des mesures plus énergiques qu'ils prendraient en concertation avec ces derniers ?
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Nous ne mesurons pas encore l'ampleur des bouleversements qui sont en train de se produire dans ces régions. Nous n'en imaginons pas les immenses répercussions. Et je me pose à cet égard plusieurs questions. (a) Comment ces peuples ont-ils pu supporter si longtemps la férule de ces dirigeants fous ou corrompus ? (b) Quel intérêt y avaient-ils ? (c) Quels changements dans la pensée et dans le vie quotidienne des habitants de ces pays ont-ils conduits à ces soulèvements ?
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On peut au moins répondre à ces questions par une question plus générale. La violence qui monte là-bas est-elle due au choc d'une culture ancestrale conservatrice avec la culture moderne, et même post-moderne, mondialisée, et avec le mode de vie qui l'accompagne ? Il y a probablement des tenants du bon vieux temps et des admirateurs de la démocratie et du mode de vie à l'occidentale dans les révoltés. Et il se pourrait bien qu'un fois débarrassés de leurs odieux dirigeants, ces peuples reviennent à leurs anciennes amours, par peur de l'inconnu. Que se passera-t-il ? Il est aisé d'imaginer que les révoltés du second type chercheront à fuir un pays repris en main par les révoltés du premier. Il nous faut envisager des déplacements de population sans précédent dans le monde (hormis ceux qu'ordonna STALINE). La fuite de nombreux Tunisiens vers l'Europe n'est que l'avant-garde de ces mouvements. Je ne sais pas comment il faut envisager un tel afflux de réfugiés ou de clandestins. J'imagine qu'il soulèvera de nombreuses interrogations, des résistances, et sans doute des événements relativement graves. Il ne sert à rien de se cacher derrière son petit doigt. Et c'est ici que la vertu de l'exemple, que l'exercice de la charité authentique montrera son efficacité. Pas de paroles verbales, pas d'anathèmes. Tenons les deux bouts de la vérité : le respect de la loi ; le respect de l'autre dans ce qu'il est. Plus facile à dire qu'à faire. Mais c'est ainsi qu'il faudra réagir pour éviter le pire. Et surtout pas en termes d'idéologie et d'arrière-pensées.
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lundi 21 février 2011

Mise en garde

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Nos hommes politiques devraient faire très attention. Les courriels que je reçois de divers lecteurs de ces billets, les remarques - souvent trop partiales ou partielles, mais toujours très documentées, de TIPPEL- me font soupçonner qu'un puissant courant d'opinion contre l'islam en général, et les maghrébins en particulier est en train de naître chez nous. Je ne dis pas qu'il est justifié. Je me borne à constater.
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Je vous ai parlé de cette vidéo horrible où des taliban (pas de s à taliban, pluriel de taleb) afghans égorgent et décapitent des compatriotes, tandis que l'on entend des psalmodies que je suppose être à la gloire d'Allah, chantés par des spectateurs parfaitement impassibles. Une autre vidéo m'a été envoyé par le même ami ; on y voit un gamin de 8 ans, sur le sol, contraint de d'allonger son bras droit sous la roue arrière droite d'une voiture, laquelle s'apprête à rouler dessus et roule effectivement. Son crime ? Il a volé un pain à l'éventaire d'un boulanger. Les voleurs, fussent-ils des enfants, on leur coupe la main, ou on leur ôte l'usage du membre qui a commis le vol ! Qu'un peuple aussi ancien, aussi évolué que le peuple iranien - la scène en effet se passe dans une ville iranienne que je n'ai pas pu identifier - en vienne-là indique à quel point de bassesse l'humanité est descendue. Mais enfin jusqu'ici, il s'agit d'actes commis par des musulmans fanatiques (et tous ne le sont pas, j'insiste bien sur ce point).
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Et puis il y a d'autres faits qui me paraissent plus inquiétants pour la préservation de la paix civile dans notre patrie, des faits dont nous sommes les responsables, les acteurs, les complices ou les spectateurs impuissants. (a) L'occupation de l'espace public pour la prière du vendredi par exemple ; on voit se presser dans des rues, fermées pour l'occasion à la circulation, des centaines de pratiquants, se prosternant vers la MECQUE ; et la solution qui se profile pour faire cesser cette sorte de prise de possession temporaire de la rue, le financement public de mosquées ne convient pas à l'opinion publique qui voit les églises de village tomber en ruine dans l'indifférence des pouvoirs publics lesquels en sont propriétaires, faut-il le rappeler. (b) Il y a ces invraisemblables excuses de l'ambassadeur de France à TUNIS. La réaction qu'il avait eue en face de la journaliste qui l'interviewait n'était nullement arrogante ; je l'ai entendue ; [PS : pour dire la vérité, je n'avais pas vu la chute : "votre question est débile", et je nuancerais volontiers mon opinion sur l'habileté du diplomate]. Elle était d'abord digne, elle était celle d'un homme qui n'accepte pas que l'on mette son pays en accusation devant les caméras, pendant que des milliers de Tunisiens fuient leur pays pour venir dans celui que conspue une foule tunisienne délirante. Cela est impensable, inacceptable, injustifié. Et notre ambassadeur a sur les Tunisiens une grande supériorité, celle de parler leur langue, alors que nombre d'entre eux qui postulent à l'asile maternel, bienveillant et nourricier d'un pays qu'ils sont censés détester, ne connaissent pas même la langue française ni même ses rudiments. Il est loin le temps où pour un coup d'éventail donné par le Dey d'Alger à notre ambassadeur, la France faisait guerre à l'Algérie. (c) Il y a ce calendrier publié par une branche du syndicat FO (métaux, Val de Seine), moitié en français, moitié en arabe. Les dates y sont données selon le calendrier musulman (ère de l'hégire). On y présente les heures de prière dans les lieux de culte musulmans. Trois photos de mosquées, des photos de femmes voilées, figurent en tête du document. Le calendrier est distribué dans les entreprises.
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Eh bien ce sont là de mauvaises actions. Pas de prières dans l'espace public ; il est très difficile en France d'organiser des processions dans les rues, il y faut une autorisation officielle, et l'on accepterait qu'il soit envahi temporairement et illégalement à des fins religieuses par d'autres cultes que celui des chrétiens ? La construction des édifices religieux ne peut être financée par l'argent public, et il faudrait que le contribuable paie celle des mosquées ? Le Français est la langue officielle, le calendrier est celui de l'ère chrétienne. La France est un pays laïc, et le syndicat de monsieur MAILLY recrute ses adhérents dans la masse des salariés arabo-musulmans, faute de pouvoir recruter nos compatriotes ? Faudrait-il, par le jeu des scrutins majoritaires, qu'une minorité apportant ses voix à un parti donne à celui-ci le pouvoir aux seules fins de profiter de ses largesses ? Ce sont des questions. Mais un nombre croissant de Français se les pose, et il pourrait y avoir des surprises douloureuses au soir du premier tour des élections présidentielles. La position la plus sage consiste à exiger de tous les fidèles - quelle que soit leur religion - qu'ils se conforment à la loi ; elle exige aussi le respect de toutes les croyances ; elle accepte qu'en des circonstances exceptionnelles, l'espace public soit mis à disposition des croyants, elle exige la réciprocité : ne rien accorder chez nous qui ne soit accordé dans les pays musulmans à nos propres religions ; enfin elle exige un sérieux contrôle des prêches de certains imams radicaux et une interdiction absolue de financements venus de l'étranger. Elle demande aussi que nous soutenions fermement nos diplomates, surtout quand ils n'ont rien à se reprocher. Nos amis tunisiens sont chatouilleux, très chatouilleux sur leur honneur (ils ont quand même supporté longtemps leur dictateur), ils se trouve que beaucoup de Français le sont aussi.
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Prenez garde, messieurs qui quêtez nos suffrages ! Prenez garde ! Il se pourrait qu'un jour proche les plus sages de vos concitoyens s'abstiennent d'aller voter, et que les plus exaspérés donnent leurs voix aux extrêmes. Est-ce ce que vous recherchez ? Je ne crois pas que l'on se nourrit de pétrole !

dimanche 20 février 2011

Qu'un blog est un chantier immense

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En ouvrant ce Blog, je ne pensais pas me lancer dans un chantier de cette envergure. La recherche de la vérité est un travail ardu, harassant, et dont le succès est des plus aléatoires. Mais, tandis que dans quelques jours je produirait le 1.000e billet, je me rends compte de la grande richesse des échanges que quelques uns de mes lecteurs ont bien voulu entretenir avec moi. Je les en remercie. Et je voudrais tirer, avec eux, et pour moi autant que pour eux, quelques enseignements.
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D'abord il y a billet et billet. Et il est très important de faire la distinction entre un billet d'humeur, expression passagère et superficielle d'émotions et de jugements plus ou moins fondés, plus ou moins argumentés, plus ou moins documentés et un billet plus "philosophique", plus "pensé". Ma foi, je crois que ça relève de genres littéraires très différents. Il est très certain que du temps où je moquais la gôôôôche, je produisais beaucoup de ces billets d'humeur, quelquefois injustes ou méprisants ; et si aujourd'hui j'essaye d'être plus objectif, je reste quand même très critique vis-à-vis des idéologies, et je vais essayer d'expliquer pourquoi.
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Le but de l'action politique - combien de fois l'ai-je dit ? - est de conduire les hommes et les femmes dont on a la responsabilité vers la fin qui leur est due. Il apparaît impossible de réduire l'homme à sa seule dimension politique ou économique. Or c'est bien ainsi que les responsables politiques en général et français en particulier, conçoivent leur tâche : économique et politique. En méconnaissant tout un pan de la nature humaine, ils ne peuvent que se tromper. Car, disait - je cite de mémoire ce bon BACHELARD - "l'homme est un être de désir et non de nécessité". Et je suis bien obligé de constater que telle est la conception de beaucoup d'hommes politiques de l'opposition. J'ai dit "beaucoup", pas "tous". Mais je repère le même défaut chez beaucoup d'hommes politiques de la majorité.
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Pour évacuer le problème, certains penseurs contemporains avancent qu'il n'y a pas de différence de nature entre l'homme et l'animal, à peine une différence de degré. La tour est joué. Si c'est le cas, en effet, il n'y a pas lieu de s'occuper de tout ce qui touche au symbole, au sens, à l'esprit, ni même à la réalité que l'on peut concevoir ou faire émerger dans sa tête seulement, sans tenir compte de la dureté de la pierre, du souffle puissant des éléments, des errements de la nature, des grondements de la terre, de la pression insupportables que les autres exercent sur nous en empiétant sur ce que nous considérons être notre espace vital ou de notre bulle de confort, dont le diamètre ne cesse de croître avec notre richesse individuelle et collective. Mais il est loisible de constater que jamais nous n'avons été aussi riches, et jamais aussi anxieux, grincheux, teigneux, revendicatifs.
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Quelle est donc la fin qui est due à l'homme ? Est-elle purement matérielle ? S'agit-il d'augmenter indéfiniment son pouvoir d'achat, sa consommation, la satisfaction de ses désirs de PLAISIRS ? S'agit-il de confondre PLAISIR et BONHEUR ? Si la réponse est oui, alors nous avons la société que nous méritons. Si tel n'est pas le cas, qu'est-ce que le BONHEUR ? J'avais il y a encore quelques mois des réponses toute faites et idéologiques à cette question. En rentrant de plus en plus profondément dans l'échange avec vous, je me suis rendu compte que je devais de plus en plus mettre en accord ma vie avec ce à quoi et Celui en qui je crois, que vos objections, vigoureuses ou courtoises, devaient être prises comme l'expression d'une expérience personnelle, que parler est toujours exprimer une parcelle de vérité, une sorte de pépite rare qu'il convient de dégager de la gangue des mots dans laquelle elle est enlisée. Et que ma propre parole est elle-même prise dans cette gangue. La seule chose que je puisse affirmer à propos de celle-ci est que je m'efforce d'être le plus près possible de ma propre pensée, le plus sincère possible ; et cela me semble être l'antichambre qui conduit à la pièce où dort la vérité dans l'attente. Et me revient sans cesse la question : Qui nous fera voir le bonheur ?
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Oui, la méthode du questionnement me paraît plus riche, plus ouverte, plus féconde que celle de l'assènement. Je persiste à croire qu'il est possible d'atteindre à la vérité, c'est-à-dire de percevoir et exprimer le réel COMME IL EST. Mais je crois qu'il faut être à plusieurs pour y parvenir. Et je préfère le dialogue à l'anathème.
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Il est une autre leçon que je me donne à moi-même : c'est la leçon de la cohérence. Je reviendrai sur ce point. J'espère ne pas vous avoir lassé. Et je sais que j'ai en suspens trois billets : l'un sur AUSTIN (et le statut performatif de la parole : dire c'est faire), sur le calendrier bizarre mis à la disposition de ses adhérents et adhérents potentiels par un syndicat, et enfin sur la cohérence.
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Passez un bon dimanche
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samedi 19 février 2011

Reste avec nous

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Voici une vidéo bouleversante. Elle se passe de commentaires. Le texte est d'Henri GUILLEMIN.
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vendredi 18 février 2011

Le prix à payer

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Le prix à payer est le titre d'un ouvrage publié en 2010 aux Editions de l'Oeuvre, Paris, par Joseph FADELLE. Joseph FADELLE est irakien. Né musulman, il a été saisi par la rencontre d'un compatriote chrétien qu'il appelle MASSOUD. Il s'est converti au Christ, dans l'Église catholique. Evelyne MONTIGNY publie une interview de Joseph, réfugié, je dis bien réfugié, en France, dans la revue Croire, N°273.
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Joseph explique combien cette conversion a été l'occasion d'un bouleversement de ses rapports avec les membres de sa famille. Ils ont voulu le tuer. Quand ils ont découvert qu'il allait à la messe, ils l'ont passé à tabac, fait emprisonner. Il a été torturé pendant trois mois pour lui faire livrer les noms des chrétiens qui l'avaient conduit à la conversion. Sa foi, sa foi absolue en la miséricorde de Dieu, la certitude qu'il en était aimé lui ont donné la force de résister à la torture. Et il s'est accroché, dit-il, à cette idée "qu'il y avait un prix à payer pour être digne du Christ". Il a attendu 12 ans pendant lesquels il a vécu sa foi en cachette, avant de recevoir le baptême. Un songe lui avait fait comprendre que Jésus était le pain de vie. Il a renoncé à beaucoup de lui-même pour être au Christ. Mais "il porte en lui-même cette joie indicible qui donne la force de persévérer.
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J'ai oublié le nom de cette sainte, fondatrice d'ordre, qui disait à ses moniales : "Mes filles vous voudriez être au Christ sans qu'il vous en coûte quelque chose !". Sans le savoir peut-être, trois ou quatre siècles après cette forte personnalité, Joseph a exprimé et écrit la même PENSEE. Je vais acheter ce livre. Faites-en autant. Les maigres droits d'auteur qu'il tirera de nos achats lui serviront à survivre. Car voilà un livre dont les média ont peu parlé. Pendant ce temps, FO publie un drôle de calendrier à l'intention de ses adhérents putatifs. Je vous en reparlerai demain.
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Bonne journée.

jeudi 17 février 2011

A propos du courage ; réponse à Jade

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J'ai lu, comme toujours avec beaucoup d'intérêt, le commentaire de JADE sur mon billet consacré au courage. Il m'apparaît nécessaire de faire quelques remarques complémentaires pour faire comprendre ce que je voulais dire.
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Je suis tout à fait d'accord avec la définition du courage que JADE rapporte dans son commentaire. Et bien entendu je n'ignore pas qu'il y a dans le monde entier en général, et dans notre pays en particulier des personnes courageuses. Mais en citant Cynthia FLEURY, je n'entendais pas nier cette évidence. Je désirais parler du courage politique, c'est-à-dire de cette vertu civique qui consiste à dire des paroles ou poser des actes dans l'espace public, au risque de la moquerie, de la disqualification, de l'insulte, de la persécution, voire de la vie.
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Je constate que l'esprit public, en France, est particulièrement lâche. Il s'offusque pour nombre de faits ou d'événements mineurs ou relativement mineurs ; il ne voit pas les dangers autrement grands que font naître la perte du sens de la patrie, la décadence culturelle, le renoncement à l'excellence intellectuelle, l'effondrement du système éducatif. A tous ces maux, il ne trouve comme solutions que des réponses virtuelles, idéologiques, dépourvues de tout examen critique des faits. A quoi sert de condamner avec des mots et des insultes le Front National si l'on ignore la grande souffrance de nombre de nos compatriotes condamnés par leur pauvreté à vivre dans des quartiers dits sensibles et qui sont en réalité des paradis du non-droits, où les richissimes sont les voyous qui s'accomodent très bien de la situation puisqu'ils en profitent ? A quoi sert de critiquer le parti de monsieur MELANCHON si l'on ignore les souffrances et les difficultés de vie de nombre de nos compatriotes qui gagnent à peine de quoi vivre au prix d'un travail harrassant et souvent à celui de très longs déplacements ? Ces opinions extrêmes ne naissent pas spontanément. Au lieu de les observer à travers des lunettes idéologiques, on ferait mieux d'aborder ces problèmes AVEC COURAGE. Cela signifie effectivement qu'il convient de combattre les trafics en tous genres qui minent nos banlieues par tous les moyens, militaires y compris s'il le faut ; mais cela signifie également qu'il est indigne d'un pays développé de laisser sur le bord de la route un nombre croissant de personnes qui ne peuvent pas se loger convenablement, élever leurs enfants, se nourrir , en un mot avoir une vie humaine Il y faut du courage dans les deux cas. Et ce courage est essentiellement politique.
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Comme nous sommes politiquement englués dans la lâcheté collective, nous ne sommes plus capables de voir que dans d'assez nombreux domaines, le Président de la République a fait preuve de courage civique. Je n'ai pas de sympathie particulière pour lui, ni d'antipathie d'ailleurs ; j'aurais préféré qu'il maniât notre langue avec un plus d'élégance, qu'il soit plus raffiné, ou plus cultivé. Tout cela est sans doute vrai, mais très accessoire par rapport au reste. J'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que monsieur MITTERRAND, que par ailleurs je n'admire pas du tout, mais alors pas du tout, a eu le COURAGE de supprimer la peine de mort, contre l'avis majoritaire des Français. Cela doit être mis à son crédit, et pour toujours. En cela il s'est montré grand, comme s'est montré grand le Président de la République en expliquant qu'il est normal qu'un magistrat puisse être sanctionné s'il a fait des erreurs, comme le sont les médecins, les ingénieurs, les fabricants de médicaments (!), les ministres (re !!). Le Président a eu raison de réformer la carte judiciaire, d'encadrer le droit de grève en rendant aux grévistes la responsabilité de leurs actes, de donner aux Universités l'autonomie de gestion (j'en aurais à dire, je puis vous l'affirmer), de réformer le Contrat de travail, d'instaurer un service minimum d'accueil dans les établissements scolaires en cas de grève. Tout cela relève du bon sens. Il semble bien que nous en manquions considérablement, et de courage avec. C'est ce manque de courage qui nous fait critiquer.
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J'espère avoir convaincu JADE que je ne visais pas le courage des personnes, mais le courage d'une nation, ou plus exactement, d'une patrie. La réaction de l'opposition aux lois sur l'immigration est l'illustration de cette lâcheté, de cette tendance si chère à toute idéologie à GENERALISER. Le racisme est une plaie scandaleuse, je le répète et suis prêt à me battre pour l'effacer de l'espace public ; mais la déchéance de nationalité d'un naturalisé qui a commis des crimes est une mesure de salubrité publique. Cela n'a rien à voir avec le racisme ; cela relève de la paix sociale à laquelle nous avons droit, les plus faibles, les plus désarmés EN PREMIER.
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C'est tout pour aujourd'hui.
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mercredi 16 février 2011

A propos du courage

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Il y a bien longtemps que je ne vous ai parlé d'une très prometteuse et jeune philosophe, je veux parler de Cynthia FLEURY. Elle vient de publier un livre dont je ne connais qu'un extrait. Mais il me semble tellement fort, tellement significatif, que sans attendre je désire vous en faire part.
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"[...] Comment apprendre le courage ? Comment nourrir le courage pour qu'il ne vous quitte plus ? J'ai perdu le courage alors même que je voyais la société dans laquelle je vivais être sans courage. J'ai glissé avec elle. Me mêlant chaque jour à cette négociation du non-courage. Là il n'y a pas d'eau. Seulement la corrosion. C'est Naples et ses ordures. Nous vivons dans des sociétés irréductibles et sans force. Des sociétés mafieuses et démocratique où le courage n'est plus enseigné. Mais qu'est-ce que l'humanité sans le courage ? Si ma chute peut sembler poétique, celle qui est collective est gluante. Et je vois bien que le salut ne viendra que de quelques individus prêts à s'extraire de la glu, sachant qu'il n'y a pas de succès au bout du courage. Il est sans victoire. La vraie civilisation, celle de l'éthique, est sans consécration."
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Je dois dire que ce texte est prodigieusement dense. Il résume ce que j'ai eu bien souvent l'occasion de dire ici : que la liberté, qui est un rapport conscient de la pensée et de l'acte, n'exige pas d'atteindre le but envisagé pour être libératrice (Simone WEIL), qu'on ne peut se sauver tout seul (les grands héros comme SAKHAROV, SOLJENYTSINE, LIU XIABAO), que la politique conduite sans morale conduit à la mort de la nation (nombreux billets).
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La raison pour laquelle je combats les ritournelles de l'opposition, et approuve certaines initiatives du Président SARKOZY, est précisément que je trouve les remarques des opposants, lâches, sans grandeur d'esprit, sans vision, SANS COURAGE (flatter les passions humaines est tellement facile), et que Nicolas SARKOZY a eu LE COURAGE de s'attaquer à des fléaux qui nous détruisent à petit feu : corporatisme (les syndicats, les magistrats, pour ne nommer que ceux qui me viennent en tête), individualisme (essentiellement des possédants, quel que soit le niveau de la possession : "ceci est mon chien, ceci est ma place au soleil" disait PASCAL dans l'une de ses Pensées), idéologie et esprit de système (les idées passent avant le réel)
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Il me semble qu'aujourd'hui je commence à comprendre pourquoi la culture française qui éclaira longtemps le monde est en déclin, que brille encore au zénith la culture anglo-américaine, tandis qu'un autre soleil, celui de la Chine, n'attend que le crépuscule de son rival pour émerger à l'horizon. Nous ne pensons qu'en termes d'idées, jamais de réel. Nous aurions beaucoup à apprendre de philosophes comme AUSTIN sur qui je reviendrai.
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Je vais illustrer ce propos par un exemple récent, celui du procès qui est fait à François FILLON (le cas de madame ALLIOT-MARIE me semble différent). On condamne (enfin, certains condamnent) le Premier Ministre au motif qu'il a emprunté un avion mis à sa disposition par le gouvernement égyptien pour passer en Égypte des vacances. On condamne a posteriori, et au seul motif que les Égyptiens se rebellent contre un homme dont on feint de découvrir qu'il fut un dictateur pendant trente ans. On ne se pose pas les questions relatives au réel ; en voici quelques unes (je reste ainsi fidèle à ma méthode, celle des questions).
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(a) Qui a proposé de mettre cet avion à disposition de monsieur FILLON ?
(b) Y-a-t-il eu des contreparties politiques à cet arrangement, et si oui lesquelles ?
(c) Monsieur FILLON a-t-il réglé son séjour sur ses deniers personnels (il semblerait - conditionnel - que ce fut bien le cas, car la presse n'aurait pas manqué, dans le cas contraire, d'enfoncer le clou).
(d) Monsieur FILLON avait-il, politiquement, intérêt à refuser cette offre ? En avait-il même la possibilité ?
(e) Pourquoi des personnalités, des journalistes, qui font fi des problèmes moraux les plus criants, insinuent-ils que ce voyage soulève un problème moral ?
(f) Y-a-t-il eu dans la presse des journalistes qui ont condamné le régime du Président MOUBARAK ?
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Voilà ce qu'un esprit amoureux de la justice et de vérité aimerait savoir, avant de condamner (au nom de qui ou de quoi, si ce voyage n'a pas coûté un centime au contribuable) un homme qui jusqu'à ce jour s'est montré COURAGEUX et intègre.
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Mais Cynthia FLEURY le dit : le courage est sans victoire. Il tire sa force et sa joie de la vérité qu'il entend défendre. La vraie civilisation est celle de l'éthique (je préférerais qu'on utilisât le mot morale), et non celle du scoop, de la turbulence, de la polémique, du superficiel, et j'ajouterai, pour être symétrique, du bling bling !
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mardi 15 février 2011

Un beau message

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Je prie mes lecteurs d'excuser mon absence d'hier. J'ai été fort pris, et n'ai pas trouvé le temps de vous parler de cet article de Denis TILLINAC, publié dans le Figaro Magazine, daté du 11 février 2011. Plutôt qu'un article, il s'agit d'une interview conduite par Patrick de MERITENS, et titrée : "Sans la foi, je serais devenu fou ou cynique". Voici quelques bonnes feuilles de cet article que je vous engage à lire, sans parti-pris, ni réticence.
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Question : La montée en puissance de l'islam peut-elle entraîner une résurrection du catholicisme ?
Réponse : Dès lors que l'islam devient revendicatif et que, dans sa phase intégriste, il présente un visage politique insupportable, il nous oblige à nous redéfinir nous-mêmes. Pour autant, ce n'est pas la faute des musulmans si nos églises sont vides. Plutôt que de nous en prendre à eux avec une réaction de crainte fantasmée, essayons plutôt de réfléchir aux raisons du déclin du catholicisme en Occident. Nous expérimentons une forme de modernité identifiée à tort à la liberté, qui s'exprime par une récusation de ce qui est perçu comme pesant et dogmatique. Toutes les valeurs verticales sont actuellement remises en cause, au nom d'un égocentrisme étroit proclamant que le spirituel doit être géré de manière individuelle - entre soi et soi, à la rigueur entre l'individu et Dieu, cela ne regarde personne -, telle une sorte d'hyperprotestantisme à l'américaine. Or la dissémination finit par perdre les gens. [...]
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[...]
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Question : Déplorez-vous la perte de l'identité chrétienne de l'Europe ?
Réponse : Si l'Europe n'affirme pas ses racines chrétiennes, elle n'existe tout simplement pas. La gêne qui s'est exprimée par le fait que certains dirigeants européens ont refusé de les mentionner dans le préambule de la Constitution ressemble, mutatis mutandis, à la fois à l'instinct de mort dont parle FREUD et au masochisme. La seule identité qui puisse définir l'Europe est proprement le christianisme, et même le catholicisme jusqu'au XVIe siècle. [...]
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Et Denis TILLINAC dira plus haut :
"L'oecuménisme, et plus encore la laïcité dans laquelle nous baignons ont fait du relativisme la religion contemporaine. Il faut célébrer partout la laïcité, tout en consentant que dans l'arrière-cuisine, dans la chambre, dans ce qu'on appelle le domaine privé, les gens confessent un culte. Si l'on va au bout de cette logique, il faudra raser tous les signes extérieurs de religion, à commencer par toutes les cathédrales, toutes les églises, toutes les chapelles, tous les calvaires aux croisées des chemin, sans oublier de débaptiser quelques dizaines de milliers de localités qui portent le nom d'un saint. L'affaire du travail du lundi de Pentecôte, lancée il y a quelques années par un Premier Ministre, fut à cet égard symptomatique. On ne peut que se féliciter de son échec - un échec culturel !
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Voici quelques commentaires à ces réponses fortes, dépourvues de toutes ambiguïté, et courageuses.
(a) A propos de l'islam, la réponse est mesurée et juste. C'est l'islam intégriste et revendicatif qui est insupportable et que nous ne pouvons tolérer chez nous. Je dois dire ici que j'ai été horrifié par une vidéo qu'un ami m'a transmise, dans laquelle on voit des talibans égorger et couper la tête de plusieurs hommes ; ils la scient littéralement, tandis que leurs victimes sont allongées sur le sol, et, la décapitation achevée, ils vont la placer victorieusement sur la poitrine des suppliciés. La vision de ces têtes aux yeux encore ouverts sur l'horreur qu'ils viennent d'endurer est insupportable : voilà ce qu'est l'islam intégriste. L'islam mystique, je l'assimile au geste charitable de cette femme portant le foulard, qui, pas plus tard qu'hier après-midi, dans le métro, fut le seul des voyageurs à donner son obole à un quêteur. Elle honorait sans aucun doute l'un des préceptes fondateurs de l'islam qui est l'aumône. J'ai eu honte de moi ; j'ai eu honte d'avoir refusé à cet homme, même si je pense qu'il faisait partie de ces bandes organisées qui écument les wagons.
(b) Le relativisme s'exprime sur la scène politique par les diverses initiatives sociétales, venues de la gauche comme de la droite, et qui concernent aussi bien le statut anthropologique du mariage, l'euthanasie, ou les modes de procréation. Il faut affirmer ici que tout ne se vaut pas, et qu'il y a des choix qui sont meilleurs que d'autres.
(c) La laïcité telle que la pratique bien des hommes politiques est une plaie, et une plaie mortelle : avez-vous remarqué que sur les chaînes publiques, les éphémérides ne portent plus le nom du saint du jour, mais seulement le prénom. Une charmante présentatrice nous dit, le sourire aux lèvres : "demain, nous fêtons les Claude". Les Français ne sont pas si gogos que cela, et qu'ils soient chrétiens, agnostiques, athées, musulmans ou juifs, ils ont quand même célébré la saint Valentin (je n'ai pas écrit Saint-Valentin ; c'est une ineptie, voulue). Dieu merci ! Le refus de la référence aux origines chrétiennes de l'Europe par messieurs CHIRAC et JOSPIN restera, pour le premier, la marque indélébile d'un désir de séduire ses adversaires au prix de la vérité, pour le second, l'expression d'une étroitesse d'esprit et d'une négation idéologique du réel.
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dimanche 13 février 2011

Connexions

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Je vous disais hier que CONFUCIUS, par certains côtés, rappelait la pensée d'Emmanuel MOUNIER et de son personnalisme communautaire. Pour MOUNIER, il est impossible de dire "je" sans dire"nous". L'autre tient dans sa pensée une place irremplaçable.
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De son Traité du caractère, j'extrais ceci qui me semble répondre à l'importance que CONFUCIUS accordait à l'autre à travers les rites, entendons les formes sacrées de la politesse, quand elle exprime la beauté de la relation entre les hommes.
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"Aussi fréquent que le besoin de fuir le monde est le besoin de fuir dans le monde : "le monde"au sens biblique du mot, c'est autrui dépossédé de sa réalité de prochain et transformé en objet de divertissement. Pour cette jeune mère coquette, son enfant est un colifichet parmi d'autre ; pour ce mari avantageux, sa femme représente une parure flatteuse, un élément de son prestige social ; belle, elle pose sur ses journées le charme rare et miraculeux qu'apporte à la vie quotidienne la présence d'un luxe fragile. Combien d'hommes, qui passent pour répandus parmi les hommes, les maintiennent-ils, jusques et y compris leurs proches, dans une zone intermédiaire entre l'ignorance et l'indifférence, où ils s'effacent en tant que destins autonomes. La foule bruyante et bigarrée des hommes est une vaste foire où rien n'est plus aisé que de se perdre. Les relations mondaines fournissent à quelques uns un vaste alibi où ils vont chercher des surprises pour leurs désirs, des complicités à leurs faiblesses, un aliment à leur commérage, une fièvre d'intrigues semi-vécues, de scandales frôlés, d'impudeurs esquissées, de méchanceté à l'état naissant, agitations qui donnent à un coeur ingrat l'illusion de sentir et à une tête vide l'illusion de penser."
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Je ne puis m'empêcher de penser que les relations mondaines, telles que les décrit MOUNIER sont de celles qui ne cessent d'être présentées, encensées, critiquées ou jalousées par les médias, par l'opinion publique. Nombre de "nouvelles" que nous présentent tel hebdomadaire, tel quotidien, tel feuille de choux, sous la plume tiède et interchangeable de tel ou tel journaliste, peuvent tomber sous le coup de ce que MOUNIER en dit : surprises pour les désirs, avec les nouveautés qui déferlent quotidiennement sur nos écrans, complicité pour les faiblesses que les supporters de la majorité comme de l'opposition avoue pour leurs champions, scandales évoqués, supputés, imaginés, interprétés que le Canard Enchaîné, Marianne, Valeurs actuelles, Le Figaro, Libération, Le Monde, etc. nous réservent, recuits et ressassés, méchanceté de tels propos qui n'apportent rien au débat d'idée, ou aux propositions des responsables pour régler les difficultés dans lesquelles s'englue notre patrie. C'est bien vrai, les coeurs de pierre se donnent l'illusion de ressentir, alors qu'ils ne sentent vibrer que leurs tripes ; les têtes creuses, à l'aide des grands systèmes et des grands principes, se pavanent sur le devant de la scène. Mais il y a toujours des pauvres, des mal logés, des chômeurs, et je ne vois point que le politique ait compris l'importance de la relation symétrique et vraie, ritualisée par le courtoisie, pour commencer à régler ces problèmes. Traiter l'autre comme soi-même, se mettre à sa place, c'est commencer à ne pas supporter pour lui ce que nous ne supporterions pas pour nous-même.
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Demain, petit commentaire sur un excellent article de Denis TILLINAC.

samedi 12 février 2011

Encore ! allez-vous dire

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Encore, allez-vous dire... Oui, encore, mais pour le meilleur. Le Pr Anne CHENG a consacré une partie des cours qu'elle a dispensés cette année au Collège de France sur la revisite de CONFUCIUS, à l'analyse d'un livre publié par un philosophe américain, Herbert FINGARETTE (Confucius - the secular as sacred, improprement traduit, dans la seule édition en langue française, par Confucius - du profane au sacré.) Ce livre a été publié en 1972, chez Harper and Row, Publishers, New York, Hagerstown, san Francisco and London. J'ai pu me procurer les deux versions, anglaise et française. Le Pr CHENG a eu mille fois raison d'insister sur la révolution intellectuelle que représente la lecture des Entretiens (dans leur partie la plus ancienne, la seule susceptible d'être attribuée à Maître KONG sans trop d'incertitude) par FINGARETTE. Et c'est de cela que je désire vous entretenir, dans un contexte où tant l'idéologie que les hommes politiques semblent avoir oublié la nature profonde de sujet social, et religieux, qu'est l'être humain.
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CONFUCIUS, on le sait, accordait beaucoup d'importance aux rites (en chinois LI au 3ème ton). Et l'on pourrait croire qu'il s'agit là d'une exigence tatillonne, formelle, étroite. Or l'analyse approfondie de maints propos de Maître KONG (autre nom de CONFUCIUS) permet au philosophe professionnel qu'est FINGARETTE d'aboutir à de toutes autres conclusions.
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Dans le chapitre I de son livre, chapitre intitulé La Communauté humaine comme rite sacré, FINGARETTE est amené à dire ceci :
"L'image du rite sacré comme métaphore de l'existence humaine nous met éminemment en présence de la dimension du sacré dans l'existence humaine. Il y a plusieurs dimensions du rite sacré qui culminent dans la sacralité. Le rite fait ressortir avec force non seulement l'harmonie et la beauté des formes sociales, la dignité inhérente et ultime des échanges humains ; elle (sic) fait aussi ressortir la perfection morale implicite dans l'accomplissement de ses propres fins en traitant les autres comme des êtres d'une égale dignité, comme des participants libres dans le li. De plus, agir par le biais de la cérémonie, c'est être complètement ouvert à l'autre ; car la cérémonie est publique, partagée, transparente ; agir autrement, c'est être secret, obscur, tortueux, ou simplement tyranniquement coercitif."
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En réfléchissant à ces paroles si profondes, je me disais - et FINGARETTE y fait allusion en commentant le rite de la poignée de main - que les formes de courtoisie, la politesse, les rites sociaux, ne sont que des cérémonies dotées d'une sacralité dont nous n'avons même pas, ou dont n'avons plus, conscience. La centration croissante des messages politiques, idéologiques, publicitaires sur le "Je" et plus insidieusement sur le "moi", nous fait perdre la dimension essentiellement sociale de notre nature. Du reste, nombre de savants du XIXe siècle, profondément matérialistes, soulignaient avec inconscience et arrogance que les "races inférieures" n'étaient pas pleinement humaines au motif qu'elles n'étaient pas politiques. Un examen dépourvu de préjugés permet de constater que ces sociétés dites "inférieures" sont profondément humaines justement en raison de l'existence de rites dotés de sacralité en leur sein.
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Si cette analyse est vraie, alors nous pouvons dire que tout rejet des formes visibles de politesse (que ce soit dans les gestes, dans les paroles, dans le vêtement, etc.) n'est qu'un retour à une véritable barbarie, quand bien même il s'accommoderait de toutes les avancées techniques et scientifiques.
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J'aurai l'occasion de revenir sur les travaux d'Emmanuel MOUNIER et de son personnalisme communautaire, car FINGARETTE, dans un chapitre de son livre, analyse la pensée de CONFUCIUS d'une manière qui la fait apparaître absolument parallèle à celle de MOUNIER. Avant de terminer, je vous invite à méditer la partie du texte relative à la perfection morale associée à l'accomplissement de ses propres fins. Il n'est pas indifférent de rappeler ici que pour un chrétien la finalité de l'action politique consiste à conduire le citoyen vers la fin qui lui est due.
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jeudi 10 février 2011

Drôle de médicament

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Aimeriez-vous être un bébé médicament ? Avoir été conçu non pour vous-même, mais pour l'utilité que vous auriez pu avoir pour soigner un proche, un frère, un parent ? Personnellement, je ne l'aimerais pas.
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Les journaux font de gros titres sur le cas de ce petit garçon, né après fécondation in vitro et double diagnostic pré-implantatoire, conçu pour traiter un de ses frères. Pour les non initiés, il faut expliquer. Certains membres de la famille de ce petit garçon sont atteints d'une maladie génétique, la bêta-thalassémie. Il est possible de remédier à cette maladie, en greffant au malade des cellules souches multipotentes saines, capables de donner naissance à des globules rouges exprimant une hémoglobine normale, entre autres cellules sanguines. Pour que cette greffe soit acceptée par le malade, il faut que le donneur soit compatible avec le receveur, que l'un et l'autre aient en commun un maximum de déterminants du système d'histocompatibilité. Comme cette compatibilité ne va pas de soi, et pour augmenter les chances de succès, il a donc fallu féconder in vitro plusieurs ovocytes de la maman avec le sperme du papa. Ensuite, il a fallu déterminer si les oeufs ainsi produits exprimaient ou non une hémoglobine normale. Puis après cette première sélection qui conduit à l'élimination de tous les embryons "anormaux", il a fallu choisir, parmi les embryons subsistants, ceux qui étaient compatibles pour la greffe ("typage HLA"). Pour que les choses soient claires, il faut préciser ; les cellules souches multipotentes ne sont pas celles de l'embryon (qui sont initialement totipotentes), mais des cellules souches multipotentes prélevées sur le sang du cordon ombilical. Les autres embryons ont été détruits ou conservés, je ne sais, pour d'éventuelles réimplantations in utero.
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Il a donc fallu utiliser toutes les ressources de la technique, non pour honorer un projet parental ou un désir d'enfant pour lui-même, mais pour obtenir un embryon-objet, utilitaire, accessoirement investi d'amour pour le service qu'il aurait rendu à son frère. Cette déviation de l'intention est considérée par les théologiens moralistes chrétiens non pas comme la transgression d'un interdit, premier degré du péché, degré superficiel si l'on peut dire, mais comme le deuxième degré, celui du détournement de la fin pour laquelle un être est créé. Le troisième niveau, le plus grave, est celui de l'idolâtrie (du sexe, de l'argent, d'une activité, d'une personne). Tout cela peut paraître étrange à celui qui ne veut pas examiner sa conscience, ou plus exactement ne sait pas comment l'éclairer. Mais le but de ce billet est justement d'éclairer.
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Dans le cas présent, il faut penser à l'enfant ainsi conçu. Comment pourra-t-il jamais comprendre qu'il n'a pas été voulu pour lui-même, mais pour son utilité ? Comment peut-il accéder à la dignité d'un homme libre, s'il est enchaîné dès sa conception par cette détermination ? Personnellement, je trouve que ces essais sont intrinsèquement pervers. Ils ouvrent tout grand la porte à la création de banques de cellules souches embryonnaires totipotentes, typées pour leur compatibilité tissulaire, et mises sur le marché à des prix exorbitants. Certes, c'est mieux qu'en Chine où l'on exécute des prisonniers histocompatibles à des dates qui conviennent à des receveurs potentiels, et mieux que les exécutions sommaires de prisonniers serbes par des Albanais, pour des motifs identiques. Mais si les grands penseurs estiment que le prix à payer pour la liberté consiste à accepter la libération des pervers potentiels, pourquoi n'acceptent-ils pas le risque qu'est toute vie ou toute conception ? Attention, je ne dis pas qu'il ne faut pas traiter ces maladies. Je dis et maintiens qu'il y a d'autres voies que ces voies-là, et notamment la reprogrammation de cellules adultes en cellules souches, comme l'ont montré des chercheurs japonais et des chercheurs américains.
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mercredi 9 février 2011

Rectification, nuances et additions

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Quand j'ai écrit mon billet, hier, j'ignorais que monsieur FILLON eût emprunté un avion du gouvernement égyptien à des fins personnelles. Si je l'avais su, je n'aurais pas pas attaqué avec autant de virulence les réactions de l'opposition. En effet, il me semble qu'il y a dans cet emprunt quelque chose de malsain. Je comprends bien qu'il est parfois difficile de résister à des sollicitations de nature politique quand on est soi-même un homme politique. Mais je suis déçu, dans ce cas particulier, par un homme qui me semble intègre et éloigné des turpitudes de la tourbe politicienne.
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Longue discussion hier soir avec un grandissime ami, avocat, qui ne partage pas mon indignation quant à la réaction des magistrats. Beaucoup d'arguments, essentiellement d'ordre juridique, et quelques précisions : (a) Tony MEILHON a commis un viol alors qu'il était en prison pour des raisons autres qu'un crime sexuel. Il ne l'a pas été d'abord pour ce viol. (b) Il semblerait que c'est la chancellerie, à Paris, qui décide du degré de priorité des dossiers à traiter par les magistrats. Je n'ai aucune raison de douter de ce point ; il en résulte que c'est à Paris que le dossier de Tony Meilhon n'a pas été jugé comme prioritaire ; c'est donc à Paris qu'il faut chercher les responsables de ce dysfonctionnement. Juridiquement, compte tenu de la misère sexuelle des prisonniers, et selon mon ami, il était impossible de classer Tony MEILHOn dans les pervers sexuels dangereux. (c) La plainte de madame MEILHON mère n'a pas eu de suite immédiate, mais il paraît que c'est normal ; il y a toujours un délais entre une plainte et son traitement juridique ; il paraît que le manque de moyen de la Justice est criant, et justifie ces retards.
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Tout de même, mettre sur le compte d'une erreur de plume, la transformation d'une mesure de contrôle en un mandat d'amener me paraît un peu grosse...
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Fidèle à la méthode que j'ai définie il y a quelques semaines, je pose la question qui permettra à chacun de se faire une opinion :
Supposons qu'un magistrat de Nantes ou d'ailleurs ait perdu une fille dans les conditions de LAETITIA, comment aurait-il réagi ?
Il me semble que tout le reste est littérature.
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En somme, la société des hommes est très imparfaite ; les hommes aussi. Il nous faut admettre ce postulat. On aimerait seulement qu'au lieu d'avoir des dictionnaires juridiques devant soi, les justiciables aient des hommes avec un coeur de chair.
Pour ce qui est de l'attitude des hommes politiques, je dirais volontiers qu'elle n'est l'apanage ni des hommes de gauche ni des hommes de droite, mais de l'homme, tout simplement. Il n'y a pas une bonne turpitude de gauche et une mauvaise de droite ; il y a une turpitude tout court.
Pour ce qui est du Concorde utilisé à des fins privées par un certain Président, je maintiens que ma source est ultra-sûre. Je ne fais que rapporter son propos. Mais en absence de preuves et de témoins susceptibles de témoigner, je mets un point d'interrogation et crédite d'incertitude (très, très moyenne) cette confidence.
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mardi 8 février 2011

Ecoeurant...

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Pour gagner les élections et s'emparer du pouvoir, tous les moyens sont bons. L'opposition socialiste ne se fait pas faute d'attaquer ignoblement tel ministre et tel autre. La dernière accusation en date est celle qui est portée contre monsieur FILLON : pensez-donc, il a utilisé un avion du gouvernement égyptien...
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J'aurais mieux aimé que cette opposition à l'élastique conscience s'élève vigoureusement contre les amitiés sulfureuses de monsieur MITTERRAND avec un ministre de VICHY notoirement antisémite. J'ai encore en tête la colère qu'a piquée monsieur BADINTER quand, au Mémorial de la Déportation, des victimes et des proches de concitoyens israélites morts en déportation ont conspué le Président. On ne touche pas à une icône, semblait-il dire, blanc de rage et vert d'indignation autour des yeux.
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Je tiens de source ultra-sûre qu'il y eut, il y a un certain temps, et sous un certain Président, usage récurrent d'un Concorde, qui permettait au-dit Président de se rendre régulièrement en Egypte pour le week-end. Il y avait au plus dix personnes à bord de l'aéronef qui faisait deux allers et retours pour assurer l'escapade présidentielle quasi hebdomadaire. Personne ne pourra le prouver. Bien du monde est au courant. Mais on ne touche pas à une icône, même si c'est une mauvaise copie.
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Je pose donc très clairement la question : tel Président a-t-il, oui ou non, utilisé un Concorde pour son usage personnel, afin de passer des week-ends en Egypte ? Ma source est très sûre, mais n'aimant pas accuser à tort, je ne fais que poser la question. Je doute que l'on me réponde jamais.
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Tout cela est écoeurant...

Au hasard des jours

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Il vous souvient que monsieur BERGE a fustigé l'AFM pour une gestion qu'il jugeait déficiente. Il reviendra aux tribunaux de juger s'il a diffamé cette association, dont j'ai souligné ici-même, à d'assez nombreuses reprises, l'exemplarité et les immenses services rendus par elle à la recherche. Mais je n'ai pas entendu monsieur BERGE s'indigner du traitement inhabituel et rarissime réservé à monsieur Christian SAOUT, l'ancien président de l'Association AIDES (qui lutte contre le SIDA), bénéficiaire pendant dix ans d'un logement de fonction mis par elle à sa disposition, et qui, à titre de Président d'honneur, continue d'être payé, tenez-vous bien, 110.000 euros par an ! Il a fallu un petit entrefilet du Figaro Magazine pour lever le coin d'un voile qui recouvre de curieuses pratiques. Qu'en pensent les donateurs qui soutiennent cette association ?
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Lu dans une autre livraison du Figaro Magazine, l'interview bouleversante du dernier moine de TIBHIRINE, le frère Jean-Pierre. Vous pourrez sans doute en prendre connaissance en visitant le site internet du Figaro Magazine : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/02/05/01016-20110205ARTFIG0005-le-dernier-moine-de-tibhirine-temoigne.php
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Comme l'indique le long commentaire d'un lecteur de mon billet d'hier, l'assassin présumé de Laetitia aurait dû être interpellé par la gendarmerie en décembre 2010. Les gendarmes se sont bien présentés au domicile du suspect, impliqué possiblement dans une autre affaire, et l'ont laissé partir sous leurs yeux, semble-t-il. Il est donc inexact ou mensonger de dire ou de prétendre que l'on avait perdu la trace de Tony MEILHON. Messieurs les magistrats, ridiculement drapés dans leur toge ont beau protester, faire la grève des audiences, lever un menton indigné : ils ont bel et bien laissé filer un homme dangereux, recherché par eux, et ne semblent pas avoir été ému de l'inertie des gendarmes qu'ils avaient cependant délégués pour se saisir de sa personne. On peut toujours invoquer le manque de moyens. Mais dans l'anecdote que je viens de résumer, les moyens y étaient ; c'est l'inaction qui a prévalu.

lundi 7 février 2011

On a suivi la procédure...

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Il est impossible que les citoyens aient la moindre confiance en la justice. Les réactions des magistrats nantais aux propos du Président de la République indiquent combien ce corps est enfermé dans ses certitudes et l'assurance de l'infaillibilité de ses jugements et de ses façons de faire.
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Résumons :
Laetitia est tuée. Pour l'instant, il n'y a qu'un assassin présumé qui reconnaît la mort accidentelle de la jeune fille ; il l'avait rencontrée peu de temps avant sa mort. Tant que la justice ne s'est pas prononcée, il est interdit de déclarer coupable celui qui n'est qu'inculpé. Cependant on peut faire remarquer qu'il était connu comme violent, qu'il avait déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour un viol, que des traces du sang de Laetitia ont été retrouvées dans sa voiture et que le corps de la jeune fille, retrouvé au fond d'un étang, porte des marques de strangulation. On note aussi que la petite ami du suspect avait porté plainte contre lui une quinzaine de jours avant le drame pour menaces de mort et rapports sexuels non consentis (ce qui est tout simplement un viol). Ce jeune homme devait être suivi, mais on avait perdu sa trace. Il était du reste inscrit au fichier des personnes recherchées. Policiers et magistrats, dans cette affaire, ont, disent-ils, suivi toutes les procédures et ils n'ont rien à se reprocher. Les uns disent qu'ils ont cherché le jeune homme, les autres disent qu'ils sont débordés. Aucun n'a eu la moindre parole de compassion pour les parents adoptifs et le père biologique de Laetitia. Ils ont tous les mains pures, la conscience claire. Cette mort, ils n'en sont aucunement responsables. Laetitia est morte dans les règles, si l'on peut s'exprimer ainsi. Et c'est très exactement cela qui est insupportable à l'opinion publique.
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Dans cette affaire, ces hommes, très certainement intègres et soucieux de bien faire, ont vu d'abord la règle, la loi, le protocole. Leur incapacité à s'interroger sur leurs pratiques professionnelles est tout simplement abyssale. Et l'implication de nombreux délinquants sexuels dans des récidives ne semblent pas les inquiéter. Mais les fonctionnaires qui enregistraient l'arrivée des trains de déportés ne voyaient pas plus loin que leurs registres. Et s'il n'est pas question de les impliquer dans ces crimes au-delà de leurs actes de fonctionnaires, il reste que l'on peut s'interroger sur leur manière dont ils concevaient leur travail. Il me semble que les magistrats sont dans la même catégorie mentale. Certes, ils ne sont pas responsables de la mort de Laetitia. Ce serait injuste que de les en accabler. Mais il n'apparaît pas qu'ils aient pris conscience de leur implication réelle dans l'enchaînement des faits qui ont conduit à la disparition d'une jeune fille dans la fleur de l'âge.
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Affaire de conscience, toujours.