mardi 12 juin 2018

Mardi 12 juin 2018. Nouvelles du pari bénédictin. Monsieur Tennis et Chesterton


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Au lieu d’un château fort dressé au milieu des terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée dans le ciel.
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1. CHESTERTON ET MONSIEUR TENNIS.
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La fin du tournoi open  de Roland Garros, marqué, selon les journaux, par la débâcle du tennis français, me pousse à vous faire connaître l’opinion de notre très cher Gilbert Keith CHESTERTON qui répondait au fameux joueur de tennis américain TILDEN, lequel prétendait que « rien ne peut sauver le tennis anglais ».

"[…]. Il s’avère que les Anglais ont une attitude bizarre et artificielle de considérer le tennis comme un jeu et un amusement. Monsieur TILDEN a reconnu qu’on retrouve cet esprit amateur des Anglais aussi dans les autres domaines, ce qui constitue, comme il l’a remarqué avec justesse, un trait de notre caractère national. Malgré tout cela s’avère être un obstacle à ce qu’il a appelé « le sauvetage du tennis anglais ». Il pensait à ce que certains nommeraient le perfectionnement du tennis et d’autres sa professionnalisation. C’est un exemple très typique, pris au hasard dans la presse et exprimant les vues d’un esprit fin et pénétrant sur un sujet qu’il connaît très bien. Et pourtant, il ne comprend pas ce qu’il pense devoir comprendre. Il connaît très bien son sujet et cependant, il ne sait pas de quoi il parle puisqu’il ignore ce qu’il sous-entend. Il méconnaît les moyens et les fins, les axiomes et les conséquences de sa propre philosophie. Et probablement personne ne serait plus surpris, et même légitimement offusqué, si je disais que les premiers principes de sa philosophie paraissent être les suivants : 1. ― Il y a dans la nature des choses un certain Être absolu et divin dont le nom est Monsieur Tennis. 2. ― Tous les hommes vivent pour le bien et la gloire de ce Monsieur Tennis et doivent tendre à imiter sa perfection et accomplir sa volonté. 3. ― En raison de ce devoir suprême ils doivent sacrifier leur désir naturel de détente dans cette vie. 4. ― Cette loyauté est la plus importante : il faut aimer Monsieur Tennis plus que la tradition patriotique, plus que la sauvegarde du caractère national et de la culture du pays, plus que les vertus anglaises. Voilà à quoi correspond la croyance ou la doctrine que l’on nous présente ici sans la définir pour autant. Le seul moyen de sauver le tennis c’est de l’empêcher d’être un jeu. Le seul moyen de sauver le tennis anglais c’est de l’empêcher d’être anglais. Et ce genre de penseurs n’arrive pas à imaginer que certaines personnes aiment le tennis tout simplement parce qu’il est anglais, et l’apprécient tout bonnement parce qu’il est agréable. Or la chose exigeant de tous une obédience inconditionnelle, au prix même des sacrifices de son plaisir ou de son affection, connote un certain idéal divin. Lorsque les chrétiens l’affirment des sacrifices accomplis pour le Christ, cela sonne plutôt sévère. Mais lorsqu’un joueur de tennis demande de se sacrifier pour le tennis, cela apparaît ordinaire et circonstancié dans le chaos de la pensée contemporaine. Et personne ne s’aperçoit que c’est une sorte de sacrifice humain que l’on offre sur l’autel d’une nouvelle divinité sans nom."
In
Gilbert Keith CHESTERTON.
Pourquoi je suis catholique. Préface de l’abbé François-Marie CHAUTARD. Traduction collective dirigée, revue et annotée par Wojciech GOLONKA. Chapitre 5. La logique et le tennis. Page 79
Via Romana/Institut Universitaire Saint-Pie X, Versailles, 2017. (Distribué par Salvator.)
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2. EST-IL NÉCESSAIRE DE COMMENTER ?
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Je m’étonnais, et je continue de m’étonner, que si peu de lecteurs se soient joints à ma protestation contre les journalistes du Parisien qui ont commis contre le fameux Lycée Saint-Jean-de-Passy une mauvaise action. Je m’étonnais, notamment que si peu de jeunes qui avaient fréquenté ou fréquentent cet établissement n’aient pas fait chorus.
Il en va des études comme du tennis… Monsieur Étude exige des sacrifices, souvent bien plus douloureux que les sacrifices demandés par le Maître pour notre bonheur.
Il est dommage que CHESTERTON ne soit plus de ce monde. Il aurait certainement pourfendu ce nouveau Dieu qu’est le Dieu de la réussite sociale auquel tant de jeunes gens et jeunes filles sacrifient leur jeunesse et leur temps pour passer en section S, rejoindre une prépa prestigieuse, et faire une belle carrière.
Voyez-vous, il me semble que les événements se chargent de nous enseigner. Le tournoi de Roland GARROS signifie exactement la même chose que le tournoi du Bac ou de Parcourssup. Si des sommes considérables, qui se chiffrent par millions et millions d’euros, n’étaient pas en jeu dans ce tournoi, il n’aurait aucun répercussion médiatique, et il n’est pas sûr que nous lui accorderions l’attention soutenue et enthousiaste qui nous habite en ce juin pluvieux. Vous avouerais-je que j’admire le tennis, la beauté des échanges, mais que je déplore son instrumentalisation par le fric ?
Il en va de même pour les études : elles sont faites pour accéder à une connaissance supérieure et choisir avec discernement et connaissance de cause une orientation professionnelle accordée à ses goûts et ses compétences ; elles ne sont pas faites pour réussir dans la vie, mais pour réussir sa vie. Tout le reste est de l’idolâtrie. J’ai le bonheur de connaître des jeunes qui l’ont compris et n’ont pas accroché leur bonheur à l’obtention d’un diplôme si prestigieux soit-il ! C'est bien cela le pari bénédictin.

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