samedi 30 août 2008

France profonde

Je rentre de quelques jours de vacances, passés dans la région de CAHORS. Séjour trop court, mais enchanteur. Déjà l'automne s'annonce qui, le matin, accumule dans la vallée du Lot, des bancs de brouillard évanescents, tandis que du haut des Pech qui la dominent on a vue sur les forêts qui couvrent les collines et sur ce ruban de coton blanc qui sinue entre des croupes feuillues.
Grande découverte : celle de la mique. Savez-vous ce qu'est la mique ? C'est une sorte de pain brioché ,cuit dans un bouillon de légumes où mijote encore un petit salé savoureux. Par un miracle que je ne m'explique pas, ce pain n'est pas imbibé de liquide. Il est léger, aérien, délicieux, sans parler du petit salé et des jolis légumes qui l'accompagnent. Et puis dans ce pays, on est généreux. Il n'est point besoin d'un microscope pour voir ce qui vient dans l'assiette : des fritons de canard et de la saucisse sèche, des mignons de porc comme on ne sait plus en faire chez nous, avec des pommes de terre... ah des pommes de terres qui défient toute description. Point n'est besoin de demander du vin. Il vous est généreusement servi en carafe. Un beau rouge puissant et profond, une âpreté jointe à l'odeur de la violette en sa première floraison. Et les magrets de canard, et le foie gras et la daube de "limousines", viandes qui viennent de la proche Corrèze. Tout cela est délicieux et fait que nos amis anglais ou belges vivent en foule dans cette région, ou la visitent, ravis de voir, de manger, de boire (assez abondamment pour les anglais, je peux l'assurer !), de musarder, de photographier, et d'échanger avec de savoureux accents, dans notre langue.
Et que dire de ces villages, blottis dans des combes ou bien assis sur les causses a bord d'un bois de chênes ? De superbes maisons anciennes sont refaites avec un goût parfait ; joints de mortier blancs, petites tuiles plates, pigeonniers et leurs boulins en quinconce. Des fleurs qui débordent des rebords des fenêtres, des bacs débordant à profusion de pétunias, de géraniums, de toutes sortes de plantes. CAHORS est à cet égard une ville magnifiquement fleurie. Je vous conseille une visite à la cathédrale, comme si vous faisiez la route de COMPOSTELLE. On vous y accueille, pèlerin ou non, avec amitié, on vous y écoute. On vous parle de la Sainte Coiffe, ce linge sépulcral qui selon la Tradition aurait servi de mentonnière à Jésus, lors de son ensevelissement.
Tout cela, c'est notre pays. Nous pouvons en être fiers. Des générations ont peiné sur ces terres, ingrates ou riches selon les coins ; elles nous ont légué d'immenses trésors. Il nous revient de les préserver et de les transmettre, intacts, à nos enfants. Bon voyage en QUERCY.

dimanche 24 août 2008

Relâche

Je m'absente jusqu'au 29 août inclus. Je répondrai alors aux très importantes objections de mon interlocuteur privilégié sur le sens que donnent les idéologies totalitaires à leur action. Je n'oublie pas non plus un autre interlocuteur qui me demande en quoi, ou et comment Jésus aurait-il sollicité la liberté de ses disciples.
A bientôt

samedi 23 août 2008

L'encyclique et Galilée

Une fois de plus, un de mes lecteurs, par ses remarques très judicieuses, que tout un chacun peut lire dans les commentaires, me force à rentrer en moi-même pour trouver les raisons qui m'ont fait, dans le billet "A mon frère", rapprocher l'encyclique Divino Afflante Spiritu et l'affaire GALILEE/COPERNIC. J'indique tout de suite que je désire point faire d'apologétique de mauvais aloi, mais expliquer le plus clairement possible les liens entre les deux événements, ce que - dans ma précipitation - je n'ai pas su exposer. Jusqu'à cette encyclique, les exégètes n'avaient pas la possibilité d'appliquer la méthode historico-critique à la Bible. En indiquant que toutes les sciences historiques, philologiques, linguistiques, devaient concourir à une meilleure compréhension du sens littéral des textes bibliques, étudiés dans leur langue originelle, PIE XII libérait les exégètes de l'opinion traditionnelle, admise jusque là de l'historicité de textes manifestement mythiques, ou cosmogoniques. Il devenait donc possible de comprendre que la Genèse n'était pas un récit historique, parce que l'auteur, dans le sens littéral, ne voulait pas faire oeuvre d'historien, mais raconter CE QUE SON ÉPOQUE croyait de la création du monde. La découverte de l'épopée de GILGAMESH avait déjà sérieusement entamé la croyance en la véracité historique du mythe, très répandu, du déluge. Et par ailleurs, les textes mésopotamiens mythico-religieux avaient nombre de points communs avec les textes bibliques. Mais à une différence de taille près. Alors, et c'est là un exemple parmi d'autres, alors que tous les textes mythiques sumériens, babyloniens ou assyriens, présentent le Soleil et la Lune comme des DIEUX, la Genèse est le seul texte qui les présentent pour ce qu'ils sont : des luminaires pour éclairer le jour ou la nuit. Qui, en toute bonne fois, ne voit pas le progrès considérable de l'esprit humain dans ce constat ? On est un peu plus près du réel. On pourrait évoquer aussi l'épisode de CAIN et ABEL, si bien analysé par René GIRARD. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un texte d'essence religieuse présente un meurtre pour ce qu'il est, et montre un Dieu qui rompt de cycle de la vengeance circulaire et indéfinie, en promettant le châtiment à ceux qui voudraient venger le sang d'ABEL sur CAÏN. Quel progrès !
Quel rapport avec GALILEE ? Il est simple. GALILEE prétendait que la Bible se trompait, que la Terre tournait autour du Soleil et non le contraire. C'est PARCE QUE GALILEE CROYAIT A L'HISTORICITE DE LA GENESE qu'il a été condamné, car il la taxait d'erreur historique et scientifique. Il est évident que si l'on avait eu, à l'époque, l'instrument forgé grâce à l'encyclique, on se fût aisément mis d'accord sur le caractère mythique de la Genèse.
Mon correspondant me demande, fort justement ce qu'un mythe est dans mon esprit ? Et ce qu'il est en réalité. Selon moi, un mythe est un récit qui traduit en des termes imagés et à forte valeur symbolique, d'antiques expériences humaines de nature religieuse. Le dictionnaire Robert donne du mythe la définition suivante : Récit fabuleux transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant sous une FORME SYMBOLIQUE des forces de la nature, des aspects de la condition humaine. On voit que ma définition n'est pas si éloignée de celle-là.
Pour comprendre une époque, il faut utiliser les instruments qu'elle avait elle-même à sa disposition pour se décrire et se parler. J'ai évoqué l'histoire de la génération spontanée et des luttes littéralement acharnées auxquelles cette théorie donna lieu. Si l'on veut comprendre ces faits, il est impossible de le faire avec nos catégories actuelles. Il faut se mettre dans l'esprit du savant de l'époque, à qui il manque les instruments (microscope puissant, méthodes d'isolement et de culture des micro-organismes, biologie moléculaire) pour aborder convenablement la question, et qui, en esprit objectif, s'en tient à ce que lui disent ses sens. On sait plus précisément aujourd'hui combien les sens peuvent nous tromper. Il n'empêche que sans leur témoignage, la science n'aurait jamais atteint son développement actuel. J'ai parlé ici de GALILEE, plus que de COPERNIC ; avec moins de hargne, mais autant de détermination, sa théorie de l'héliocentrisme fut condamnée par le Pape PAUL V. La différence est qu'il ne fut pas obligé d'abjurer. COPERNIC avait du reste pris discrètement parti pour GALILEE.
PS : je répondrai par un autre billet au même correspondant sur la pensée moderne comme pensée pré-totalitaire. Là, je dois dire que je ne partage pas du tout ses objections...

vendredi 22 août 2008

Lucidité des dissidents chinois

Les jeux olympiques battent leur plein. Le DALAI LAMA dit à qui veut l'entendre que la répression continue au TIBET. Nous pensons que le peuple chinois, dans son entier, approuve ses dirigeants. Il est incontestable qu'il se développe un nationalisme malsain en ce moment en Chine. Mais il existe des esprits libres, des dissidents du politiquement correct. Je vous livre une pensée de l'un d'entre eux. Elle est déjà ancienne mais elle reste étonnamment actuelle :
La théorie socialiste marxiste-léniniste devrait [pourtant] se montrer plus hardie, plus brave, plus tolérante envers l'opposition que le capitalisme. Alors, la liberté d'expression accordée par la bourgeoisie, qui se traduit par la possibilité de prononcer, d'écrire, de publier des discours hostiles au capitalisme, est-elle un piège ? Et ce que le socialisme apporte au peuple, en fait de liberté d'expression, est-ce l'interdiction de déplaire aux dirigeants ? En d'autres termes, le socialisme autorise-t-il tout juste le peuple à l'encenser ? Les mots ne veulent vraiment plus rien dire !
Dans le livre pathétique dont j'ai extrait cette citation (qui devrait confondre tout esprit droit), il y a encore ceci qui a trait à la liberté et qui montre l'universalité de la pensée humaine, et la profonde réflexion de l'auteur :
La plupart des gens ont une conception physicienne de la liberté (l'absence de contrainte) et non philosophique (la CONNAISSANCE DE LA NÉCESSITÉ). Remarquable définition que n'auraient renié ni ARISTOTE, ni les grands philosophes arabes dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (YAHIA, MISKAYWAH), ni Thomas d'AQUIN.
In
LIU QING.
J'accuse devant le tribunal de la société. Traduit du chinois et présenté par le Collectif pour l'étude du mouvement démocratique en Chine. Préface de Jean PASQUALINI.
Éditions Robert Laffont, Paris, 1982.
Tout vautrés que nous sommes dans la consommation, dans la seule jouissance, dans l'immédiateté (et non dans le présent, qui supposerait que nous pensons au passé et au futur), nous avons perdu le sens de notre propre humanité. Il est bon de nous rappeler qu'à l'autre bout de la terre, des hommes ont donné leur vie, accepté la prison et les tortures, parce qu'ils avaient reconnu le caractères de Nécessité de la Liberté. Ne relâchons pas notre effort pour soutenir ces dissidents, héritiers des prestigieux penseurs chinois, l'honneur contemporain d'une civilisation merveilleuse, multimillénaire, celle d'un très grand peuple.

mercredi 20 août 2008

Des journaux qui parlent encore

Ma mère avait pris l'habitude de conserver dans cinq grands dossiers, des photos, des lettres, des documents envoyés par ses cinq enfants ou classés par elle de son propre chef. Elle avait poussé le souci du détail très loin. Dans le dossier qui m'intéresse, il y a deux journaux datés du jour de ma naissance : l'un est Paris-Soir, l'autre le Courrier du Centre. La lecture attentive du premier, daté du 31 juillet 1940, révèle, en page deux, en bas à gauche, l'existence d'un modeste entrefilet dont la lecture est bien révélatrice. Il est intitulé BERLIN-ROME-MOSCOU. Il dit ceci :
Dans les conversations qui viennent de se tenir à Berchtesgaden et à Rome, entre l'axe, d'une part, les Roumains et les Bulgares, d'autre part, il est curieux de constater que le nom de l'URSS n'a pas été une seule fois mentionné. Et certains de conclure à un antagonisme foncier entre Berlin et Moscou ou entre Rome et Moscou. C'est aller un peu vite. Le seul fait du rapprochement des Soviets et de la Hongrie, entre qui de prochaines négociations économiques vont s'engager prouve au contraire que l'axe semble agir en accord avec le Kremlin. Ou du moins sans désaccord.
Ainsi, fin Juillet 1940, il était de notoriété publique qu'il y avait entre les deux totalitarismes, le nazi et le communiste, un gentleman agreement pour le moins, un accord réel pour le plus. On a beau jeu, ensuite, de nous seriner que les communistes, français en particulier, ont été les ennemis jurés des nazis dès le début de la guerre. C'est un mensonge éhonté. Il y avait bel et bien un Pacte germano-soviétique qui laissait au Führer les mains libres pour agir en Europe, moyennant quelques concessions territoriales faites à l'URSS sur le dos de la malheureuse POLOGNE. Et l'URSS ne s'est pas privée pour utiliser ce pacte en établissant de fructueuses relations économiques avec la HONGRIE, un fidèle allié du Reich. Qu'après l'agression nazie de l'URSS, l'attitude des communistes vis-à-vis des nazis eût radicalement changé est une chose, qu'il y ait eu un réel accord avant cette attaque surprise, en est une autre non moins réelle. Comme quoi de petites causes, un dossier familial, peuvent révéler de bien grands effets : la VERITE.

mardi 19 août 2008

Les intellectuels modernes : une pensée pré-totalitaire

Je viens de trouver une citation d'Hannah ARENDT qui traduit d'une manière saisissante mon sentiment profond, un sentiment que je n'ai pas su expliquer clairement depuis que j'ai ouvert ce Blog, obscurité qui m'expose aux critiques les plus virulentes de ringardise ou d'intolérance, en raison même de l'impuissance dans laquelle je suis de formuler de manière concise ma pensée. Que dit-elle Hannah ARENDT ? Ceci, qui mérite d'être ruminé et que commente dans un article qui porte le titre même de ce billet, Anne-Marie ROVIELLO : Le sujet idéal du règne totalitaire n'est ni le nazi convaincu, ni le communiste convaincu, mais l'homme pour qui la distinction entre fait et fiction (i.e. la réalité de l'expérience) et la distinction entre vrai et faux (i.e. les normes de la pensée) n'existent plus.
Anne-Marie ROVIELLO démontre de manière éblouissante que ce sujet idéal est l'individu incapable de s'interroger sur la véracité et le sens des discours sur ce monde. Son texte est truffé de constatations éblouissantes. L'idéologie totalitaire, dit-elle, se caractérise par une attitude fondamentale de la pensée qui consiste en une indifférence foncière pour les idées qu'elle charrie, indissociable d'un mépris radical pour la réalité du monde dont elle prétend parler, en l'occurrence, pour l'existence concrète des hommes qui font ce monde.
ARENDT avait bien vu le côté totalitaire du romantisme allemand, et je comprends, grâce à elle, l'aversion viscérale que je porte à ce courant esthétique qui a envahi l'Europe au XIXe siècle. ROVIELLO développe ainsi : Chez ces premiers intellectuels modernes que sont les littérateurs romantiques, les mots d'esprit s'étant libérés de la tension vers le sens, s'affaissent en de simples trouvailles, et ces trouvailles sont d'autant plus réussies, c'est-à-dire surprenantes, qu'elles ont rompu toute attache avec la réalité. Les trouvailles finissent par être recherchées pour elles-mêmes, elles se ferment au sens qui ne représente plus qu'une entrave pour le libertinage de la pensée.
Il n'y a pas de réelle opposition entre la force contraignante du totalitarisme et le libertinage de la pensée romantique ; toutes deux participent d'une émancipation radicale de la pensée vis-à-vis des contraintes et limites qu'impose la visée du dire vrai et le faire sens. Ce qui compte, c'est la trouvaille, ce n'est pas son poids de sens ; l'indifférence à cette question du sens, le mépris du monde où se révèlent sens et non-sens (je glose le texte de ROVIELLO), voilà la tare essentielle de cette pensée moderne. L'idéologie totalitaire ne doit sa cohérence qu'à l'abandon total de tout ce qui peut l'entraver, c'est à dire la réalité complexe du monde.
Je vous recommande la lecture de cet article roboratif. Et je constate que tous mes billets ont été hantés par le souci de coller aux faits, d'accepter les limites et les entraves que m'imposent et la création et la loi, de chercher le sens (dont j'ai développé le statut dans un ancien billet). Il n'est pas encore trop tard pour revenir aux réalités, et combattre ce mal pernicieux qui nous fait lécher la main du pouvoir communiste chinois, au mépris des millions de paysans et ouvriers qu'il maintient dans une incommensurable misère, qui nous pousse à soutenir madame PIETRELLA au mépris de ses juges et de ses victimes, ou qui nous fait admettre dans nombre de domaines ce qu'une incessante quête du sens ne manquerait pas de nous désigner comme ignoble, inacceptable, ou répugnant.
Anne-Marie ROVIELLO.
Les intellectuels modernes, une pensée an-éthique et prétotalitaire.
In
Colloque Hannah ARENDT.
Politique et pensée.
Petite bibiothèque PAYOT, N°289.
Payot et Rivages, Paris, 2004.

lundi 18 août 2008

A mon frère

J'ai passé trois jours délicieux chez mon jeune frère. Il possède une jolie longère dans le Gâtinais et m'avait invité, ainsi que notre jeune soeur, pour le week-end. Mon frère est pour moi plus qu'un frère, c'est un ami, "qui me connaît mieux que moi-même et qui pourtant m'aime" (jolie définition de l'amitié dont l'auteur hélas m'est inconnu). C'est peu de dire que tout nous oppose. Et cette différence dans les idées, et les valeurs qui nous sont chères, fait aussi notre ciment. Un ciment bouillonnant, pétillant, corruscant. Un amour fraternel sans borne ni mesure.

Grande discussion, hier, sur l'obscurantisme de l'Église catholique qui, selon mon frère, a toujours été contre la science. Et de me lancer à la tête Galilée, et l'opposition de l'Église au Darwinisme, entre autre. Cette accusation me paraît être marquée par un vice originel du jugement historique. Avant d'y venir, je voudrais simplement rappeler ici les remarquables travaux du Père MERSENNE, et sa correspondance suivie avec Descartes, Pascal, Fermat, Toricelli. Il avait un cabinet de physique et fut le père de la physique quantitative (dit le dictionnaire ROBERT auquel je me réfère, faute de pouvoir trouver rapidement des sources plus complètes). Il étudia la doctrine de Galilée sur la "chute des graves", étudia le mouvement du pendule dont il établit l'équation, se servit de ce dernier pour déterminer l'intensité de la pesanteur, et fit de remarquables travaux d'accoustique. A peu près au même moment, le Père RICCIOLI, en Italie, établissait avec GRIMALDI, la carte de la Lune, et un peu plus tard, Athanasius KIRCHER établit une grammaire de la langue copte qui fait encore autorité, même si ses tentatives de déchiffrement des hiéroglyphes demeurèrent sans lendemain, car viciées dès le début par des présupposés erronés. Comment ne pas parler de Matteo RICCI et des Jésuites établis en Chine qui étudièrent l'un, la langue chinoise (l'Institut Matteo RICCI a publié il y a quelques années un dictionnaire chinois qui renferme 144.000 idéogrammes, une somme scientifique considérable !), les autres développèrent auprès de l'Empereur des connaissances astronomiques remarquables et créèrent à PÉKIN un observatoire. Plus près de nous, un jésuite, TEILHARD de CHARDIN fut d'abord un paléontologue de haute volée, avant de développer sa théorie sur la convergence de l'évolution, de la matière vers l'esprit et le point oméga. Il faudrait parler du Père WIEGER qui, en Chine, recueillit nombre de documents littéraires chinois qu'il publia au début du vingtième siècle (j'en possède une grande partie dans ma bibliothèque). Il faut rappeler que c'est le chanoine Georges LEMAIRE qui, le premier, deux ans avant HUBBLE, exposa la théorie du Big Bang. Il était professeur d'astrophysique et de physique à l'Université de LOUVAIN. Dire que l'Église s'est désintéressée de la science ou a été contre me paraît expéditif.
Cet exposé n'est pas exhaustif, on s'en doute. Il est destiné à montrer à mon frère que sa critique sur l'obscurantisme de l'Église et son refus de la science est sans doute un peu trop globale (même s'il est vrai que la théorie héliocentrique du chanoine COPERNIC fut dans un premier temps condamnée par le pape Paul VI comme contraire aux écritures, et qu'elle eût été reprise par GALILÉE avec la condamnation que l'on sait).
Il a fallu attendre la publication d'une encyclique remarquable (Divino afflante spiritu), par Pie XII, pendant seconde guerre mondiale (1943), pour comprendre la raison profonde ces condamnations qui ont bien existé et qui nous offusquent. Relative aux genres littéraires dans l'écriture sainte, cette encyclique libérait les exégètes du carcan de l'historicité de textes manifestement mythiques ou symboliques, comme celui de la Genèse. Elle venait en son temps et a fait faire à l'exégèse des progrès considérables.
Une comparaison fera comprendre combien il est dangereux de juger avec notre oeil moderne des situations historiquement situées. Tout le monde se souvient des travaux de PASTEUR. Il a fallu à ce grand savant une sagacité extraordinaire pour démonter l'inanité de la théorie de la génération spontanée, à laquelle pourtant des savants comme VAN HELMONT, Justus LIEBIG, ou BECHAMP avaient cru ou croyaient dur comme fer. On en rit aujourd'hui ! Mais on se battit à coup de cannes à l'Académie des Sciences sur cette question là ! Dira-t-on que LIEBIG, un immense chimiste, est un nul ? Dira-t-on que VAN HELMONT, qui attribuait à la fermentation des grains associés à une chemise salle, le tout comprimé dans un récipient, l'apparition des souris, lui qui découvrit le gaz carbonique, distingua les divers gaz constituant l'air, et prouva le rôle des sucs gastriques dans la digestion, oui, dira-t-on qu'il était un demeuré ? Quant à BECHAMP, qui fit de remarquables travaux sur le cycle de l'azote, était-il un obscurantiste ? Si l'on veut comprendre une époque, il me semble qu'il faut d'abord écouter ce que cette époque dit d'elle même. Ainsi il nous devient possible de comprendre des points de vue qui, selon nos critères actuels, sont enfantins, ridicules, insupportables ou absurdes.
On peut, pour terminer, signaler que l'Église catholique, en la personne de Jean-Paul II, a fait un remarquable retour sur elle-même, en déclarant infondée la condamnation de Galilée, et en faisant repentance pour son erreur de jugement. Plus au Ciel que toutes les institutions qui ont porté des condamnations erronées fassent une telle démarche ! On en est loin.

vendredi 15 août 2008

Esprit droit, esprit de système

Voici un exemple de fonctionnement d'un esprit faux, d'un esprit de système confronté à un esprit droit.
Le lundi 21 avril 1902, le Professeur Yves DELAGE expose les résultats de ses travaux sur le Linceul de TURIN à l'Académie des Sciences. C'est un agnostique déclaré, mais un vrai scientifique. Il décrit donc avec objectivité les observations qu'il a faites à partir des photographies prises par Secundo PIA, le 28 mai 1898. Il dit notamment : J'ajoute ceci à ce qui a été dit : pour que l'image se soit produite et qu'elle ne se soit pas effacée ensuite, il est nécessaire que le cadavre soit resté au moins 24 heures dans le drap mortuaire, temps nécessaire pour la formation de l'image, et au maximum quelques jours, après quoi survient la putréfaction qui détruit l'image et le drap mortuaire... en fait, c'est précisément ce que la tradition (plus ou moins apocryphe, je le sais) affirme au sujet de ce qui s'est passé pour le Christ, mort le vendredi et apparu le dimanche.
Il faut savoir que les académiciens ont le privilège de publier leurs communications dans les Comptes-rendus de l'Académie des Sciences. Mais là, c'en est trop pour Marcelin BERTHELOT, un des pères de la chimie organique moderne. Ce grand savant est un athée convaincu, un positiviste avéré, un anticlérical combatif. Il présidait la séance du jour. Il refuse donc le texte écrit que lui remet le Professeur DELAGE comme le veut le règlement de l'Académie ; le texte ne sera jamais publié. Et même plus, on ne trouve dans les archives aucune trace de l'intervention de l'académicien censuré. (Ces renseignements et ceux qui suivent sont donnés par Pierluigi BAIMA BOLLONE : 101 questions sur le Saint Suaire. Éditions saint Augustin, Saint-Maurice [CH], 2001).
Quelle tristesse de voir un grand esprit comme BERTHELOT s'abaisser à une telle manoeuvre. DELAGE parle de Jésus. Notre chimiste n'en veut rien savoir. Il est contre. Rien n'y fait. Et pourtant DELAGE parle d'un objet qui existe, l'examine sans préjugé, dit ce qu'il voit. D'un côté, un esprit droit, de l'autre un homme de système, un esprit tordu et faux. Aujourd'hui, BERTHELOT serait réduit a quia par les innombrables travaux prouvant l'absolue vérité scientifique de ce que DELAGE avait dit, et il ne pourrait, sauf à être déjugé par ses pairs, refuser de publier ce qui relève de la science.
Ces façons de procéder, hélas, sont monnaies courantes dans la science, comme dans les arts. Les puissants qui régissent ces domaines de l'activité humaine s'arrogent le droit de trier les contributions de leurs pairs en fonction de leurs croyances et non de la qualité intrinsèque des travaux qui leur sont soumis. Qu'il faille les examiner et les passer au feu de la critique est une évidence. Et il arrive très fréquemment que des articles soumis soient refusés pour publication. Mais dans les conditions que je viens de décrire pour l'article de DELAGE, c'est parfaitement inadmissible.
En revanche, Nature a publié les travaux de datation du Linceul de Turin coordonnés par le Professeur TITE, dans des conditions indignes de la réputation de cette revue, parce que les résultats allaient dans le sens d'une origine médiévale du linge. La significativité des résultats est inférieure à 5 % (95 % de chances pour que les échantillons examinés ne proviennent pas de la même source ou, à tout le moins, soient inhomogènes) ! Aucun résultat brut n'est donné ! La méthode statistique du traitement des données (méthode de WILSON et WARD) permet d'en lisser les incohérences, et il apparaît qu'une partie des calculs est fausse. L'usage d'une méthode statistique plus appropriée (Méthode de BIENAYME-TCHEBICHEV) aurait rendu compatible toute date comprise entre l'an 0 et 2000. S'il ne s'était pas agi du Linceul, jamais Nature n'aurait publié l'article, je puis vous l'assurer. Mais l'Université d'OXFORD a reçu de mécènes anonymes - ravis de voir leurs vues confortées par un travail réalisé dans des conditions plus que douteuses -, 1 million de livres sterling destinés à créer une chaire pour le Professeur TITE. Aujourd'hui, plus personne n'accorde de crédit à la datation du Linceul par le radiocarbone. Nature n'a publié aucun travail supplémentaire. Il est toujours impossible d'obtenir des laboratoires les mesures de base.
Nous avons là deux exemples de préjugés, de dysfonctionnement du jugement, d'esprits faux. Nous avons là l'illustration de la marche du monde (au sens où l'entend Paul de TARSE). A chacun d'en tirer les conclusions.

jeudi 14 août 2008

Le péché du monde

Dix jours de silence dans un cadre de verdure habillé de soleil ou pluie mais toujours peuplé d'oiseaux. Au milieu des mille occupations du service que j'assurais, j'ai pu lire un livre tout à fait remarquable de Dominique DAGUET (Le Linceul du Ressuscité. [Sarment,] Éditions du Jubilé, sans mention de lieu, 2004) qui ne se laisse pas résumer. C'est une sorte de méditation sur le Linceul de Turin, une méditation sur ce que révèle l'examen de ce linge, reconnu aujourd'hui par les scientifiques comme irreproductible. Au chapitre XII de cet ouvrage, un chapitre au titre très long qui se termine par cette exclamation : Et le péché n'est autre que l'épouvante !, l'auteur, page 309 et 310 décrit le péche des hommes du vingtième et du vingt-et-unième siècle : les camps de concentration, les innocentes victimes juives et tsiganes, les victimes des soviétiques et le Goulag, les persécutions et tortures de toutes sortes dont les opposants sont aujourd'hui encore les cibles en Chine, et le péché (je cite) des politiques avides d'exercer un pouvoir, fût-ce sur des cimetières ; [celui] des accapareurs des biens de ce monde et qui trouvent convenable, juste et naturel de posséder jusqu'à cent millions de fois plus que l'humble artisan. A ce point de son développement, Dominique DAGUET donne, dans la note 262, un texte de George KENNAN, chef du Service du Planning des Politiques du Département d'Etat. Je vous le livre avec effarement.
Notre pays, dit ce distingué monsieur, possède autour de 50 % des richesses du monde, mais seulement 6,3 % de sa population... Dans cette situation, nous ne pouvons pas éviter d'être l'objet d'envie et de ressentiment. Notre travail véritable [...] est de mettre en oeuvre un jeu de relations qui nous permettra de maintenir cette situation d'inégalité. Pour cela nous avons à laisser tomber toute sentimentalité et tout rêve éveillé. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d'être altruistes et de jouer aux bienfaiteurs mondiaux. Nous devons renoncer à aspirer à être aimés ou à être regardés comme le réceptacle d'un noble altruisme international. Le jour n'est pas loin où nous allons avoir à traiter en termes directs de pouvoir. Moins nous serons encombrés de slogans irréalistes, mieux cela vaudra pour nous.
Puis Dominique DAGUET fait suivre ce texte épouvantable d'une imprécation que BOSSUET lança contre les mauvais riches, dans son Panégyrique de Saint François d'Assise : Je dis donc, ô riches du siècle, que vous avez tort de traiter les pauvres avec un mépris si injurieux. Afin que vous le sachiez, si nous voulions monter à l'origine des choses, nous trouverions peut-être qu'ils n'auraient pas moins de droit que vous aux biens que vous possédez.
Il me semble que ces textes parlent d'eux-mêmes, qu'il n'y a pas lieu de les commenter plus avant, mais seulement d'affirmer avec force que le Salut n'est rien d'autre que la libération par Jésus de toutes ces chaînes dont nous sommes encombrés. Tout cela vaut mieux que le discours sur la responsabilité et la liberté opposé à la rengaine de la solidarité. Tant que nous ne prendrons pas conscience de la fraternité ontologique qui nous relie les uns aux autres, nous serons les spectateurs impuissants d'un théâtre politique qui marie le cynisme au ridicule, l'impuissance à l'orgueil, et l'injustice à la manipulation.

vendredi 1 août 2008

Relâche

Je m'absente jusqu'au 12 août et reprendrai mes billets le 13. A tous mes lecteurs, bonnes vacances.