samedi 28 mars 2020

Samedi 28 mars 2020. Traduction partielle de l'article de l'équipe de Didier Raoult.

Il se dit tant de choses sur les travaux de Didier Raoult et de son équipe qu’il m’a paru nécessaire de vous donner la traduction de l’article que contestent certains de ses collègues notamment le Pr LACOMBE. L’article est accepté et va paraître dans International Journal of antimicrobial agents. Je me suis étonné que le Dr Xavier LESCURE ait dit, dans l’émission « C’dans l’air » que ces travaux avaient été publié dans un journal mineur et que l’un de ses co-auteurs étaient membre du comité éditorial de la revue. Je me suis donc renseigné. L’éditeur en chef du journal est J.-M. ROLAIN, effectivement de Marseille et co-signataire de l’article, un deuxième membre du bureau éditorial est P. COLSON, lui aussi de Marseille et lui aussi co-signataire. Le facteur d’impact de ce journal est de 4,615, ce qui le classe dans la catégorie des bons journaux. L’International Advisory Board est constitué de chercheurs très réputés. J’en connais quelques-uns. Ces membres appartiennent à des nationalités très différentes. Et, pour ceux que je connais, ne sont pas des complaisants.

Je vais d’abord en traduire le titre :
Hydroxychloroquine et azithromycine comme traitement de la COVID-19 : résultats d'un essai clinique ouvert non randomisé.

Et donner la liste des auteurs
Philippe Gautret, Jean-Christophe Lagier, Philippe Parola, Van Thuan Hoang, Line Meddeb, Morgane Mailhe, Barbara Doudier, Johan Courjon, Valérie Giordanengo, Vera Esteves Vieira, Hervé Tissot Dupont, Stéphane Honoré, Philippe Colson, Eric Chabrière, Bernard La Scola, Jean-Marc Rolain, Philippe Brouqui, Didier Raoult.

Ces auteurs appartiennent à l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée-infection, à l’Université Thai Binh de médecine et de pharmacie de Tai Binh (Vietnam), à l’Université de Nice, et à une unité INSERM de Nice.

Je mettrai mes commentaires en italiques.
Je note tout d’abord que le titre indique que cet essai qualifié de clinique est bien indiqué comme un essai ouvert, non randomisé. Didier Raoult ne prétend pas avoir fait un essai clinique typique et dans les clous, comme on tend à nous le faire croire. Je commence par traduire le résumé, puis je donnerai l’essentiel des résultats.

Résumé.

"Des patients français ayant une Covid-19 confirmée ont été inclus dans un protocole à un seul bras, entre le début mars et le 16 mars, en vue de recevoir quotidiennement 600 mg d’hydroxychloroquine et leur charge virale dans des prélèvements nasopharyngés a été mesurée quotidiennement dans un établissement hospitalier. En fonction de la manière dont se présentait leur état clinique, de l’azithromycine a été ajoutée au traitement. Des patients non traités d’un autre centre, et des cas de patients refusant le protocole ont été inclus comme témoins négatifs. La présence ou l’absence de virus au jour 6 a été fixé comme point terminal de l’étude.

Six patients étaient asymptomatiques, 22 avaient des symptômes d’infection du tractus respiratoire supérieur et 8 du tractus respiratoire inférieur. (Il est donc faux de dire qu’il n’y a pas d’étude clinique comme du reste je vais le prouver)
20 cas ont été traités dans cette étude et ont présenté une diminution significative de portage viral au jour 6 qui a suivi leur inclusion dans l’étude en comparaison des témoins, ainsi qu’une diminution importante de la durée moyenne du portage (en anglais : « and much lower average carrying duration ») en comparaison de celle qui est rapportée dans la littérature. L’adjonction d’azithromycine à l'hydroxychloroquine s’est montré significativement plus efficace pour l’élimination du virus. En conclusion, en dépit de sa petite taille, notre étude préliminaire (dans le contexte, c’est ainsi que je traduis « survey ») montre que le traitement à l'hydroxychloroquine est significativement associé à une réduction ou une disparition de la charge virale et qu'il est renforcé par l'azithromycine.
(shows that hydroxychloroquine treatment is significantly associated with viral load reduction/disappearance in COVID-19 patients and its effect is reinforced by azithromycin.)
 

1. Données méthodologiques.

Il est nécessaire de donner ici, en les résumant, quelques données méthodologiques.

L’étude a été piloté par l’IHU de Marseille. Les patients qui ont reçu l’hydroxychloroquine ont été recrutés et pris en charge à Marseille. Les témoins non traités ont été recrutés à Marseille, Nice, Avignon et Briançon. Les critères d’inclusion dans l’étude étaient (a) l’âge, supérieur à 12 ans ; (b) le portage de SRAS-Cov-2 dans le prélèvement nasopharyngé, documenté par la technique de PCR (il s’agit d’une technique de biologie moléculaire), et ceci quel que soit l’état clinique.
Etaient exclus de l’étude les patients présentant une allergie à la chloroquine ou à l’hydroxychloroquine ou présentaient d’autres contre-indications au traitement par l’hydroxychloroquine, dont la rétinopathie, une déficience en G6PF et un allongement de QT (il s’agit d’une anomalie de l’electrocardiogramme) Les patientes allaitantes ou les femmes enceintes ont également été exclues, ces dernières sur la base de leur déclaration et, si nécessaire, du résultat de leur test de grossesse.
Le consentement informé et éclairé a été requis soit du patient lui-même (18 ans et plus) soit des représentant légaux pour les mineurs. Il a été indiqué à ces patients les risques et les bénéfices de l’essai. Le protocole de l’essai a été soumis à l’Agence Nationale de Sûreté des Médicaments (ANSM) et au comité d’éthique français pour révision et approbation, reçue respectivement les 5 et 6 mars 2020. L’essai a été enregistré au registre des essais cliniques de l’Union Européenne. (Par conséquent, l’essai a été jugé éthique et conforme aux directives de l’ANSM). L’étude a été conduite en suivant les instructions du Conseil international pour l’Harmonisation de l’usage de substances pharmaceutiques à destination humaine dans les bonnes pratiques cliniques, en suivant les instructions de la Déclaration d’Helsinki, ainsi que celles des procédures opératoires standard applicables dans ces cas.

L’état initial des patients a été examinés au moment de l’enrôlement et pris comme l’état de base (c’est-à-dire celui auquel on comparera les données collectées en fin d’essai), les données initiales ont été collectées et le traitement commencé au jour 0. Un suivi quotidien a été pratiqué ensuite pendant 14 jours. Chaque jour, les patients ont été soumis à un examen clinique standard et, quand la chose a été possible, un échantillon de sécrétions nasopharyngées a été prélevés. Toutes les données cliniques ont été collectée en utilisant un questionnaire standard. Tous les patients du Centre de Marseille se sont vu proposer un traitement de 200 mg de sulfate d’hydroxychloroquine, 3 fois par jour, pendant 10 jours. Dans cette phase préliminaire (les auteurs sont donc bien conscients qu’il s’agit d’un essai préliminaire et non d’un traitement miracle comme on essai de le leur faire dire dans la presse bien pensante), aucun enfant n’a été inclus dans le groupe traité, en raison des données de la littérature indiquant que les enfants ne développent en général que des symptômes bénins. Les patients qui ont refusé le traitement ou présentent des critères d’exclusion ont servi de témoins non traités à Marseille. Les patients des autres centres n’ont pas reçu d’hydroxychloroquine et ont servi de témoin. Un traitement symptomatique et des antibiotiques utilisés à titre de mesure de prévention contre les surinfections bactériennes a été appliqué par les investigateurs, fondé qu’il était par le jugement du clinicien. L’hydroxychloroquine a été fourni par la Pharmacie Nationale de France.

Les patients enrôlés dans l’essai ont été classés en trois groupes : patients asymptomatiques, patients atteints d’une infection du tractus respiratoire supérieur (abréviation : URTI pour "upper respiratory tract infection") quand ils présentent une rhinite, une pharyngite, ou une fièvre modérée et des myalgies (douleurs musculaires), patients atteints d’une infection du tractus respiratoire inférieur (abréviation LRTI pour "lower respiratory tract infection") quand ils présentent une pneumonie ou une bronchite. La présence du virus a été détectée par rtQPCR (une technique de biologie moléculaire qui permet de mesurer en temps réel la quantité de génome viral présent dans l’échantillon). La quantité d’hydroxychloroquine et de son métabolite dans le sérum des patients a été déterminé par chromatographie liquide à haute performance avec détection UV. (Point très important qui permet de savoir comment le médicament est présent dans l’organisme.) Pour quatre des patients enrôlés, 500 ml de liquide collecté de l’écouvillonnage nasopharyngé ont été (après élimination des bactéries contaminantes par des techniques éprouvées) ensemencés dans des plaques de culture à 96 puits, ensemencées dans 4 d’entre eux avec des cellules Vero E6 (4 puits et non pas 96, pour éviter de contaminer l’atmosphère de l’étuve où les plaques sont mises à incuber sans doute dans un incubateur à air-CO2) cultivées en milieu approprié. (Pour bien s’assurer que les éventuels virus iront infecter les cellules, les plaques sont centrifugées à 4 000 x g, soit 4 000 fois l’accélération de la pesanteur). Les plaques sont examinées quotidiennement pour voir si elles présentent un effet cytopathologique (c’est-à-dire une destruction, une lyse totale, ou l’apparition de ce qu’on appelle des inclusions intracellulaires). La présence de virus extracellulaire est vérifiée au microscope électronique puis contrôlée par rtQPCR. (Pour moi, il n’y a aucun doute que ces méthodes sont rigoureuses, et conformes à toutes les bonnes pratiques de laboratoire. Je pense que bien des détracteurs des travaux de cette équipe n’en font pas autant dans les leurs.)

Le point terminal primaire de l’étude consiste à mesurer la clairance virale (c’est-à-dire le degré d’élimination du virus dans les sécrétions nasopharyngées). Puis les points terminaux secondaires sont la mesure de la clairance virale tout le temps de la durée de l’étude, un suivi clinique (température corporelle, taux de respiration longueur du séjour à l’hôpital et mortalité éventuelle), et la survenue d’effets secondaires. Des études statistiques préliminaires, fondées sur des hypothèses vraisemblables de probabilité, à savoir une chance de 50 % attribuée à la chloroquine de diminuer au jour 7 la charge virale, montrent qu’un groupe de 24 patients traités et de 24 patients non traités suffit à valider ou à invalider l’hypothèse d’efficacité du traitement. (Les critiques qui portent sur le petit nombre de patients enrôlés se gardent bien d’évoquer cette hypothèse statistique parfaitement valide.)

2. Résultats (on peut en consulter les détails dans les données complémentaires, Table1)

36 des 42 patients enrôlés et correspondant aux critères d’inclusion avaient au moins 6 jours de suivi au moment de la présente analyse. Un total de 26 patients ont reçu de l’hydroxychloroquine et 16 ont servi de patients témoins. Six patients ont été perdu pour l’étude lors du suivi en raison de la cessation du traitement. Les raisons de cette cessation sont les suivantes : trois patients ont été transférés dans une unité de soins intensifs, dont un transféré au jour 2 après l’inclusion et qui était positif par rtQPCR au jour 1, un autre transféré au jour 3 après l’inclusion et qui était positif au jour 1 et 2 qui ont suivi l’inclusion, un autre transféré au jour 4 après l’inclusion, qui était positif au jour 1 et au jour 3. Un patient est mort au jour 3 après l’inclusion et était négatif au jour 2. Un patient a décidé de quitter l’hôpital 3 jours après l’inclusion et était négatif à la PCR, au jour 2. Enfin un patient a cessé le traitement au jour 3 après l’inclusion, en raison de nausées et était positif aux jours 1, 2 et 3. (Vous noterez qu’il y a deux éléments à retenir dans ces données : (a) l’honnêteté avec laquelle ces faits sont rapportés ; (b) le fait que l’application tardive du traitement comme l’indique le transfert en unité de soins intensifs n’est pas judicieuse)
Les résultats présentés ici sont sont donc ceux qui intéressent 36 patients (20 traités à l’hydroxychloroquine, et 16 témoins non traités). Tous les patients non traités ont pu être suivis comme il est indiqué dans la méthodologie.
Quinze patients étaient des hommes (moyenne d’âge 45,1 ans). Les patients asymptomatiques représentaient 16,7 % de la cohorte, les patients avec URTI, 61,1 % et les patients avec LRTI (les plus touchés donc) 22,2 %. Tous les patients présentant une LRTI présentaient une pneumonie vérifiée par scan pulmonaire. (Il est donc faux de dire qu’il n’y a pas eu d’observations cliniques.). Les patients traités à l’hydroxychloroquine étaient en moyenne plus âgés que les patients de la cohorte témoin (51,2 ans contre 37,3 ans). Il n’y avait aucune différence significative de répartition des sexes, d’état clinique, et de la durée des symptômes avant inclusion, entre les deux cohortes. Six des patients traités à l’hydroxychloroquine ont reçu aussi de l’azithromycine (500 mg le premier jour, puis 250 mg par jour les 4 jours suivants) pour prévenir la surinfection bactérienne, sous contrôle électrocardiographique. Le suivi clinique et la survenu des effets collatéraux seront publiés dans un autre article.
L’hydroxychloroquine exerce un effet significatif sur la charge virale. La proportion de patients à PCR négatives dans les échantillons nasopharyngés diffère significativement entre les patients traités et les patients témoins, au jour 3, 4, 5 et 6 qui suit l’inclusion. Au jour 6, 70 % des patients traités à l’hydroxychloroquine étaient virologiquement guéris contre 12,5 % des patients non traités (la probabilité d’erreur dans l’expression de cette différence est inférieure à 0,001 %).

Voilà ce que je voulais dire. J’ai de l’estime pour le Dr LESCURE qui a cependant prétendu que cette publication était de complaisance, et qu’elle avait paru dans un journal mineur. J’ai tout de même été chercher où lui il avait publié : il l’a surtout fait dans un journal français, de bonne qualité certes, mais tout de même de moindre impact, Médecine et maladie infectieuse et il n'a pas des dizaines de publications. Quant au Pr LACOMBE, elle a publié en auteur sénior ou en premier auteur une dizaine d’articles dans de très bons journaux et des quantités dans des articles collectifs. C’est une spécialiste des virus des hépatites, notamment du virus de l’hépatite C, et elle s’intéresse de très près à des molécules antivirales conçues par l’industrie pharmaceutique, notamment Gilead. Le remdesivir par exemple.

Aucun commentaire: