jeudi 14 août 2008

Le péché du monde

Dix jours de silence dans un cadre de verdure habillé de soleil ou pluie mais toujours peuplé d'oiseaux. Au milieu des mille occupations du service que j'assurais, j'ai pu lire un livre tout à fait remarquable de Dominique DAGUET (Le Linceul du Ressuscité. [Sarment,] Éditions du Jubilé, sans mention de lieu, 2004) qui ne se laisse pas résumer. C'est une sorte de méditation sur le Linceul de Turin, une méditation sur ce que révèle l'examen de ce linge, reconnu aujourd'hui par les scientifiques comme irreproductible. Au chapitre XII de cet ouvrage, un chapitre au titre très long qui se termine par cette exclamation : Et le péché n'est autre que l'épouvante !, l'auteur, page 309 et 310 décrit le péche des hommes du vingtième et du vingt-et-unième siècle : les camps de concentration, les innocentes victimes juives et tsiganes, les victimes des soviétiques et le Goulag, les persécutions et tortures de toutes sortes dont les opposants sont aujourd'hui encore les cibles en Chine, et le péché (je cite) des politiques avides d'exercer un pouvoir, fût-ce sur des cimetières ; [celui] des accapareurs des biens de ce monde et qui trouvent convenable, juste et naturel de posséder jusqu'à cent millions de fois plus que l'humble artisan. A ce point de son développement, Dominique DAGUET donne, dans la note 262, un texte de George KENNAN, chef du Service du Planning des Politiques du Département d'Etat. Je vous le livre avec effarement.
Notre pays, dit ce distingué monsieur, possède autour de 50 % des richesses du monde, mais seulement 6,3 % de sa population... Dans cette situation, nous ne pouvons pas éviter d'être l'objet d'envie et de ressentiment. Notre travail véritable [...] est de mettre en oeuvre un jeu de relations qui nous permettra de maintenir cette situation d'inégalité. Pour cela nous avons à laisser tomber toute sentimentalité et tout rêve éveillé. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d'être altruistes et de jouer aux bienfaiteurs mondiaux. Nous devons renoncer à aspirer à être aimés ou à être regardés comme le réceptacle d'un noble altruisme international. Le jour n'est pas loin où nous allons avoir à traiter en termes directs de pouvoir. Moins nous serons encombrés de slogans irréalistes, mieux cela vaudra pour nous.
Puis Dominique DAGUET fait suivre ce texte épouvantable d'une imprécation que BOSSUET lança contre les mauvais riches, dans son Panégyrique de Saint François d'Assise : Je dis donc, ô riches du siècle, que vous avez tort de traiter les pauvres avec un mépris si injurieux. Afin que vous le sachiez, si nous voulions monter à l'origine des choses, nous trouverions peut-être qu'ils n'auraient pas moins de droit que vous aux biens que vous possédez.
Il me semble que ces textes parlent d'eux-mêmes, qu'il n'y a pas lieu de les commenter plus avant, mais seulement d'affirmer avec force que le Salut n'est rien d'autre que la libération par Jésus de toutes ces chaînes dont nous sommes encombrés. Tout cela vaut mieux que le discours sur la responsabilité et la liberté opposé à la rengaine de la solidarité. Tant que nous ne prendrons pas conscience de la fraternité ontologique qui nous relie les uns aux autres, nous serons les spectateurs impuissants d'un théâtre politique qui marie le cynisme au ridicule, l'impuissance à l'orgueil, et l'injustice à la manipulation.

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