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Le premier devoir d'un État est d'assurer aux citoyens la sécurité de leur personne et de leurs biens. A cette fin, il dispose de plusieurs moyens, et notamment : (a) la loi (qu'il ne faut pas confondre avec la réglementation, laquelle est souvent tatillonne et tyrannique) ; (b) la police ; (c) la justice. Comme la si bien dit René GIRARD, le rôle de la loi est d'empêcher le déferlement de la violence dans les communautés humaines.
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Nous sommes en train de nous faire piéger par les mots, et l'un des plus mensongers est celui de "sécuritaire". Il fait se dresser les cheveux sur la tête de nombre des bien pensants et des politiquement corrects. Et pourtant, ainsi que je viens de le dire, nous vivons dans un univers encadré par des dispositifs qui n'ont d'autres buts que d'assurer cette sécurité : les feux rouges, les barrière de sécurité, les mesures destinés à lutter contre l'alcoolisme ou le tabagisme, les réglementations (voir mon premier paragraphe) qui hélas s'appuient trop souvent sur le principe dit de précaution, la vidéosurveillance.
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Il apparaît à "l'opinion publique" (pour dire vrai, aux médias) que les mesures de sécurité, rangées dans la catégorie de la politique "sécuritaire", sont liberticides. Toutes ces belles âmes, bien entendu, n'ont jamais mis les pieds à La Courneuve, vers 21 heures. Il se trouve que je compte dans les personnes pour qui je nourris une grande affection un homme qui est né et a vécu à La Courneuve, a braqué une banque, a trafiqué de la drogue, a fait de la prison, et, prenant la mesure de ses erreurs, a fait retour sur lui-même. Il m'a donné son témoignage. Ce que racontent les journaux écrits, radiodiffusés ou télévisées sont bien en deçà de la vérité, me dit-il : violences, viols, vols, défonces, dégradations dus à quelques bandes, sont le lot quotidien des habitants de ces quartiers qui n'en peuvent plus. Les pouvoirs publics le savent. Ils sont impuissants, faute de prendre les moyens qui ne pourraient être que musclés.
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Cela, c'est la réalité. Je maintiens que le devoir de l'État est d'assurer aux citoyens paisibles la sécurité. C'est là un de leurs biens naturels inaliénables. Et plutôt que de pérorer en tailleur Chanel à la Fête de la Rose, ou de tracer des plans sur la comète en dînant chez Edgar et en pleurant sur les idéaux trahis de la République, monsieur de VILLEPIN, madame ROYAL, madame AUBRY, feraient bien de se renseigner sur le tas. J'y ajoute monsieur HORTEFEUX qui pourrait prendre une mesure plus juste de la détresse de ces quartiers abandonnés, en s'y rendant plus souvent et sans grand apparat.
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Il y a un abîme d'abîme entre ce que disent les journaux et ce que pense le peuple. Et il y aura des retours de bâtons que nous ne pouvons même pas envisager, tant le décalage est grand entre les grandes envolées lyriques des ténors politiques et la réalité quotidienne de tant de Français. Que la politique s'inspire de nobles idéaux, je trouve que c'est juste ; qu'elle les transforme en idéologie, c'est dramatique. Elle doit aussi s'intéresser au réel. La vérité pratique, celle qui doit inspirer les décisions des responsables est sans aucun tendue entre le souhaitable sur le plan des principes et le possible sur le plan de l'action.
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Disqualifier toutes les mesures de sécurité, qu'elles soient préventives ou répressives, en les assimilant à "une politique sécuritaire" est une imposture. Mais notre siècle a l'habitude de trahir les mots : un pauvre est appelé un "économiquement faible", un sourd, un "malendant", un aveugle "un malvoyant", un paralysé ou un handicapé physique, "une personne à mobilité réduite", et j'en passe.
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Alors je vais, pour terminer, vous citer CONFUCIUS, mon cher CONFUCIUS : "Si les mots ne sont pas corrects, les discours ne sont pas conformes à la réalité. Si les discours ne sont pas conformes à la réalité, les affaires ne peuvent pas être menées à bien. Si les affaires ne peuvent être menées à bien, les rites et la musique [note du transcripteur : comprenons ici : les formes de politesse et les sains loisirs] ne se peuvent épanouir. Si les rites et la musique ne se peuvent épanouir, [et, selon moi, voilà la pointe de la citation], les peines et les châtiments ne connaissent pas le milieu juste. Alors le peuple ne sait plus quoi faire. L'homme de qualité doit pouvoir énoncer clairement ce qu'il conçoit, et agir en accord avec ses paroles." (Entretiens [Lunyu en chinois], XIII, 3]. C'est ce qu'il appelle la "rectification des noms".
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A bon entendeur, salut !