jeudi 19 août 2010

Science et religion enfin réconciliée

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Je viens de recevoir un extrait du très intéressant mensuel dirigé par Frédéric LENOIR, Le Monde des Religions. Il s'agit d'un exemplaire destiné à promouvoir les abonnements à la revue. En page 14, figure un article intitulé Une révolution philosophique qui rend compte d'un débat entre André COMTE-SPONVILLE et Jean STAUNE. On ne présente pas le premier des deux, assez bien connu en France. Jean STAUNE est chargé de cours à l'École polytechnique fédérale de LAUSANNE. L'un et l'autre, dans ce dialogue sans concession, font preuve de courtoisie et d'une grande solidité d'argumentation (surtout le second d'ailleurs), laquelle, pour le premier n'est pas toujours entièrement philosophique.
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Pour Jean STAUNE, les progrès fulgurants des sciences de la vie, des sciences de la matière, des sciences de l'univers et des sciences cognitives, introduisent une véritable révolution copernicienne dans les rapports entre la science et la religion. Il en tire trois conclusions : (a) il est clair que le monde n'est pas ontologiquement suffisant, qu'il ne s'explique pas entièrement par lui-même ; (b) la question de la finalité retrouve un sens dans les sciences fondamentales, et non plus seulement en métaphysique (cette conclusion est tirée de la découverte des réglages très fins qui régissent le cours de l'univers) ; (c) on sait aujourd'hui très bien pourquoi on ne saura jamais certaines choses (nous ne connaîtrons jamais la position et la vitesse d'une particule physique au même moment ; ce sera soit l'une soit l'autre, jamais les deux à la fois : c'est une impossibilité). Personnellement, j'ajouterai une autre considération : le comportements des particules atomiques et subatomiques est parfaitement aléatoire, et les phénomènes que nous observons dans la nature ne sont jamais que dans l'état de leur plus haute probabilité. Je m'explique. Nous chauffons de l'eau et nous observons qu'elle bout à 100° C. Nous pouvons recommencer des milliards de fois l'opération et nous observerons le même comportement apparent. Mais il est théoriquement possible que l'eau se mette à geler quand on la chauffe. Il suffit pour cela qu'elle prenne un état hautement improbable, par exemple que tous les atomes qui la composent et avec eux les particules subatomiques cessent de se mouvoir tous en même temps. Cela nous paraît impossible parce que très hautement improbable, mais la probabilité n'est pas nulle. Si tel est le cas, alors certains miracles s'expliquent et ils sont signes. Ils réalisent seulement un état très hautement improbable de la matière dans lequel on peut voir l'intervention divine sans violation des lois de la nature. Ce point de vue est connu mais assez peu expliqué.
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André COMTE-SPONVILLE constate avec beaucoup de probité que le scientisme est mort. Il admet que la science ne peut tout expliquer et qu'elle ne peut tenir lieu de métaphysique. Il n'en résulte pas, cependant, que le mouvements des sciences aille vers la religion. Il observe (argument très faible) que le nombre de scientifiques croyants diminue à la même vitesse que celui des croyants en général. Mais ce n'est pas argument philosophique. Ces savants peuvent se tromper, et il en est, au contraire, surtout chez les physiciens, qui découvrent la justesse des questions religieuses et retournent à la foi. COMTE-SPONVILLE, du reste, indique que nombre de savants ont trop conscience des limites de la science pour en faire un absolu, et que celle-ci ne peut être invoquée ni en faveur de l'existence de Dieu, ni en sa défaveur ; elles ne se prononcent pas sur la question de Dieu. Pour moi, ce n'est pas argument philosophique ; c'est un constat qui ne répond pas à la question évoquée par STAUNE : la science ouvre-t-elle de nouveau, par ses découvertes, la question de Dieu ? COMTE-SPONVILLE remarque aussi que, depuis LEIBNIZ, on sait que le monde n'est pas ontologiquement suffisant. Il demeure impossible de répondre à la question : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" L'être est un mystère, on ne peut pas expliquer l'être, puisque toute explication le suppose. Là encore, je trouve la réponse assez faible. COMTE-SPONVILLE accepte l'idée de l'être, il en a l'intuition. Alors pourquoi ne pas aller plus loin, comme l'ont fait les philosophes spéculatifs du Moyen-Âge ? Certains, dit-il, donne le nom de Dieu à ce mystère. Lui préfère ne pas le nommer. J'aime cette position ouverte. Je ne discuterai pas ses arguments sur le sens téléologique (le monde a une fin et cette fin a un sens et un nom) ou téléonomique (le monde a bien une fin, mais n'est fin n'est que direction ; elle est dépourvue de signification ; entendons qu'à la découvrir, nous ne pouvons trouver de réponse aux questions que nous nous posons sur le sens [direction et signification] de la vie). La science, par conséquent, est incapable de répondre à la question du sens, même - et je trouve cette conclusion très honnête -si elle la laisse ouverte. Elle démolit définitivement l'arrogante prétention du scientisme, et si elle risque de conduire au scepticisme, elle peut aussi, plus positivement, conduire au bord de la foi. C'est à ce point que, selon moi, il nous faut interroger l'histoire. Notre philosophe conclut un peu abruptement : "Vous avez le droit de croire en Dieu, mais pas d'enrôler les sciences dans votre chapelle..." Je ne crois pas que STAUNE ait voulu dire cela. Et il me semble que croire à l'existence de Dieu, comme affirmer son inexistence relève de la croyance. Mais il est plus difficile de prouver une inexistence qu'une existence !
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En tout cas, voilà deux très beaux esprits qui nous permettent de réfléchir, et de poursuivre notre quête. Merci à eux.
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