mercredi 18 août 2010

Dommage qu'on ne l'ait pas écouté

-
Je relis rapidement quelques discours de JAURES à la Chambre des Députés. J'ai déjà dit combien je trouvais l'homme intègre, quand bien même, à l'étudier de plus près, il me paraît être tout entier la proie de l'idéologie. Il y a en lui un mélange d'internationalisme prolétarien et de patriotisme populaire dont on se demande comment ils peuvent cohabiter. Mais ils l'on fait.
-
Or donc, le 2 décembre 1888, on peut lire dans le Journal Officiel la totalité d'un discours du tribun, prononcé à l'occasion d'un débat sur l'école communale. Il y expose sa doctrine sur ce que doit être cette école. Après avoir constaté que l'école ne continue pas la vie de famille mais qu'elle prépare et inaugure la vie des sociétés, ce qui est une évidence que bien des pédagogues devraient se remettre en mémoire, JAURES poursuit :
-
"Est-ce à dire que les familles, qui sont, après tout, cette partie de la société qui a l'intérêt le plus direct dans l'éducation des enfants, ne doivent pas être entendues ? Est-ce à dire qu'il n'est pas utile, même au point de vue social, de tourner au profit de tous leur sollicitude passionnée pour quelques uns ? Oui, à condition que dans ce métier d'éducateur, où la tendresse ne suffit pas, elles fassent leur apprentissage et leurs preuves. Or, à l'avenir les programmes seront discutés bien loin des familles, tout contrôle leur échappera, et même jusqu'à la pensée d'en exercer un. Le peuple sera obligé de subir passivement pour ses fils un enseignement qu'il n'aura pas préparé, comme la bourgeoisie a subi depuis un siècle un enseignement qui avait été réglé sans elle. Laissez, au contraire, à quelques municipalités la gestion de quelques écoles indépendantes, et les municipalités mettront tous les jours les familles en face des problèmes d'éducation."
-
Et, un peuplus tard, ceci : "Je développe simplement cette pensée, que le jour où les programmes seraient contrôlés par l'expérience même des enfants du peuple, que le jour où les travailleurs pourraient dire ce qui les a le plus soutenus dans les combats de la vie, ce jour-là, nous aurions des programmes mieux adaptés aux exigences, aux nécessités de la vie quotidienne."
-
Moyennant quoi, les programmes scolaires continuent d'être concoctés par des Trissotin de la pédagogie dans les bureaux du Ministère (ah ! le "référentiel bondissant" qui désigne le ballon dans les sports collectifs décrits par les circulaires techniques !) ; on oblige des jeunes gens et des jeunes filles à aller à l'école jusqu'à 16 ans, alors qu'ils réclament tout autre chose pour leur vie mais savent à peine lire, ce qui est désastreux, et que les familles se tournent de plus en plus vers l'enseignement privé, plus libre dans ses méthodes, et mieux disposé à écouter les parents. JAURES retirera l'amendement qui tendait à laisser beaucoup d'indépendance et de liberté pédagogique aux Ecoles communales, et il aura ces mots tristes : "C'est avec confiance que je remets [au Ministre de l'Instruction publique] le soin de corriger l'excès de la centralisation scolaire."
-
Une chanson, une jolie chanson, dit dans son refrain : "Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?". J'aurais envie d'ajouter : "Pourquoi ne l'ont-ils pas écouté ?".

1 commentaire:

Geneviève CRIDLIG a dit…

Un exemple parmi des centaines : je viens d’apprendre que, comme il est prévu de changer tous les programmes d’Histoire , ce sont les jeunots de 6ème qui commencent à trinquer : les voilà affrontés à l’apprentissage de la liste des empereurs et des dynasties chinoises...
Certes c’est intéressant mais quand on sait leurs difficultés - qui ne cessent d’empirer- à assimiler le vocabulaire de leur langue maternelle et à s’exprimer correctement en français, j’imagine leur souffrance devant des mots aux sonorités aussi compliquées et souvent d’une graphie presque semblable ...
Quand on sait que, pour la majorité d’entre eux, placer les rois de France sur un axe chronologique relève d’une performance qui leur échappe. Et que cela leur est souvent au fond complètement égal.
Alors pensez, ces souverains aux noms imprononçables, je vois déjà leurs mimiques et le bazar que cela va engendrer.

Dire que les mêmes pédagogues se délectent de grandes théories sur la motivation, l’importance de placer les élèves au départ dans une situation de réussite et non d’un échec couru d’avance : c’est franchement réussi !

Mais sans doute va-ton me taxer de manque d’ouverture au monde d’aujourd’hui etc.etc.+ me reprocher d'ignorer que la civilisation du " Pays du Milieu" a devancé toutes les autres pendant des siècles dans de nombreux domaines.

Est-ce déjà l’un des premiers indices de la future emprise de l’Empire du Milieu qui, à mon avis, ne stagnera pas longtemps à la deuxième place du point de vue économique ? Dans 20 ans, l’histoire de la Chine s’étudiera à tous les niveaux avec tous les bagages d’accompagnement.

Pauvre Hugues Capet, pauvre Henri IV et autres grands, ils ne seront pas de taille à lutter : sûr ! ils vont passer aux oubliettes
– avec bien d’autres choses.