Il s'en est fallu de peu pour que l'Iran ne renie l'islam pour une religion nouvelle, le bâbysme. L'histoire de ce mouvement, persécuté et finalement anéanti par le régime des mollahs (qui faisaient déjà la loi), est remarquablement racontée par Arthur de GOBINEAU, dans son essai sur Les religions et les philosophies dans l'Asie centrale. La chose vaut la peine d'être résumée, car elle préfigure la résistance que certaines femmes iraniennes opposent au tyrannique régime qui terrorise de si nombreux iraniens.
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Donc, vers 1843, il y avait à CHIRAZ une jeune homme de 19 ans environ, MIRZA-ALY-MOHAMMED, qui deviendra plus tard le Bâb. Très doué, très pieux, "il se [jette] avec passion dans la poursuite et l'examen des nouveautés. Tout porte à croire que son esprit était dès le début ouvert et hardi. Il lut certainement les évangiles dans les traductions des missionnaires protestants, il conféra souvent avec les juifs de CHIRAZ, rechercha la connaissance des doctrines guèbres, et s'occupa avec une prédilection marquée de ces livres singuliers, un peu suspects, fort honorés, redoutés même, qui traitent des sciences occultes et de la théorie philosophique des nombres" dit GOBINEAU de celui qui va fonder une nouvelle religion. Son succès est foudroyant. Il entraîne dans son sillage, au Sud, au Nord, à l'Ouest de la Perse, d'innombrables fidèles, des mollahs notamment. Il combat singulièrement l'Islam, et dans nombre de villes, des religieux chiites se convertissent au Bâbysme car MIRZA-ALY-MOHAMMED affirme qu'il est le Bâb, la Porte "par laquelle seule on pouvait parvenir à la connaissance de Dieu". Les mollahs, on le conçoit aisément, ne furent point trop heureux du succès que rencontrait le jeune homme.
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Parmi ses fidèles, il y eut une femme ardente, ZERRYN-TADJ ("la Couronne d'Or"), surnommée GOURRET-OUL-AIN ("la Consolation des Yeux"). D'une intelligence hors pair, d'un courage qui force encore aujourd'hui notre admiration, la jeune femme embrasse la cause du Bâb. Bâbystes comme Musulmans s'accordaient sur la beauté de cette prophétesse. Elle professa en public la foi du Bâb, avec qui elle était entré en correspondance. "Elle s'éleva en public contre la polygamie, contre le port du voile, et se montra à visage découvert sur les places publiques, au grand scandale des siens et de tous les musulmans sincères, mais aux applaudissements des personnes déjà nombreuses qui partageaient son enthousiasme et dont ses prédications publiques augmentèrent beaucoup le cercle" ajoute GOBINEAU.
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Le papa de la jeune femme, HADJY MOULLA SALEH, était un jurisconsulte musulman réputé. Il appartenait à une famille sacerdotale. On imagine sa stupéfaction. Sans compter celle du mari de notre jeune femme, lui aussi homme très instruit. Rien n'y fit. La Consolation des yeux poursuivit son apostolat. Le Bâbysme finit par être écrasé dans le sang.
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Si je vous raconte l'histoire de cette femme dont personne ne mettait en cause la vertu du temps de GOBINEAU, musulmans inclus, c'est pour vous indiquer que la femme iranienne est fière, libre, et courageuse, et que la Consolation des Yeux a engendré par son seul exemple des milliers de soeurs qui agissent dans l'ombre ou à visage découvert pour libérer les iraniens, les femmes en particulier - on l'a vu récemment avec la condamnation à mort par lapidation d'une femme réputée adultère - et que le flambeau depuis ne s'est jamais éteint. Allez, faites connaître cette histoire pour redonner du courage à nos amis iraniens qui ploient la nuque sous un régime obscurantiste, tyrannique et sanglant. L'Iran est un très grand pays, un pays aimable, un pays frère.
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