La légende raconte que le Sage CONFUCIUS fut dépéché par le souverain du Pays de LU auprès de LAO ZI (LAO TSEU) ("Le Vieillard") pour lui soutirer les secrets de la puissance que son savoir aurait conféré aux rois de la dynastie ZHOU lorsqu'il en était Grand Annaliste et Gardien des Archives, avant de se retirer dans la solitude sauvage d'une austère campagne . CONFUCIUS se mit donc en route, parvint chez le Solitaire et après les politesses et les rites alors en usage, demanda à LAO ZI de lui résumer sa doctrine. Celui-ci lui répondit alors :
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"Je vais vous en donner quatre qui sont universellement suivies. La première ordonne de tout se laisser prendre, et les hommes se laissent prendre : c'est la doctrine enseignée par les seigneurs. La deuxième ordonne de se laisser importuner, et tous les hommes se laissent importuner : c'est la doctrine enseignée par la famille. La troisième ordonne de s'entre-accuser et de se disputer, et tous les hommes s'entre-accusent : c'est la doctrine de la fraternité. La quatrième ordonne de peiner sans profit pour transmettre une vaine instruction, et l'on se transmet l'instruction : c'est la doctrine des lettrés. On ne peut ni échapper à celles-là, ni en trouver d'autres." (Cité par G. SOULIE de MORANT. Vie de Confucius, page 44.)
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Voilà qui est bien pessimiste, mais résume assez bien ce que nous croyons percevoir de la vie en société, et ce sur quoi nous fondons la vision que nous en avons. C'est une sorte de description nue des maux qui rongent l'humanité, et tout spécialement les sociétés développées. Mais elle se borne à constater, sans analyser, ni proposer des voies qui permettraient de donner aux élites ("seigneurs et lettrés"), aux familles, et aux hommes ("fraternité") la place qui leur est due. C'est pour avoir pris tout l'espace politique et social que ces différentes doctrines ont échoué à parvenir à leurs fins affichées : le bonheur pour tous (fraternité) ou pour quelques uns (seigneurs, lettrés, familles). CONFUCIUS a bien compris que ces différentes doctrines ne devaient pas s'exclure l'une l'autre, et il a élaboré une doctrine synthétique qui définit les droits et devoirs du souverain, de l'homme de bien (junzi), des membres de la famille, des amis, des époux. Jamais, selon moi, on n'avait été aussi loin dans la compréhension du fait social, de la politique, et de la hiérarchie des fonctions sociales. Je note au passage l'accablement terrible que LAO ZI fait de la doctrine de la fraternité... Reportez-vous aux discours de ceux de nos contemporains qui s'en réclament et ne cessent de décrier, de montrer du doigt d'accuser, qui les riches, qui les syndicalistes, qui les hommes politiques, qui les médecins, les industriels. J'avoue que je tombe trop souvent dans ce travers. Il faut que je révise mes points de vue.
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J'attends avec impatience les commentaires de ROUGEMER. Il viendra éclairer ce maigre commentaire.
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