lundi 16 juillet 2012

Visionnaire

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Peu avant les événements de Mai 1968, un jeune écrivain répondant au nom de Jean-François REY, un visionnaire, décrivait en ces termes la société dans laquelle nous sommes en train d'achever d'étouffer (merci à mon cher Gustave THIBON, chez qui, encore une fois, j'ai trouvé ce diamant).
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"Quel carnaval, mes frères ! En moins de vingt ans, les idoles se sont effondrées une à une et généralement dans le sang. La puissance des ténèbres s'est installée, et si nous survivons, c'est bien par la force de l'habitude et la vitesse acquise. Il y encore des naïfs qui viennent nous parler de morale. Il faut être juste, ils sont de moins en moins nombreux, le public se fait rare. Il y a des mots que l'on a de la peine à prononcer sans rire - ou sans pleurer. Après vingt ans de désastre sanglant, il fallait nous distraire un peu des coups de pied au cul, des cadavres suppliciés, des atomes suspendus au-dessus de nos têtes. Alors, on a inventé les biens de consommation, les gadgets, les amuse-gueule, les drug-stores et les palladium, le jerk et les autoroutes, les filles à poil - à épingler, pas à toucher -, la télévision et le tiercé, l'optimisme à tout-va et la politique des revenus, la révolution immobile et les vacances presque à l'oeil, les croisières au pays des Baloubas, le whisky au petit-déjeuner, le LSD, l'érotisme sous cellophane, le streap-tease métaphysique, le curé en blue-jean, la bonne soeur en minijupe, le nouveau roman, le cinéma vérité, le transistor dans le soutien-gorge, le tigre dans la braguette, la civilisation atlantique, le style yé-yé, les casernes de Sarcelles, les maisons-clé-en-main, l'histoire en pilules, les conciles inconciliables, l'éducation sexuelle et les référendums. Une gigantesque mayonnaise, un puzzle indéchiffrable pour une intelligence moyenne, une mise en condition sans défaut, bref une aliénation probablement irréversible. Jusqu'au massacre final. Des foules idiotes roulent pare-chocs contre pare-chocs, sans savoir où elles vont, mais elles y vont, trimbalant leur fatigue et leurs complexes, en giflant de temps en temps leur progéniture abrutie. Allant du Nord au Sud et du Sud au Nord à la poursuite de quelque chose de vague, d'un très lointain souvenir, d'une très ancienne sensation, la sensation qu'autrefois, elles devaient avoir une conscience... La boucle est bouclée.
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Voilà de quoi, (depuis l'inénarrable Valéry GISCARD d'ESTAING qui pour se faire élire a su flatter ce que dénonce REY, suivi par un homme plus préoccupé de son nombril et du nom qu'il laisserait dans l'histoire que d'élever la condition de ses compatriotes au-dessus de la médiocrité des désirs et des appétits, suivi encore d'un Président que l'on a honni, dénigré, vilipendé mais qui -maladroitement sans doute - a cherché à rendre les Français responsables de leur vie, jusqu'à François HOLLANDE enfin, empêtré dans ses mensonges, ses intenables promesses et ses contradictions) est faite la politique. De cette société-là, de ces responsables politiques-là, de ces médias-là, de ces marchands-là, nombre de Français ne veulent plus. Ils ne savent pas très bien formuler ce qu'au fond d'eux-mêmes ils cherchent, et aucun de ceux qui causent dans les étranges lucarnes, dans les baveux payants ou gratuits, dans les spectacles complaisants, ne cherche à les aider : ils ont besoin de l'aliénation de leur clientèle pour assurer leur pitance, et ils le font avec une âpreté et une inconscience qui frise la folie suicidaire.
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Nombre de mes lecteurs et moi-même pensons que ces armes du pouvoir n'ont aucun impact profond sur leur semblable, en tout cas aucun autre impact que celui de les enfoncer dans leur solitude et dans leur aliénation. Il est possible de changer - petitement certes- ce qui relève de notre volonté, de notre sensibilité, de notre intelligence, dans l'ici et maintenant. Il suffit de le désirer et d'agir. La sortie du bourbier se fera par le haut, et non par le bas !
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1 commentaire:

Adèle a dit…

Belle suggestion que celle faite dans votre billet d'hier. Premier sujet de réflexion: voir le très beau texte (dont la source est évidente et donc incontestable)
http://www.bernarddebre.fr/actualites/extraits_de__de_l___thique_ou_du_choix_de_l_homme_