mercredi 6 février 2013

Progrès n'est pas rupture

-
Je poursuis avec ce billet la réflexion entamée hier sur la pensée prétotalitaire dont j'affirme qu'elle est très exactement celle de nos actuels gouvernants. Déjà depuis quelque temps, je vous parle de Michel de CERTEAU que j'ai découvert tout à fait par hasard. J'ai compris en lisant son Étranger ou l'union dans la différence que ce chercheur de Dieu rejoignait trois de mes propres préoccupations ; je réalise aujourd'hui qu'elles sont au coeur implicite de tout ce que je vous raconte depuis cinq ans et que je vais vous résumer avant de le citer cet exceptionnel penseur :
(a) Comment articuler le même et le différent (ce que RICOEUR appelait la mêmeté et l'ipséité) ?
(b) Quelle est la place de chacun d'entre nous dans l'Histoire ; qu'avons-nous hérité d'elle qui fait ce que nous sommes, chacun et tous ensemble, et qui nous appelle à un avenir commun ou chacun puisse trouver sa place tout en faisant sens pour tous ? [Notez au passage que cette question d'héritage de l'Histoire est intimenent lié à la connaissance que nous avons de notre généalogie, et de notre inscription dans un lignage humain.]
(c) Puisque les conflits entre les hommes sont inévitables, d'autres moyens que la loi et les tribunaux existent-ils pour les résoudre, sans aucunement léser les intérêts des parties ?
-
Vous allez voir, mais je vous le laisse deviner, que Michel de CERTEAU, commence à répondre dans ce texte (il faudrait citer le chapitre entier) à certaines de ces interrogations.

"La psychologie, la sociologie, l'ethnologie ou l'histoire ont d'ailleurs suffisamment montré que la nouveauté, toujours relative à un statut plus ancien, suppose un processus de 'réemploi', que l'expérience antérieure fournit les conditions nécessaires à l'expérience suivante ; que les structures précédentes subsistent dans les réactions et jusque dans les réfutations ultérieures ; que les ruptures obéissent encore à une continuité implicite (même si elle est équivoque ou difficilement repérable) et que le passé survit tacitement dans le présent. Ignorer cette dialectique du progrès, c'est JUGER SUPERFICIELLEMENT DE L'HOMME et se rendre INCAPABLE DE LE FORMER en lui révélant, par l'histoire qui l'a fait, l'histoire qu'il doit faire."
-
C'est confondant de justesse, fulgurant d'intuition. C'est le fruit de la réflexion d'un mystique chrétien qui avait su réconcilier en une synthèse unifiante, aussi bien Thomas d'AQUIN (car dans ce texte, CERTEAU évoque sans la nommer ce que Docteur angélique appelle la substance) que HEGEL (car dans ce même texte, CERTEAU n'hésite pas à parler de rupture, de réfutations, c'est-à-dire d'antithèse, et de continuité implicite, c'est-à-dire de synthèse). C'est le fruit de la réflexion d'un érudit qui tient compte de l'apport des sciences sociales en commençant par les invoquer au tout début de son propos. CERTEAU est mort trop jeune, hélas pour nous.
-
CERTEAU ne confond pas nouveauté et progrès. Il accueille l'héritage de l'histoire et le fait sien. Il le réemploi. Madame TAUBIRA, monsieur AYRAULT sans parler de monsieur HOLLANDE qui voit midi à sa montre (tout le monde a vu sur les réseaux sociaux faire semblant de regarder une montre dont le cadran lui était très précisément invisible ; le symbole est parlant ; si papa FREUD vivait encore, pour sûr, il psychanalyserait l'homme) feraient bien de se cultiver un peu plus, et de faire leurs choux-gras de ces penseurs profonds et trop méconnus.
-
C'est tout pour aujourd'hui.

Aucun commentaire: