Il y a bien longtemps que je n'ai pas fait le récit d'une soirée parisienne avec les Veilleurs. Quoique je m'y rende très régulièrement, je craignais de lasser. Mais la veillée d'hier soir était exceptionnelle. Que ce soit les quatre prestations musicales des Gavroches, l'intervention de Jean-Frédéric POISSON - qui distingue avec une clarté éblouissante l'autorité du pouvoir, et assigne à chacune de ces facultés les qualités qui les rendent légitimes -, ou les lectures de grands textes (HEGEL, NIETZSCHE, TOCQUEVILLE, ROTBARN ou THOREAU, etc.), tout était à voir à écouter, à admirer. Je passe sur les interventions cocasses de deux passants qui n'avaient point bu d'eau minérale, dont l'une voulait absolument chanter une chanson de BARBARA, et dont l'autre fut longtemps allongé par terre, et dormait, pour revenir sur l'intervention exceptionnelle de Joseph THOUVENEL, vice-président confédéral de la CFTC. Il a eu l'amabilité de me communiquer son texte, et je l'en remercie vivement : je vous le restitue dans sa totalité en vous demandant de lire jusqu'au bout cette première partie, les autres venant dans des billets ultérieurs :
"Bonsoir à toutes et à tous,
Il m'est demandé d'arbitrer entre HEGEL (L'Etat est la réalité en acte de la liberté concrète) et NIETZSCHE (L'Etat est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : moi, l'Etat, je suis le Peuple).
Simple syndicaliste, je ne m'aventurerai pas à commenter les propos de ces deux monstres d'intelligence intellectuelle [notez que l'expression n'est pas pas pléonastique ; il y a d'autres formes d'intelligence l'intelligence purement intellectuelle]. Je note simplement que l'un comme l'autre ont été la référence d'écoles de pensées menant rapidement au totalitarisme. Comme quoi, quelquefois, mieux vaut avoir moins d'esprit, mais penser plus juste.
Je constate simplement qu'une société organisée nécessite une autorité par laquelle passe notamment l'édiction de la règle de droit et éventuellement l'emploi de la force publique.
Pour qu'elle soit civilisée, cette autorité a besoin des corps intermédiaires qui, en vertu du principe de subsidiarité, régulent les relations entre les citoyens et l'Etat. Cette organisation, me semble-t-il, a deux gros avantages - ne pas laisser la personne seule face à un Etat tout- puissant ; éviter la tyrannie de l'opinion de quelques uns au détriment du Bien Commun. Il est du devoir de chacun de veiller à ce que ces équilibres ne soient pas rompus.
Au XVIIIe siècle, issue des Lumières, l'emporta la Théorie du libre contrat. Celle-ci pour ses partisans, permettait et justifiait l'existence de l'Etat en garantissant l'ordre social : Chacun est libre en obéissant à la loi de tous argumentaient-ils. C'est comme cela, qu'en 1791, dans la fureur révolutionnaire, un bon bourgeois, avocat de son état, le citoyen LE CHAPELIER porta sur les fonds baptismaux républicains une loi proscrivant les organisations ouvrières. [Je renvoie mes lecteurs aux billets que j'ai écrit, à plusieurs reprises sur cette monstruosité républicaine, qui fut à l'origine, on l'oublie trop, de la Révolte des Canuts de Lyon, réprimée dans le sang, car ils réclamaient l'application du tarif minimum de l'Ancien Régime, sorte de SMIC avant le lettre.] Entre la liberté théorique de chaque individu et l'Etat : plus rien. Conséquence du principe de liberté décrété comme un absolu : la grande misère des petites gens en général et du monde ouvrier en particulier. Car entre celui qui peut donner du travail [et ceux qui en ont besoin pour vivre et faire vivre leur famille, il y a un profond déséquilibre. Création du] délit de coalition, interdiction de la grève, interdiction des entreprises non lucratives comme les mutuelles, et.... fermeture des Facultés de médecine [Joseph THOUVENEL ici commente avec ironie le fait que chacun pouvait ainsi se déclarer médecin, mais que cette liberté montra vite ses limites et que l'on réouvrit les Facultés de médecine ; ce commentaire ne figure pas dans le texte qu'il m'a transmis.]
Cette théorie ultra-libérale n'est pas morte. Il y a quelques semaines, dans l'Express, un économiste réputé, Jean-Marc DANIEL, polytechnicien, auteur de "VALLS-MACRON, le socialisme de l'excellence française" donnait comme modèle la loi LE CHAPELIER. Il précisait bien sa pensée, en proposant le licenciement par SMS. On ne fait pas plus humain ! Le salarié n'est plus une personne juste une variable d'ajustement économique. Le héraut du socialisme de l'excellence, le laudateur des "Principes initiaux de la Révolution", rétablit le patron de droit divin. [Joseph THOUVENEL parle du patron telle que la LE CHAPELIER le concevait, non de celui de l'Ancien Régime, dont le pouvoir était très largement régulé et encadré par les Corporations.] Et ne croyez pas qu'il s'agisse d'une erreur ; le grand principe qui doit mener le monde en général et celui des affaires en particulier, c'est celui de la liberté absolue, intégrale, sans contrainte. Vous savez, cette liberté du renard dans le poulailler ou celle du cancer dans l'organisme."
FIN LA PREMIERE PARTIE. La suivante sera consacrée à une initiative d'un ignoble, je veux parler, comme le fait Joseph THOUVENEL dans la suite de son intervention, d'une initiative honteuse, que l'on doit à un grand humaniste de la République socialo-maçonnique : j'ai nommé monsieur Claude BARTOLONE.
Ciao ! A plus !
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