-
Hasard
ou providence ? Je ne sais. Mais la pause que je me suis imposé depuis
quelques jours me permet, avec un peu de recul de faire quelques réflexions sur
les graves événements qui frappent notre patrie.
Il
me semble d’abord que la révolte dite des « Gilets jaunes » peut se
résumer en une exigence très simple : "Nous voulons vivre du fruit de
notre travail et non de subventions qu’il nous faut implorer auprès des
pouvoirs publics en remplissant des formulaires incompréhensibles pour le
commun des mortels." Si je mentionne ce dernier point, c’est que je l’ai
entendu de la bouche d’un gilet jaune qui vivait ces aides diverses comme une
humiliation.
Il
est évident, deuxièmement, que lorsque le montant des dépenses incompressibles
d’une famille (logement, chauffage, nourriture, transports) augmente dans des
proportions sans cesse croissantes, et qu’au milieu du mois, il n’y a plus un
centime pour se payer un petit extra (cinéma, restaurant), cela devient
insupportable, et ce l’est d’autant plus que les publicités de la télévision
nous vantent les croisières à des prix prétendus modérés (2000 euros), les
bijoux scintillants, les voitures que l’on peut s’offrir à raison de 175 euros
par mois pendant deux ans pour les plus modestes, à 275 euros pour les plus
somptueuses, sans compter les BMW, les Mercédès et autres SUV à des prix
exorbitants ; ces publicités heurtent la « décence commune ». Il
faut bien en effet pour les justifier qu’il existe une clientèle qui peut
s’offrir ces bijoux ou ces somptueuses limousines, et que ce n’est pas le
citoyen lambda qui le peut. Nous sommes là dans le pur désir mimétique, matrice
de la violence, si bien analysé par René GIRARD, d’autant plus que les Français
sont des enragés de l’égalité. Ce qui ne signifie pas qu’ils veulent le même
niveau de revenu pour tous, mais simplement des revenus qui rétribuent le
service effectivement rendu au corps social.
Troisièmement,
il est évident qu’il faut nous affranchir progressivement de l’usage des
énergies fossiles qui (a) sont épuisables et (b) qui nous font dépendre de pays
fondamentalement hostiles à notre civilisation et fort peu démocratiques. Mais
la question de fond qui se pose à propos de la taxe sur les carburants est la
suivante : cette taxe va-t-elle effectivement servir à la transition
énergétique ou bien va-t-elle servir à combler les trous budgétaires d’un État
incapable de faire des économies structurelles ? La production totale de
gaz carbonique par les automobiles représente 14 % de la production totale
de CO2 en France, laquelle contribue pour environ 1,7 % à la
production mondiale de ce gaz à effet de serre. En d’autres termes on manipule
grossièrement l’opinion en mettant sur le dos de la nécessaire écologie une
mesure qui ressemble à un cautère sur une jambe de bois. Je conviens que la
mesure est exemplaire, mais j’affirme qu’elle est parfaitement inefficace
écologiquement et très efficace fiscalement.
Il
y a un moyen drastique de réduire la consommation de carburants. Il
consisterait à en rationner l’usage par les véhicules privés, comme ce fut le
cas lors de la crise de Suez. Une telle mesure favoriserait le covoiturage par
le partage équilibré de la pénurie et l’usage de moyen de transport alternatifs
(transports en commun, vélo, marche à pied). Du reste, le développement de
Blablacar indique que le système de covoiturage est parfaitement accepté et
d’un usage croissant. Serait exclu du rationnement les professions qui ont
besoin de carburant pour exercer leur activité : ambulanciers, médecins et
infirmières, transporteurs routiers par exemple. Il conviendrait aussi de
favoriser fiscalement le ferroutage et le transport par voie d’eau.
Demeure
le problème de l’énergie. Il me semble qu’une solution d’avenir consiste à
favoriser la production privée d’énergie électrique. Les panneaux solaires sont
un bon exemple de ce type de production. Ils ont l’inconvénient de consommer
des matériaux rares et épuisables (dont la tentative de possession par les
grandes compagnies minières internationales explique de nombreux conflits,
notamment en Afrique). Il existe un moyen infiniment plus simple qui consiste à
développer la micro-hydraulique. Nous disposons en France d’un réseau
hydrographique exceptionnel que nous devons en partie à notre géographie, et
n’est guère de villages ou de villes qui ne soient bâtis à proximité d’un
torrent, d’une rivière ou d’un fleuve. Les producteurs de ce type d’électricité
peuvent être les communes ou les communautés de commune qui deviennent alors
les distributeurs du courant produit aux habitants de leur ressort. Ce peut
être aussi des particuliers qui l’utilise pour leur usage privé, et pourrait
revendre le surplus à la commune. Il y a un « mais », et ce
« mais » c’est l’EDF et l’ERDF qui ont le monopole du transport ET de
la distribution du courant, et, qui plus est, pour complaire aux exigences
européennes de non distorsion de la concurrence sont obligés d’aligner le prix
de vente du kWh produit sur celui que produisent leurs concurrents, à des prix
supérieurs.
On
peut aussi exploiter le micro-éolien privé et non pas ces énormes éoliennes qui, pour
le plus grand bénéfice de Véolia (et au prix d’une dépense carbone considérable
liée à la confection d’une énorme semelle de béton où elles sont ancrées et
avec un rendement de 16 % quand il y a assez de vent pour mouvoir des
pales de plusieurs tonnes), défigurent les plus beaux paysages de nos
campagnes. Je pense, notamment, à ces parcs hideux plantés sur le plateau du
Lévezou en Aveyron. Point n’est besoin de sortir de polytechnique pour
comprendre qu’un vent léger peut mouvoir des pales de 20 à 15 kg, mais ne
peuvent faire bouger d’un millimètre des pales de plusieurs tonnes. La vérité
est que l’État et ses organismes protéiformes qui produisent des norme inapplicables,
pondent des projets insensés, ne veulent pas laisser aux citoyens le soin et le
droit de choisir leur mode de chauffage et d’éclairage. Il veut tout régenter,
avec ses Agences, ses comités Hippolyte et ses hautes-commissions Théodule.
Pour
conclure sur ce sujet, on peut aussi exploiter les pompes à chaleur et la
géothermie. Investir dans ce dernier domaine ne coûterait pas plus cher que de
créer des énormes parcs marins d’éoliennes qui outre l’offense faite aux
horizons marins sont d’un entretien aléatoire. Mais ça fait du bien au chiffre
d’affaire de Véolia.
En
vérité, c’est la mégalomanie, l’idolâtrie du progrès indéfini, l’absence totale
de tempérance qui nous plonge dans ce chaos dont on voit mal comment sortir. Je
partage l’avis de Jacques. Il y en a un moyen d'en sortir : nous devons vivre plus
sobrement. Que ce soit de gré ou de force.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire