lundi 10 août 2020

Lettre ouverte au Dr Piepho version française

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Cher Dr PIEPHO,

J’ai lu avec intérêt la lettre que vous avez envoyée il y a quelques jours à l’éditeur de New Microbes and New Infections, Volume 37, intitulée "‘Influence of conflicts of interest on public positions in the COVID-19 era, the case of Gilead Sciences’ by Roussel and Raoult (2020)."

Je ne suis pas un biostatisticien comme vous. Néanmoins, je pense que vos commentaires ne sont pas entièrement de bonne foi. En premier vous critiquez le fait que Roussel et Raoult ont utilisé ce que vous appelez l’« agrégation » de données, et la réduction à 5 items des opinions analysées par les auteurs. Cette manière de faire est très courante en matière de sciences sociales, et nombre de sondages d’opinion demandant l’appréciation d’une cohorte de gens, proposent de classer les réponses en un petit nombre de catégories, cinq en général, notée de 1 à 5. De ce fait, il n’y a aucune raison de refuser l’application de cette méthode aux contenus des articles analysés par Roussel et Raoult. En outre la subdivision en des catégories d’opinion plus subtiles aurait été critiquée avec raison. Réduire l’analyse à une classe aurait vidé l’intérêt du papier, en même temps de celui des enquêtes d’opinion. Si j’ai bien compris l’article de Roussel et Raoult, la classification en cinq classes d’opinion a précédé leur assignation à un financement par Gilead. Évidemment, on ne peut exclure cette dernière possibilité. Cependant, en le suggérant indirectement, vous suggérez aussi que les auteurs ne sont pas entièrement honnêtes ou ne sont pas compétents.

La seconde raison que vous invoquez et qui rend les conclusions de l’article irrémédiable (sic !) est que Roussel et Raoult n’ont pas cité les articles et les passages qu’ils ont utilisés pour classer l’opinion des médecins. Selon la loi française, cette manière de faire aurait probablement été attaquée en justice sous le chef de dénonciation calomnieuse (sans aucune chance de succès, car les données concernant les honoraires perçus par les médecins sont publiques). Selon moi, le mérite de cet article est que personne n’est nommé et que tout le monde peut consulter les sites officiels. À ce point, il ne reste que deux solutions. Ou bien Roussel et Raoult ne sont pas honnêtes ou bien nous pouvons avoir confiance en eux. Bien que vous donniez l’impression de ne partager aucune de ces opinions, il semble que la première apparaisse en toile de fond dans votre lettre, à moins que vous cherchiez à dénier toute compétence en statistiques à l’équipe marseillaise. Concernant ce point, j’aimerais avoir tort. Trop de statistiques tuent les statistiques

Contrairement à votre jugement qui rend l’article non remédiable, il existe un moyen (souvent utilisé par Jean Piaget pour s’assurer de la qualité de ses classements concernant le stade de développement psychologique des enfants) de prouver l’opinion bien fondée de Roussel et Raoult : donner les titres des papiers et des passages utilisés pour le classement des opinions sur l’usage de la chloroquine pour traiter la Covid-19 à un chercheur anonyme (sans mentionner bien sûr le financement de Gilead) et de comparer ce classement à celui des auteurs que vous critiquez.
Espérant avoir de vos nouvelles dans un futur très proche,
Sincèrement vôtre.

Philippe POINDRON


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