mercredi 12 mars 2008

Souvenons-nous

Le dernier poilu encore vivant en ce siècle est mort aujourd'hui. Lazare PONTICELLI avait cent-dix ans. Souvenons-nous, avec cette disparition, du million quatre-cent mille jeunes français qui ont perdu la vie au cours de cette guerre imbécile, fratricide, et inutile (dont 22.000 pour le seul 24 août 1914 !). Souvenons-nous que cette guerre fut la première guerre totale, celle dont René GIRARD dit : "Osons donc dire que nous, Allemands et Français, sommes responsables de la dévastation en cours, car nos extrêmes sont devenus le monde entier. C'est nous qui avons mis le feu aux poudres. Si l'on nous avait dit il y a trente ans que l'islamisme prendrait le relais de la Guerre froide, cela aurait fait rire. Si nous avions dit il y a trente ans, que les événements militaires et environnementaux étaient, dans les Évangiles, un phénomène lié, ou que l'apocalypse avait commencé à Verdun, on nous aurait pris pour des témoins de Jéhovah. La guerre aura pourtant été le seul moteur des progrès technologiques. Sa disparition [sous-entendue, sa disparition actuelle dans sa forme classique] en tant qu'institution, qui ne fait qu'un avec la conscription puis avec la mobilisation totale, a mis le monde à feu et à sang. A continuer de ne pas vouloir voir, nous encourageons cet élan vers le pire" (In Achever Clausewitz, Carnets Nord, Paris, 2007, pages 13-14).
Je voudrais donner ici le témoignage de ma grand-mère. Son mari était notaire dans un petit village de l'Aisne. Il avait été mobilisé comme tous les hommes en âge de porter les armes. Lorsque en août 1914, les armées allemandes et ses uhlans ont commencé d'envahir la France, ma grand-mère dut quitter sa maison, atteler une carriole à cheval et fuir. Mais où ? Il n'était pas question d'aller sur Paris ; les routes qui en venaient étaient encombrées de convois militaires. Elle se résolut donc à prendre un autre chemin, une route qui longeait grossièrement un front assez mobile. Elle nous disait avoir vu la cathédrale de Reims brûler, et surtout, ce dont personne ne parle, elle avait vu, horrifiée, des gendarmes fusiller sur place des soldats harassés, qui ne pouvaient plus et ne voulaient plus avancer et avaient jetté leur fusil dans les pattes des chevaux des gendarmes. Finalement, elle atterrit à Villeneuve-l'Archevêque dans l'Yonne d'où elle put regagner Paris, où elle avait de la famille proche. Comme beaucoup de jeunes femmes, elle perdit son mari, gravement brûlé aux poumons après avoir été gazé à Verdun. Elle nous racontait avoir été une des rares femmes à pouvoir prendre le train des troupes et elle avait pu rendre visite à mon grand-père à la citadelle, où des péripatéticiennes, sachant qu'elle venait pour cette raison l'avaient fait passer devant elles au guichet qui visait les laisser-passer. Ma pauvre maman perdit son papa le 25 décembre 1919. Il était mort des suites de ses blessures au poumon.
Lazare PONTICELLI aura un hommage national et ses frères d'armes avec lui. C'est bien le moins que l'on puisse faire pour ces jeunes vies fauchées par la mitraille, hachées par les obus, défigurées à jamais par les balles et les lance-flammes.
Souvenons-nous : plus jamais cela ! Plus jamais cela ! Je ne veux pas voir des enfants se demander pourquoi leur maman a des larmes dans les yeux à Noël, parce que c'est l'anniversaire de la mort d'un père qu'elle a à peine connu. Plus jamais cela !

3 commentaires:

alsacelorraine a dit…

eh oui peut-être pourrais-t-on maintenant supprimer l'anniversaire et le jour de congé du 11 novembre par égard à nos amis allemands qui ... ne fêtent pas leur défaite.
Mais ne sommes-nous pas tout doucement en train de nous préparer et d'accepter une nouvelle guerre de...religion!!!

Philippe POINDRON a dit…

Comme je suis d'accord. Pourquoi ne pas reconnaître que ce fut une guerre fratricide, en tirer les conséquences, et fusionner les 8 mai et 11 mai en un jour unique de mémoire pour tous les morts inutiles de ces inutiles boucheries. Merci cher R. de cette remarque.

Anopheles a dit…

Je partage tout à fait l'idée que célébrer ainsi cette date semble aujourd'hui déplacé.

Quitte à conserver un jour férié, consacrons le plutôt à célébrer l'Europe, facteur de paix, et à s'ouvrir à nos voisins !