jeudi 30 décembre 2010

Les raisins verts

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Les régimes totalitaires sont des grands consommateurs de responsabilité collective. Les régimes autoritaires aussi. Il n'y a pas si longtemps en France, les nazis fusillaient X otages pour un soldat ou un officier allemand tué par des résistants. Ils ne se souciaient pas de savoir si la responsabilité des condamnés était engagée. Il fallait punir et faire un exemple. Et du temps des légistes, en Chine, il était courant que la faute réelle ou supposée, soit punie de la mort du coupable et de la totalité des membres de sa famille. Le mouvement des FALUNGONG, en Chine contemporaine a vu ses membres persécutés sur le même mode de la responsabilité collective.
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La responsabilité ne peut être que personnelle, car les consciences sont les consciences de personnes singulières et non pas la conscience abstraite de groupes ou de sociétés divers. Il faut tenir bon sur ce point. C'est un acquis moral de première importance. Nous le devons au prophète Ezéchiel : "Qu'avez-vous à répéter ce proverbe au pays d'Israël ? 'Les pères ont mangé des raisins verts, les dents des fils ont été agacées' ? Par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé, vous n'aurez plus à répéter ce proverbe en Israël. [...] Celui qui a péché, c'est lui qui mourra." [Ezéchiel 18, 2 à 4.]
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Pourquoi vient-il nous tanner avec ça, celui-là ? devez-vous penser. Je vais vous le dire. J'en ai par-dessus la tête d'entendre ici et là les donneurs de leçons nous plonger dans la culpabilité pour des actes que nous n'avons pas commis. Une chose est de reconnaître la responsabilité des institutions ou des régimes dans des atrocités ou des injustices parfaitement avérées, commises jadis, une autre est de vouloir nous en rendre coupables aujourd'hui. Avons-nous quelque responsabilité dans les excès du colonialisme, développé, il faut le rappeler, par Jules FERRY ? Devons-nous accepter d'être insultés par des peuples devenus indépendants (fort heureusement), maîtres (souvent mauvais) de leur destin, dans les malheurs dont ils prétendent être accablés ? Est-ce notre faute personnelle, si monsieur GBAGBO s'accroche au pouvoir au risque d'une guerre civile, un pouvoir que lui revendique monsieur OUATTARA dont les urnes ne sont pas remplies de bulletins aussi purs que des gouvernements divers veulent bien l'affirmer. Et la rafle du Vel-d'hiv, certes une tache indélébile dans l'histoire de notre patrie, y avons-nous pris part ? Que la République reconnaisse la responsabilité de l'Etat français dans ce drame est juste. Qu'on veuille nous en faire payer aujourd'hui le prix, individuellement, en infusant en chacun de nous une mauvaise conscience est inacceptable. Pareillement, les Allemands contemporains ne sont pas complices des atrocités des nazis, et les Algériens ne sont pas tous des terroristes et des criminels.
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J'entends bien, car il faut être intellectuellement probe jusqu'au bout, que ces dérives colonialistes ou racistes ont eu des conséquences politiques. J'ai suffisamment parlé de la Révolution et de ses méfaits pour nier ce qui relève du bon sens. Mais il y a avec la Révolution une différence d'avec ce que je viens de dire. Cet héritage, au lieu de le trier, de faire la part de ce qui est un progrès indubitable et de ce que sont des horreurs en tous genres, nous le revendiquons dans sa totalité, dans un flou et un mensonge insupportables, porteurs de bien des difficultés contemporaines de notre patrie.
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Je lutterai jusqu'à mon dernier souffle pour défendre la cause de la conscience morale, condamner les propos généralisateurs qui clouent au pilori tout un groupe humain, un peuple, au motif qu'il y a en son sein des individus peu recommandables. Est-il possible de demander aux promoteurs de la lutte des classes de mettre en oeuvre ce principe de bon sens, et de ne pas traiter de salauds tous les patrons, les riches, les chefs, au motif que certains d'entre eux se comportent comme des voyous ? Ce serait bien. Ce serait le début de possibles discussions, de dialogues fructueux. Et peut-on demander aux membres des différents corps de métier, de corps de fonctionnaires (enseignants, magistrats, employés des postes, des chemin de fer) de ne pas réagir en termes corporatistes, mais de penser AUX AUTRES avant de parler ?
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