mardi 2 août 2011

Ces petits détails qu'on nous cache

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Il faut toujours lire avec beaucoup d'attention les livres dont on désire s'approprier le contenu. Souvent ils délivrent quelques détails dont on ne mesure les conséquences réelles qu'un fois que l'on en a pris connaissance consciente. En voici trois qu'il m'a été donné de lire dans le livre de Marc FERRO, Le Ressentiment dans l'histoire et dans celui de Roberto de MATTEI dont j'ai déjà parlé il y a peu. Ils me semblent illustrer parfaitement le propos que depuis quelques jours, en dialogue notamment avec Pierre-Henri THOREUX, je m'efforce de vous présenter. Nous allons voir ici comment l'idéologie et la négation de la loi naturelle a pu conduire aux pires dérives ou au refus tragiques.
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Commençons par quelques rappels sur Marcel DEAT, le chantre de la collaboration avec les nazis, et qui acceptait que son parti fasciste soit cimenté par "la résignation des Français à devenir un petit Etat agricole, le verger et le Luna-Park de l'Hitlérie." et sur DORIOT. DORIOT, autre collaborationniste notoire, était issu du Parti Communiste. Marcel DEAT a adhéré au Parti Socialiste en 1919. Il a beaucoup souffert de la scission du Congrès de Tours. La signature du pacte germano-soviétique laisse DORIOT décontenancé, accablé, sans voix. Rien n'est dit de la réaction de DEAT. BLUM avait fait de grands éloges de ce tribun batailleur, sans toutefois donner à DALADIER son accord pour le faire rentrer au Gouvernement.  Finalement DEAT approuve les accords de MUNICH et passe ouvertement dans le camp des pacifistes. Il est violemment anticlérical, mais aussi antibolchevique. Il jette dès le 5 juillet 1940 les fondements de son nouveau parti, le Rassemblement National Populaire, à vocation de parti unique. Il est rejoint par BERGERY et les néos (formule pudique pour désigner les socialistes ralliés à ses vues), ainsi que par DORIOT. Il s'engagea (avec DORIOT, DELONCLE et FONTENOY) dans la LVF. Nous avons là deux vies d'hommes entièrement dévorés par la passion politique, rongés de l'intérieur par leur idéologie. Ils ont fait fi du sentiment national en acceptant la défaite et en l'exploitant à leurs fins ; ils sont rentrés dans les vues racistes, antisémites du nazisme. Peut-on dire qu'ils ont suivi la loi naturelle ? Et pourquoi leurs prises de position nous heurtent-elles ? Quelle partie de nous-même est-elle blessée par l'action de nos compatriotes ? L'identité nationale n'en a-t-elle pas pris un coup ?
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Comment comprendre l'enthousiasme des Autrichiens pour HITLER ? Refusant aux vaincus le droit de disposer d'eux-mêmes qu'ils avaient accordé aux peuples qui avaient été leurs victimes, CLEMENCEAU et les alliés refusent aux Autrichiens celui de s'unir à l'Allemagne, malgré un vote explicite du parlement autrichien consécutif au Traité de Saint-Germain qui consacrait le démembrement de l'Empire Austo-Hongrois. Réduit à un état croupion après avoir été un pays à la pointe de la vie intellectuelle et artistique européenne, l'Autriche et les Autrichiens, pour cette raison-là, votent à 99 % l'Anschluss en 1938. A aucun moment, ils ne manifesteront un rejet d'HITLER. Peut-on en vouloir à un peuple aussi maltraité que l'Autriche, plus maltraité que l'Allemagne, pourtant le principal responsable de la guerre, de courir après la grandeur perdue ? On aurait sans doute pu éviter bien des drames ultérieurs si l'on avait fait droit à sa revendication démocratique, celle d'unir son destin à l'Allemagne.
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Il existe à l'ONU, nous apprend de MATTEI, deux lobbies qui jouent un rôle essentiel dans l'organisation et le diffusion des avortements, des stérilisations (souvent forcées) et des programmes contraceptifs. L'un d'eux s'appelle l'IPPF (International Planned Parenthood Federation). Comme son nom l'indique, c'est une fédération, et plus précisément une fédérations de huit Associations Nationales de planification familiale préexistantes, créée à BOMBAY en 1952 (le lieu n'est pas innocent ; le Père X... nous disait [cf.mon billet sur les Fioretti de l'Inde pour en savoir plus sur cet homme hors du commun] que les familles des slums étaient assez restreintes : deux enfants maximum, et il précisait que la méthode contraceptive utilisée étaient la ligature des trompes. Ceci suppose que l'on a en Inde de l'argent pour pratiquer ces interventions chez les pauvres, mais pas assez pour leur donner accès aux soins primaires). Or donc, la section allemande de l'IFPP, appelée Pro familia (admirons le nom) a été fondée en 1952 par le Dr Hans HARMSEN, mort en 1989. Ce Dr HARMSEN est l'auteur d'un projet de politique de population, daté de 1931, et devenu le fondement théorique de la politique raciale nazie. Il rédigea et publia les Actes du terrible et tristement fameux Congrès International de la Science et de la Population, tenu à BERLIN en 1935. HARMSEN est resté président  de Pro familia  jusqu'en 1967 et Président d'honneur de cette Association jusqu'en 1984. L'influence de l'IFPP auprès de l'ONU en matière de "santé reproductive" (entendons "contraception systématique") est considérable. On mesure déjà les effets d'une intervention de l'Etat dans la constitution des familles en Chine. Au SHANDONG, il naît 130 garçons pour 100 filles, à cause des avortements consécutifs à des échographies prénatales, et de la loi sur l'enfant unique. Et les responsables chinois se demandent comment inverser cette tendance.
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Voilà trois épisodes, trois détails minuscules, cueillis au détour d'une page. Il ne s'agit pas d'en faire des éléments déterminants de la marche de l'histoire, mais très certainement des éléments importants, actifs. Dans les trois cas, on a des exemples de comportements politiques ou d'essence politique fondamentalement idéaliste, privés de tout contact avec les réalités humaines.
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Voilà pourquoi je pense qu'il faut toujours garder un esprit critique et une boussole pour garder le cap. Car il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il veut aller.
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3 commentaires:

Pierre-Henri Thoreux a dit…

A M. Poindron : Comment vous répondre ? Je vois bien que nous nous rejoignons dans l'esprit si ce n'est dans la forme. Et s'agissant de vos dernières remarques, je peux les faire miennes évidemment, notamment à propos des erreurs qui ont mené à la montée du national-socialisme et à la terrible conflagration mondiale qui s'ensuivit. Pareilles erreurs sont également à invoquer dans l'irrépressible et maléfique progression du communisme (plus généralement donc, du Socialisme...)
Pour autant, je reste persuadé que la pensée de Kant est à l'opposé des concepts qui ont engendré les grandes idéologies du Xxè siècle. Qu'on puisse y voir la patte d'un vrai idéaliste comme Hegel sans nul doute, ou d'un pseudo-scientifique arrogant comme Marx également, qu'on évoque le nihilisme grandiose et amoral de Nietzsche, d'accord, mais de grâce, épargnons Kant.
En règle, les idéologies sont amorales et vaniteuses. Or s'il fut un être moral et modeste, c'est bien Kant. Il l'était tellement qu'il se refusait à enseigner sa propre philosophie, par crainte d'abuser ses élèves.
Dans un de ses écrits les plus accessibles "Qu'est-ce que les Lumières ?" Kant plaide pour l'avènement d'une société dont les citoyens soient capables de sortir de la "minorité", c'est à dire de la dépendance vis à vis d'opinions toutes faites. Il recommande à chacun de faire l'effort d'affirmer sa propre capacité à penser et à s'exprimer. Selon lui, il faut oser savoir, oser s'instruire, oser penser. Y a-t-il meilleur rempart contre la propagation des idéologies que cette leçon de sagesse ?
Dans un autre opuscule très abordable sur la "Paix Perpétuelle", il plaide pour le modèle fédératif librement consenti, aux antipodes de l'Etat impérialiste qui propage ses diktats par la force (de fait, les démocraties libres ne se font quasi jamais la guerre, et le modèle basé sur une organisation fédérale est d'une stabilité exemplaire) .
S'agissant de la mauvaise influence supposée de Kant, j'imagine que le malentendu vient qu'il considère comme bon un concept qui peut tendre vers l'universel. A l'évidence il ne faut pas prendre cela pour un quitus autorisant la généralisation de n'importe quelle lubie mais au contraire pour une méthode destinée à en anticiper les effets pervers.
Et lorsqu'il délimite le champ de la métaphysique en l'extrayant de la sphère de la raison "raisonnante", il n'en fait pas un domaine où tout peut être affirmé impunément, mais au contraire le champ des croyances, dont personne ne peut se prévaloir pour imposer quoique ce soit à ses congénères.
Au total, j'ai envie de de dire que Kant prolonge l'enseignement de Socrate. Ce dernier affirmait : "la seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien". Kant va un peu plus loin en précisant :"... dans le champ de la métaphysique"...
A Coratine : Je ressens la même angoisse mêlée d'espoir que vous. Ne pouvant me qualifier de croyant, je me rabats sur le terme "d'espérant" (l'athéisme quant à lui me glace le sang...)

Philippe POINDRON a dit…

Ah ! Si l'on m'avait enseigné KANT ainsi ! J'ai encore bien des choses à apprendre, et vous m'ouvrez bien des portes ! Mais je suis d'accord avec l'idée que la raison ne peut conduire à la foi à elle seule. Elle en est une prémice, mais la foi est un don gratuit fait à tous ceux qui cherchent la vérité. KANT fut un être essentiellement moral, cela aussi, c'est évident. Mais est-ce à cause de sa philosophie ou de sa formation chrétienne ? Papa MARX et l'inenarrable HEGEL (dont j'ai essayé de lire, dans la plus grande perplexité, les incompréhensibles Leçons sur l'histoire de la philosophie) sont sans doute les plus grands pourvoyeurs de crimes contre l'humanité qui aient jamais existé et cela au nom de la dialectique ! Je révise donc mon jugement sur KANT, tout en tenant pour certain que seul le réalisme philosophique, c'est à dire l'accord des choses avec l'intelligence, est de nature à nous faire comprendre le monde. Je reste en contact avec vous, cher espérant. Qui croyez-vous que je suis, sinon moi aussi un espérant ?
Avec ma bien vive amitié.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci. Vous me faites un bien grand honneur. Sachez que je respecte profondément l'humanisme que vous faites vivre sur votre blog. Qu'il soit d'inspiration chrétienne lui donne une dimension originale et me donne beaucoup à réfléchir. Sachez que pour moi, la vie du Christ est le plus troublant mystère qui nous soit donné d'appréhender. Plus puissant et magnifique que tous les spectacles de la Nature, c'est l'Homme, misérable être de chair (Ecce homo disait Pilate...), et c'est l'Indicible en même temps. C'est le plus beau des messages d'espoir assurément.
Quant à Hegel, brillant mais inintelligible, il fut qualifié de "bousilleur de la philosophie" par Schopenhauer...