dimanche 3 mai 2020

Dimanche 03 mai 2020. Il paraîtrait que les épreuves sérologiques ne serviraient à rien pour détecter l'immunité contre le SARC-Cov-2...

Madame Dominique LE GULUDEC présidente de la Haute autorité de Santé a rendu public l’avis de cette instance sur l’usage des épreuves sérologiques permettant de savoir si une personne a été infectée par le SARS-Cov-2, agent de la Covid-19 et est immunisée. L’épreuve sérologique, d’après elle (mais elle parle au nom de la structure qu’elle préside, et son avis a été validé, je suppose, par les scientifiques qui en font partie) ne permet pas de savoir si les patients sont ou non immunisés.
Je trouve que cet avis, prudent sans doute, n’est nullement fondé sur un plan scientifique. Je vais essayer de le démontrer.

Les anticorps neutralisants, dans le cas des virus enveloppés, sont dirigés contre les projections superficielles du virus, et empêchent ce dernier de se fixer sur son récepteur cellulaire.

Il existe des méthodes très sophistiquées, et sur lesquelles je n’insisterai pas, qui permettent de reconstituer la structure spatiale des protéines. Cette reconstitution a été faite pour ce qui concerne les projections superficielles ou spicules, qui sont insérées dans l’enveloppe membraneuse des Coronavirus (cf Fang LI. Structure, function and evolution of coronavirus spike proteins. Annu. Rev. Virol., 3, 237-261, 2016) et l’on connaît de même la structure spatiale du récepteur du SARS-Cov-2 qui est l’ACE2. L’interaction spatiale du spicule (qui est en fait une structure dite trimérique, c’est-à-dire contenant trois molécules protéiques identiques agencées entre elle selon une symétrie axiale) avec son récepteur a été également modélisée. 

Dans un article qui vient de paraître (Alexandra WALLS, Young-Jun PARK, M. Alejandra TORTORICI, Abigail WALL, Andrew T. McGUIRE et David VEESLER. Structure, function and antigenicity of the SARS-Cov-2 spike glycoprotein. Cell, 180, 1-12, 2020), et qui est absolument remarquable, les auteurs étudient l’antigénicité des spicules. Une  Figure de l’article, montre à quel niveau de détail on est descendu pour étudier cette question : je ne peux pas vous la présenter.


Cette Figure montre le domaine du spicule qui se fixe au récepteur cellulaire du virus, le fameux ACE2. Les auteurs prouvent que le virus suscite la production d’anticorps neutralisants qui réagissent avec une séquence appelée S, indispensable à la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane de l’endosome. Les auteurs détaillent la position des sites antigéniques spécifiques que l’on appelle les épitopes, et qui sont impliqués dans la production d’anticorps neutralisants. Très justement, ils concluent que la stimulation de réponses immunitaires humorales polyclonales sont susceptibles de prévenir l’émergence de mutants échappant à la neutralisation (Finally, elicitation of diverse polyclonal antibody responses might prove key in light of the diversity of viruses circulating in animal reservoirs and in preventing the possible emergence of viral neutralization escape mutants).

J’ajoute que lorsque j’étais encore en poste à Strasbourg, un collègue directeur de Recherche au CNRS, très versé dans l’immunochimie, le Dr Van REGENMORTEL m’avait aimablement envoyé un logiciel qui permettait, à partir d’une séquence protéique, de prévoir les régions d’une protéine susceptibles d’être des épitopes. On peut toujours l'utiliser, même s'il commence à dater.

Dire que les épreuves sérologiques sont dépourvus d’intérêt pour détecter un état d’immunité est donc soit le fruit d’une ignorance incompréhensible, soit un mensonge destiné à masquer une triste réalité : nous n’avons pas assez de tests pour détecter l’état immun de nos concitoyens.

Je mets au défit qui que ce soit de contredire ce que je viens de dire.





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