mardi 26 mai 2020

Mardi 26 mai 2020. Plaidoyer pour une communication scientifique éthique

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PLAIDOYER POUR UNE COMMUNICATION SCIENTIFIQUE ÉTHIQUE.

 Les discussions enflent sur les réseaux sociaux, à propos de l’opportunité ou du danger de l’usage de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine pour le traitement de la Covid 19. Je m’étais promis d’arrêter d’écrire quoi que ce soit sur le sujet, quand est apparue sur mon mur Facebook une controverse qui a pris un tour passionnel.

Le grand philosophe allemand Jürgen HABERMAS a bien défini les critères qui permettent d’établir le caractère éthique d’une communication. Une communication implique au moins deux acteurs, sinon elle devient de la propagande. Je préfère donc utiliser le terme échange que celui de communication qui est assez ambigu, car il est utilisé souvent pour désigner un message à sens unique. Pour qu’il y ait communication véritable, échange, il faut qu’il y ait interaction. Que dit HABERMAS ? Et comment l’appliquer à la controverse qui oppose MEHRA et al. (article du Lancet) à RAOULT (qui dans l’article du Lancet n’est jamais cité mais dont l’ombre se projette sur ce dernier).
Contentons-nous de ne pas faire à ce point de procès d’intention et de voir si les critères d’HABERMAS sont remplis, en faisant l’hypothèse (non formulée) que MEHRA et al. se proposent de démontrer l’inutilité et le danger du traitement de RAOULT.

1 Dire d’où l’on parle.
Au moins trois des quatre auteurs du Lancet sont cardiologues et le dernier travaille dans le domaine de la Bio-ingénierie médicale. Dans l’analyse de leurs données, ils n’ont pas eu recours à des infectiologues, des analystes, des virologues, des radiologues. Le lieu d’où ils parlent est donc clair : ils parlent en cardiologues.
Au nombre des co-auteurs des articles de l’équipe marseillaise figurent des infectiologues, des virologues, des radiologues, des cardiologues, des biostatisticiens. Le lieu d’où parlent les auteurs est un lieu pluridisciplinaire hospitalier, orchestré par un infectiologue médecin. C’est un lieu de travail intégré.

2. Donner le même sens aux mots utilisés.
         Apparemment, mais apparemment seulement, les deux équipes parlent de la même chose : l’infection de patients par le SARS-Cov-2. En réalité, et c’est là le lieu de toutes les ambiguïtés, MEHRA et al. parlent de patients hospitalisés sans leur assigner clairement une place dans des classes cliniques bien définies, lors de l'admission. Ce flou n’est peut-être pas volontaire, mais il existe, alors que RAOULT le fait avec beaucoup de rigueur. La conclusion est claire : les deux équipes ne parlent pas de la même chose.

3. Faire à son interlocuteur le crédit de la bonne foi.
         Dans cette affaire, les choses se compliquent. Deux des auteurs du Lancet ont été personnellement (personnal fees indique l’article) rétribués par de très grands laboratoires pharmaceutiques ou biomédicaux : Abbott, Medtronic, Janssen, Mesoblast, Portola, Bayer, Balm Institute for medical Research, NupulseCV, FineHeart, Leviticus, Roivant, Triple gene. Rien n’indique que ces laboratoires avaient un intérêt quelconque à démontrer l’inutilité ou la dangerosité du traitement de RAOULT. On peut simplement inférer que ces auteurs sont imprégnés par les méthodes et idées qui gouvernent l’action de ces grandes maisons. Un autre auteur, a été rétribué en tant que membre d’essais cliniques, divers types de consultation, membre de conseil scientifique (advisory board), diverses autres formes de consultations, conférences et cours, mais ces paiements ont été faits à l’Université de Zürich, et il n’y a eu aucune rétribution personnelle pour ces activités.
     Aucun des auteurs des articles de l’équipe marseillaise n’a reçu le moindre paiement de la part d'un quelconque laboratoire.
         Il ne s’agit pas d’insinuer que les premiers avaient un intérêt matériel à publier ce travail, contrairement aux seconds, mais de constater que les soucis des uns sont orientés vers l’industrie pharmaceutique et biomédicale, et les soucis des autres vers la médecine et les malades.

4. Laisser son interlocuteur aller jusqu’au bout de ses idées.
         Dans le cas des auteurs de l’article du Lancet, il y a un manque avéré, et possiblement volontaire. Normalement, ils avaient accès aux résultats de la très grande série marseillaise, et ils ne peuvent pas l’avoir ignorée, puisque ces derniers étaient consultables dès le 1er mai, sous la forme d’un preprint d’un article accepté pour publication et que leurs propres travaux ont été publié dans le Lancet le 22 mai, soit trois semaines après. On peut y voir trois raisons : (a) une forme de mépris ; (b) une ignorance involontaire ; (c) un délai insuffisant pour qu’ils puissent les discuter dans leur article, mais qu’ils auraient pu intégrer lors de la correction des épreuves sous la forme d’une Note added in proof. Ceci n’a pas été fait.
         RAOULT et pour cause, ne connaissait pas l’article de MEHRA et al., et n’ont pas pu le discuter, mais, dans leur publication, ils font allusion à des articles qui confirment leurs travaux, et à des articles qui les infirment, dont le fameux articles écrit en chinois (même remarque que j’ai déjà faite ; ils n’ont eu accès qu’à l’abstract), l’article de MAHEVAS et al., et l’article de MAGANOLI et al.
       Les premiers n’ont même pas discuté les travaux des marseillais ; ils se sont contenté de tenter de prouver que l’hydroxychloroquine plus azithromycine étaient dangereuses. Les seconds n’ont pas pu discuter un travail qui n’avait pas été encore publié et auquel RAOULT vient d’attribuer le peu glorieux qualificatif de foireux maintenant qu’il en a eu connaissance.

5. Faire un constat loyal des divergences.
         Les premiers ne l’ont pas fait ; ils se sont contentés d’affirmer. Les seconds ont réagi vivement, mais vont sans doute (en tout cas je l’espère) répondre point par point à un article malveillant dans ses connotations littéraires et qui présentent de nombreuses lacunes, dont une qui me paraît importante : l’article du Lancet ne semble pas avoir été peer reviewed, car je ne vois qu’une date : Published online, en aucun cas la classique mention received, éventuellement revised, et accepted, suivie de la date de ces divers événements. Il se trouve que j'ai publié une fois dans le Lancet, et que j'ai été soumis à ce cycle tout à fait normal, de traitement des données scientifiques.

         Cerise sur le gâteau, il s’est trouvé deux auteurs français pour abonder, (le même jour que celui de la publication), dans le sens de MEHRA et al., Christian FUNK-BRUNTANO et Joe-Elie SALEM, tous deux affiliés à l’INSERM dont on connaît l’hostilité vis-à-vis de l’IHU marseillaise. Il faut donc que les deux auteurs français aient eu communication de l’article de MEHRA et al., avant sa parution, pour publier le même jour, immédiatement après l’article, leur propre commentaire. Si ce n’est pas l’indice d’un accord préalable, ça y ressemble fort.

2 commentaires:

Goshein a dit…

Nous n'en avons pas fini, mon cher Philippe, avec cette "affaire" Politiquement c'est extrêmement dangereux pour CE pouvoir et il va tout faire pour se dédouaner. Restons en "veille" cher ami Et ...évitons les Trolls !

Philippe POINDRON a dit…

Je suis bien d'accord. Mais déjà des voix s'élèvent pour montrer l'imposture (au pire) ou l'inadéquation (au mieux) de l'étude du Lancet. Nous en reparlerons.