dimanche 10 mai 2020

Dimanche 10 mai 2020. Raison garder : mortalité de la grippe et de la Covid-19

Raison garder. Je sais, c’est long, mais il me semble utile de vous informer en allant aux sources (Santé Publique, et divers sites officiels sur Internet, Journaux scientifiques auxquels chacun peu accéder, moyennant un peu d'habitude).

A. Mortalité de la grippe

Je voudrais répondre ici à quelques opinions alarmistes en deux temps : (a) en rappelant les statistiques officielles de la mortalité due aux virus de la grippe, qu’elle soit saisonnière (épidémie inter-pandémique) ou pandémique et (b) expliquer en tentant un décryptage personnel (pour reprendre un terme à la mode chez les journalistes) des événements récents qui donnent un tour tout à fait nouveau à l’épidémie de la Covid-19.

Grippes saisonnières.

Epidémie de grippe saisonnière 2018-2019
L’épidémie de grippe 2018-2019 a été de courte durée. Elle a été marquée par la co-circulation des deux virus de type A. L'ampleur de l'épidémie a été modérée en médecine ambulatoire, mais cette épidémie a eu un impact important en milieu hospitalier ainsi que sur la mortalité, dans un contexte de couverture vaccinale insuffisante chez les sujets à risque.
Au cours des 8 semaines d’épidémie, l’excès de mortalité attribuable à la grippe a été estimé à environ 12 000 décès tous âges confondus. Ces décès concernent principalement les personnes de 85 ans et plus, et dans une moindre mesure les 65-84 ans. La couverture vaccinale de la population à risque en France métropolitaine était faible avec moins d’une personne à risque vaccinée sur deux (51 % chez les personnes de 65 ans et plus selon Santé publique France).
Bilan - Santé publique France.

Epidémie de grippe saisonnière 2017-2018
L’épidémie de grippe 2017-2018 a été précoce et a duré 4 mois. Elle a été marquée par la circulation en deux vagues successives des virus A(H1N1)pdm09 et B/Yamagata.
Bien que d’une ampleur modérée en médecine ambulatoire, cette épidémie a eu un fort impact en milieu hospitalier ainsi que sur la mortalité, dans un contexte de couverture vaccinale insuffisante chez les sujets à risque. Au cours des 16 semaines d’épidémie, l’excès de mortalité attribuable à la grippe a été estimé à environ 13 000 décès tous âges confondus. Ces décès concernent pour 93% d’entre eux des personnes de 65 ans et plus.
La couverture vaccinale de la population à risque en France métropolitaine était faible avec moins d’une personne à risque vaccinée sur deux (49,7% chez les personnes de 65 ans et plus selon Santé publique France)


Grippe de HONG-KONG (1968).
La grippe de Hong Kong serait apparue en Chine centrale en février 1968 avant, comme son nom l'indique, de frapper particulièrement Hong Kong en juillet 1968  où elle touche un demi-million d'habitants soit 15 % de la population hongkongaise, selon un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé. A noter qu'à l'époque, Hong Kong était une colonie britannique, aujourd'hui, c'est une région administrative de la Chine située au sud-est de Canton. Ensuite, "elle atteint Singapour début août, puis toujours en août, la Malaisie, la République du Vietnam, les Philippines et Taiwan (Chine). En septembre, l'infection gagne Madras, Bombay, la Thaïlande et quelques régions d'Australie; elle atteint aussi l'Iran, probablement par l'intermédiaire des Congrès internationaux de Médecine Tropicale et du Paludisme", liste l'OMS. Importée par des Marines revenant du Vietnam et à cause de la multiplication très rapide des transports aériens, elle se propage ensuite vers les Etats-Unis où elle décime 50 000 personnes en seulement trois mois. Puis, elle est présente en Europe jusqu'à l'hiver 1969. En France, l'épidémie arrive en deux vagues :
 La première à la fin de l'hiver 1968-1969 : le virus fait des victimes mais ne semble pas se montrer particulièrement meurtrier.
La deuxième, entre décembre 1969 et janvier 1970 : l'épidémie est cette fois bien plus sévère et cause près de 40 000 décès, dont 17 000 directement imputables à la grippe. 

Grippe asiatique (1957).
Selon des spécialistes, c’est au début de 1957, peut-être même à la fin de 1956, qu’apparait en Chine le virus responsable de ce que l’on appellera la grippe asiatique. Il proviendrait d’une mutation d’un virus des canards sauvages recombiné avec une souche humaine du virus de la grippe. Après la Chine, la grippe frappe ailleurs en Asie (Japon, Hong Kong, Taïwan, etc.) avant d’atteindre l’Amérique et l’Europe, vraisemblablement au début de l’été. Certaines personnes ne sont touchées que par les symptômes (fièvre, toux, courbatures, etc.), alors que d’autres sont affectées durablement. Les antibiotiques ne pouvant rien pour enrayer cette pandémie de niveau 2, on recommande aux gens le repos, l’absorption de liquide et, surtout chez les jeunes, de se tenir loin des rassemblements. Un vaccin est mis au point à l’été 1957. Il n’est cependant disponible qu’en petites quantités. Les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables face à cette « grippe asiatique » qui peut entraîner de graves complications pulmonaires. Après un ralentissement à l’été, elle connait une nouvelle vague à l’automne 1957. Le nombre de victimes ira en s’accentuant avant que le vaccin ne contribue à ralentir, puis à endiguer complètement la grippe en 1958. Le bilan varie énormément selon les estimations, soit de 1 à 4 millions de morts à travers le monde, dont quelque 70 000 aux États-Unis et 100 000 en France. Il est loin de celui de la grippe espagnole, qui aurait fait des dizaines de millions de morts en 1918-1919. La grippe asiatique est néanmoins considérée comme la première pandémie grippale depuis la Seconde Guerre mondiale. La souche évoluera par la suite, frappant de nouveau, cette fois sous le nom de grippe de Hong Kong, en 1968-1969.

B. Thrombose et mortalité de la Covid-19.

Si vous avez suivi le journal télévisé de TF1 ou d’une autre chaîne, je ne sais plus laquelle, vous avez pu entendre un urgentiste parler d’une modification des traitements administrés aux patients en réanimation. Après avoir pris conscience de l’inutilité de l’intubation pour les raisons que l’on va voir, ils injectent à leurs patients des anticoagulants, en surveillant bien entendu la coagulation de manière stricte. En effet, il apparaît maintenant que la crise dite cytokinique s’accompagne de thrombose veineuse (coagulation intravasculaire disséminée) , de sorte que, les veines qui amènent le sang aux poumons sont bouchées et que les échanges gazeux ne peuvent plus se faire, quand bien même il resterait du tissu pulmonaire fonctionnel. L’intubation semble augmenter les lésions mécaniques infligées aux poumons et aggraver l’état du patient. Voici trois références d’articles qui expliquent ce phénomène et éclairent la physiopathologie de la maladie.

Connors JM, Levy JH.
Blood. 2020 Apr 27:blood.2020006000. doi: 10.1182/blood.2020006000.

Bikdeli B, Madhavan MV, Jimenez D, Chuich T, Dreyfus I, Driggin E, Nigoghossian C, Ageno W, Madjid M, Guo Y, Tang LV, Hu Y, Giri J, Cushman M, Quéré I, Dimakakos EP, Gibson CM, Lippi G, Favaloro EJ, Fareed J, Caprini JA, Tafur AJ, Burton JR, Francese DP, Wang EY, Falanga A, McLintock C, Hunt BJ, Spyropoulos AC, Barnes GD, Eikelboom JW, Weinberg I, Schulman S, Carrier M, Piazza G, Beckman JA, Steg PG, Stone GW, Rosenkranz S, Goldhaber SZ, Parikh SA, Monreal M, Krumholz HM, Konstantinides SV, Weitz JI, Lip GYH.J Am Coll Cardiol. 2020 Apr 15:S0735-1097(20)35008-7. doi: 10.1016/j.jacc.2020.04.031.

Wang J, Hajizadeh N, Moore EE, McIntyre RC, Moore PK, Veress LA, Yaffe MB, Moore HB, Barrett CD.J Thromb Haemost. 2020 Apr 8. doi: 10.1111/jth.14828.

Par ailleurs, si vous avez suivi l’annonce par monsieur SALOMON du nombre de morts journalières imputables au SRAS-Cov-2, vous avez pu noter qu’il a chuté hier de manière spectaculaire, passant en 24 h d’environ 300 à un peu plus de 80.
Il me semble, mais là je m’avancerai avec beaucoup de prudence, que l’on peut attribuer cette diminution spectaculaire des décès à deux phénomènes conjugués : la modification très bénéfique du traitement des patients admis en réanimation, d’une part, et la fin de l’épidémie qui selon le Pr RAOULT devrait s’éteindre vers le 11 mai, de l’autre. L’avenir et les chiffres de ce jour vérifieront cette opinion.

Enfin, vous noterez aussi que le petit foyer infectieux, appelé de manière pédante un « cluster », apparu en Dordogne, a été selon le Directeur de l’ARS de la Nouvelle Aquitaine, circonscrit de la manière qui convient (et qui était déjà énoncée par le Pr RAOULT) : identification des sujets contaminés par la technique de la PCR, isolement des patients infectés (9 sur un peu plus de 100 sujets soumis à l’analyse biologique). La même technique semble avoir été utilisée pour un tout petit foyer apparu dans la Vienne, mais là, je n’ai pas de données.


Aucun commentaire: