Dans mon précédent billet je vous parlais des règles qu'il convient de suivre si l'on veut qu'une communication soit morale Il convient maintenant de passer aux travaux pratiques. Nous allons prendre, pour ce faire, le texte que monsieur Bruno LE ROUX, secrétaire national du PS, a donné en commentaire de la décision du gouvernement et du Président de la République de vendre 2,5 % du capital d'EDF pour financer des investissements dans les Universités.
Le Gouvernement, dit l'honorable monsieur LE ROUX, "se livre à un tour de passe-passe comptable. [...] La privatisation ne rapportera rien à EDF, ne va servir à l'Etat qu'à payer ce qu'il avait prévu de faire sur son propre budget".
Une des règles d'HABERMAS est parfaitement respectée ; monsieur LE ROUX dit d'où il parle : du PS. Nous savons donc qu'il donne l'avis d'un parti qui se réclame d'une économie partiellement (voir, pour certains, totalement) administrée par la puissance publique. Je vais donc à mon tour me situer. Je me réclame de la philosophie spéculative médiévale thomiste et de la philosophie néo-thomiste. En d'autres termes, du réalisme, et je crois qu'il est possible d'avoir sur les choses et les êtres un jugement de vérité.
Voyons si les mots ont le même sens pour lui et le public, l'interlocuteur auquel, vraisemblablement, il s'adresse. Monsieur LE ROUX utilise le mot privatisation. Il eut été plus honnête, intellectuellement, de dire "privatisation très partielle" ou "privatisation partielle", puisque l'Etat détient toujours plus de 80 % du capital. Il y a donc au pire un mensonge, au mieux un aveu, celui de ne rien vouloir lâcher au domaine privé de ce que l'Etat détient. Il serait intéressant de savoir ce que le PS pense de ce sujet en général, et monsieur LE ROUX en particulier. Mais ce qu'il convient de noter, c'est qu'EDF est une partie de la propriété nationale indivise et ce ne serait pas la première fois que les revenus ou le capital d'une entreprise publique sont employés au soutien, au maintien ou au renflouement d'une autre entreprise publique. Je ne parle pas de l'argent du contribuable qui, lui, est déjà largement redistribué pour boucher l'incroyable et inévaluable trou du Crédit Lyonnais ou pour abonder les comptes légèrement rouges de la SNCF. Si cet argent doit demeurer dans les caisses de chacune des dites entreprises, cela revient à dire qu'elles rentrent dans le régime commun de toutes entreprises, à ceci près qu'elles sont propriétés nationales. Il faut donc qu'elles s'autofinancent ou qu'elles empruntent, et non qu'elles survivent aux dépens du budget de l'Etat. Je suis partisan du maintien d'EDF dans le giron public et je trouve normal qu'une partie de son capital puisse servir à financer des projets d'intérêt public. Je trouve déjà moins normal qu'1% DU CHIFFRE D'AFFAIRE d'EDF soit attribué au Comité d'entreprise, dont le fonctionnement est, paraît-il, peu transparent, et a fait l'objet d'investigations diverses.
Pourquoi utiliser le mot "tour de passe-passe". Il n'y a rien dans cette opération qui ait été occulte ou honteux. Elle a été annoncée et exécutée selon l'annonce faite par le Président. C'est donc, de la part de monsieur LE ROUX, une figure de style, appréciative, ou plutôt dépréciative, de l'action publique. On peut désapprouver cette dernière, mais au nom de la règle numéro un d'HABERMAS, il faut faire le crédit de la bonne foi à nos gouvernants, et rejeter l'expression "tour de passe-passe"comme relevant d'une communication immorale.
Voyons maintenant si les dépenses de rénovation avaient été prévues sur le budget de l'Etat. Il se trouve que j'ai été vice-président de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg de 1982 à 1984, que j'ai siégé au Conseil de l'Université, et au Conseil Scientifique. Et il se trouve aussi que j'étais en charge, comme vice-président, des 215.000 mètres carrés affectés alors à notre Université. Les dotations attribuées à l'entretien des locaux se faisaient au mètre carré, mathématiquement, automatiquement. Ne figuraient au budget de l'Etat que les constructions nouvelles. Et je n'ai jamais vu, sous un gouvernement socialiste, de ministre de l'enseignement supérieur proposer un plan marshall de la rénovation des locaux. J'ajoute que les manifestations étudiantes contre le CPE, soutenues par le PS et accompagnées d'occupation de locaux, y ont entraîné des dégradations d'un coût considérable (plusieurs millions d'euros à la SORBONNE) qu'il a bien fallu réparer. Il me semble donc que les élus socialistes ont tout à fait le droit de soutenir les opinions étudiantes opposées à celles du gouvernement, mais ils ont aussi le devoir de protester contre ces déprédations. Sauf erreur ou omission, je n'ai rien entendu de tel dans leur bouche.
On pourrait continuer longtemps l'analyse de ce texte qui me semble bourré de contradictions logiques et d'incohérences doctrinales. Ce discours est connoté (et c'est normal dans le cas présent) mais il ne peut convaincre que les convaincus d'avance car il n'est pas juste, ou plus exactement ajusté.
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