jeudi 6 décembre 2007

Démocratie à la vénézuélienne

"C’est une victoire de merde. La nôtre, ils peuvent bien l’appeler défaite, est celle du courage". Voilà la manière personnelle, très particulière qu'a eu le Président Hugo CHAVEZ de commenter sa défaite au référendum constitutionnel. C'est que ce vote lui barre la route d'une nouvelle élection - le projet constitutionnel prévoyait qu'un Président en exercice pouvait se présenter autant de fois qu'il le voulait - puisque la constitution actuelle limite à deux le nombre de mandats. Mais il est entêté, monsieur CHAVEZ, et il ne renonce ni à se représenter, ni à transformer le Vénézuéla en République Socialiste. Il a évoqué implicitement la possibilité d'une initiative "populaire", c'est à dire d'un coup d'état dont l'initiative serait attribuée au "peuple", bien entendu.
Bien entendu toujours, il ne se trouvera aucun socialiste européen ou latino-américain pour condamner ces propos. On peut se demander s'ils condamneraient le coup d'état évoqué par leur "ami". Voilà où mène l'esprit de système porté au paroxysme : à justifier les moyens par la fin à atteindre.
On peut comprendre la déception d'un homme politique qui - à tort ou à raison - veut rendre à son pays la maîtrise de ses ressources naturelles. Sur ce point, à mon avis, il a raison. Il n'est pas juste que le pétrole soit pillé par quelques grandes compagnies qui se moquent allègrement des pauvres du tiers-monde et des pays en voie de développement. Mais faut-il pour autant devenir le socialiste de l'espèce la plus rétrograde, de celle qui courtise CASTRO et encense papa MARX ? Il y a là un pas qu'il ne faut pas franchir. Et la vraie démocratie eût consisté (a) à nationaliser dans un premier temps les industries pétrolières en dédommageant convenablement, mais sans les excès d'un capitalisme exacerbé, leurs propriétaires étrangers ; (b) à revendre aux citoyens et aux entreprises vénézuéliennes les actions de ces industries, à due concurrence de la valeur du capital nationalisé, en inventant un système de gouvernance souple, qui aurait pu donner à l'Etat un droit de veto provisoirement suspensif sur des décisions lui semblant aller à l'encontre des intérêts nationaux. Mais procéder ainsi, c'est ôter le pouvoir à quelques politiques mégalomanes, dont monsieur CHAVEZ me semble être l'un des plus remarquables spécimens, et le rendre vraiment au peuple. Je ne mets pas en doute sa bonne foi, mais je conteste sa lucidité politique. Et je ne suis pas certains qu'il soit le mieux qualifié pour discuter avec les ignobles preneurs d'otages, colombiens certes, mais d'abord marxistes, et sans doute un peu maffieux, qui retiennent des innocents prisonniers depuis six ans. Monsieur BESANCENOT dirait sans doute qu'on ne peut pas faire la Révolution sans faire de victimes, et donnerait à ces monstres l'excuse absolutoire.
En vérité, c'est la nature même de la démocratie, et jusqu'à sa possibilité, qui est en cause dans les gesticulations du Président vénézuélien. Et je me demande s'il n'exprime pas tout haut le secret désir, le dessein inavoué, de tous les chefs élus démocratiquement, qui est de garder coûte que coûte le pouvoir. Tout le monde, hélas, n'est pas Scipion l'Africain !

Aucun commentaire: