jeudi 24 décembre 2009

Dans la montagne de Judée

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"Il fait froid. Le vent vient du nord par petites rafales. Depuis longtemps, à Bethléem, on a éteint les lampes à huile ; de là où nous sommes je pouvais les voir trembler sur le rebord des fenêtres. Je n'arrive pas à dormir. Jean et Syméon le peuvent. Je ne sais pas comment ils font. Ils se sont assoupis, près du maigre feu, bien enveloppés dans leur houppelande de grosse laine. Le ciel est d'une pureté que je ne lui ai jamais connue ; la nuit est profonde ; les étoiles scintillent et, vers l'Est, je vois une comète, un astre qu'aucun de nos prêtres et de nos chefs ne nous avaient annoncé. Elle m'étonne mais ne m'inquiète pas. Les brebis dorment, serrées les unes contre les autres. Je ne sais pas pourquoi, mais il me semble que toute la nature est en attente. Et moi aussi"
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"Ai-je la berlue ? D'où vient donc cette lumière, à cette heure ? Une lumière que je n'avais jamais vue, d'un éclat qui n'offense pas la vue mais illumine pourtant toute la montagne où nous faisons paître nos troupeaux. Jean et Syméon en sont réveillés. Nous cherchons d'où elle peut venir. Elle tombe du ciel, de partout dans le ciel. Oui, c'est une lumière qui vient du ciel, pour sûr. Et ces chants, des chants d'une beauté, d'une harmonie, que j'en ai le coeur tout bouleversé : 'Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux. Pays sur la Terre aux hommes qu'Il aime'. Des anges ! Mais ce sont des anges. Je me frotte les yeux : des anges ? Pour nous ? Pour nous pauvres bergers qui n'avons pour biens que notre manteau et notre tunique ? Qui gardons des moutons dont nous ne sommes même pas les propriétaires ? Que disent-ils donc ? Ah ! Une grotte, un nouveau-né ? Il faut aller l'adorer ?"
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"Dans une mangeoire, un tout petit dort ; il est en paix. Il sourit. Et sa maman le regarde avec amour, tandis que le père s'affaire pour que l'enfant n'ait pas froid. Un peu de paille ici, et là, un manteau, par-dessus les petites jambes. Jamais je n'ai vu une telle beauté ; jamais mon coeur n'a été dans cette plénitude de paix, de joie, d'espérance. Nous avons eu raison d'écouter les anges. Quel cadeau ! Nous nous en souviendrons, hein Jean ?"
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"Te souviens-tu Jean ? Il y a trente-trois ans ? Cet homme, ce plus beau des enfants des hommes, tu as vu ce que nos chefs et nos prêtres en ont fait ? Il n'a plus figure humaine, et pourtant, il n'a rien fait de mal, il n'a fait que du bien. Et notre lâcheté est telle, que nous ne sommes même pas au pied de la croix, avec Marie et Jean de Zébédée. Maintenant, je te le dis. Je sais que c'est Lui. D'ailleurs le centurion l'a bien dit : 'vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu'. Alors si un centurion romain le dit... "
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"Jean, Syméon, mes amis, j'ai une nouvelle à vous transmettre, que je n'arrive pas à y croire ! L'homme que nous avons vu vendredi dernier cloué sur la croix, il est ressuscité. Je le sais, c'est Marc qui me l'a dit. Même qui les a accompagnés, lui et Cléophas, sur la route d'Emmaüs. Alors, c'était pour ça, les anges, c'était pour ça les chants venus du Ciel ! C'était pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, libérer les captifs et les prisonniers, faire parler les muets, et marcher les boiteux. Maintenant, je comprends, et mes yeux, à moi aussi, se sont ouverts. Ah, je me souviendrai ma vie durant de cette nuit dans la montagne de Judée. Oui, c'était Lui, c'est bien Lui. Et il demeurera pour toujours."
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