Le journal Métro titrait sur les propos de Nadine MORANO : "MORANO sur la mauvaise pente" et commentait ainsi son titre : "Les propos de la secrétaire d'état sur les jeunes musulmans suscitent la polémique".
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Je vais d'abord démasquer la manipulation du journaliste, qui titre et sous-titre comme je viens de le dire, en citant exactement les propos du ministre : "Moi ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c'est qu'il aime son pays, qu'il trouve un travail, qu'il ne parle pas le verlan, qu'il ne mette pas de casquette à l'envers. " Première manipulation : le journaliste parle de la condamnation des jeunes musulmans et ne précise pas qu'il s'agit des musulmans français, et il utilise un pluriel là ou le ministre met son propos au singulier, de sorte, deuxième manipulation, que l'on passe d'un souhait portant pour une personne à une condamnation de toute une catégorie. J'appelle cela de la malhonnêteté intellectuelle.
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Si les propos de madame MORANO peuvent paraître maladroits, il suffit de faire un petit effort pour comprendre, au contraire, qu'ils expriment le voeux que ce jeune français musulman puisse partager la langue et la culture de tous les jeunes français de son âge, et trouver du travail. Lui demander qu'il aime sa patrie est bien le moins que l'on puisse exiger de lui. Bien entendu, le détail vestimentaire n'est qu'un détail, et après tout, des joueurs de tennis portent aussi leur casquette à l'envers. Petite erreur du ministre. Voilà, en première analyse, ce que l'on peut dire de ces propos.
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Monsieur MOSCOVICI s'étrangle et s'offusque ; "ce débat sur l'identité nationale devient n'importe quoi, entraîne des dérapages". Fort bien. Je lui demande, et il n'y a pas d'ironie, s'il prendrait un jeune français musulman - fût-il diplômé - comme attaché parlementaire si le dit attaché s'obstinait à parler en verlan et portait sa casquette à l'envers. Honnêtement, je le crois pas, pas plus qu'ailleurs on ne prendrait ce jeune comme employé, dans un magasin ou une boutique. Il pourrait trouver, et encore, un métier dans lequel le contact avec le public n'est pas constamment requis.
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Vouloir qu'un jeune s'exprime correctement dans la langue de son pays, ait un travail et manifeste un comportement qui ne heurte pas ses compatriotes n'a rien de choquant. Ce qui me choque, c'est que l'on puisse se satisfaire de l'état de ségrégation linguistique, culturelle, sociale de ces milliers de jeunes gens qui, reconnus dans leurs qualités et leurs valeurs personnelles, sont capables du meilleur : j'en ai fait l'expérience avec mes étudiants et mes élèves.
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Le mot de la fin revient à François CHENG, de l'Académie Française. Dans ce petit live merveilleux qui s'intitule Dialogue, voici ce qu'il dit de la langue : [...] un idiome n'est pas seulement un instrument objectif de désignation et de communication ; il est également le moyen par lequel chacun de nous se fait progressivement, ce par quoi chacun se forge un caractère, une pensée, un esprit, un monde intérieur mû par des sensations et des sentiments, des désirs et des rêves. Une langue prend en charge notre conscience et nos affectivités. Et à un degré plus haut, elle est ce par quoi l'homme est à même de se dépasser en accédant à une forme de création, puisque toutes nos créations, au sens large, sont un langage. Je parlais du mystère du langage humain ; je suis prêt à affirmer à présent que c'est dans le langage, toujours au sens large, que réside notre mystère. C'est bien au moyen de notre langue, à travers notre langue, que nous nous découvrons, que nous nous révélons, que nous parvenons à nous relier aux autres, à l'univers des vivants, à quelque transcendance en laquelle certains d'entre nous croient."
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François CHENG est arrivé en France à la fin de la deuxième guerre mondiale. Il venait de Chine pour entreprendre des études à PARIS. Il ne parlait pas un mot de cette langue française dans laquelle, après l'avoir maîtrisée, (et comment !), il a choisi de s'exprimer, sans jamais renier, dans sa poésie notamment, l'influence déterminante des auteurs chinois. C'est un des écrivains les plus attachants, les plus raffinés, qui soient. Franchement, ne peut-on souhaiter à nos jeunes compatriotes d'origine étrangère, sinon un même parcours, du moins une pénétration intellectuelle aussi fine ? Vouloir le meilleur pour NOS jeunes, n'est-ce pas le souhait que tout être qui aime autrui, doit former pour lui.
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Les misérables sont ceux qui se satisfont de cette situation, l'encouragent même, pour des raisons idéologiques ou électorales. Ils ont du chemin à faire avant d'arriver au petit orteil de François CHENG.
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Ps : je m'absente jusqu'au 29 inclus. Reprise des billets le 30 décembre
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