lundi 12 avril 2010

La tentation d'ailleurs

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Par moment, je suis saisi d'une étrange passion : vivre dans une ferme toute construite de granit, au toit couvert de lauzes, une ferme perdue dans une belle clairière, nichée au fond des sombres forêts de la Margeride ! Aucun bruit, hormis celui du vent dans la cime des pins et des épicéas, et celui d'une aile d'oiseau, un oiseau solitaire et triste peut-être. Le premier voisin à 10 km de là. Une grande pièce unique pour vivre, travailler et dormir. Une grande cheminée où brûleraient l'hiver d'énormes bûches. Loin de ces hommes fourmis qui ne voient rien, plongés qu'ils sont dans leur journal, ou qui n'entendent rien d'autre que le bruit furieux du rap ou du rock, drogués par cette affreuse musique qu'ils enregistrent fiévreusement dans leurs MP3. Loin de ces affiches agressives qui ne font qu'exalter la richesse, le luxe, le confort, la bouffe, le sexe. Loin de cette insupportable agitation qui mime le choc des atomes dans la matière surchauffée.
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Bien entendu, c'est une tentation. Et je ne sais si je survivrais à l'épreuve du réel. Tant il est vrai que notre véritable maison, c'est ailleurs.
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Alors, comment faire ? Résister ! Résister en établissant autant de liens directs qu'il est possible avec les passants de la rue, les passagers du métro, les chalands des boutiques, par le sourire, par des mots simples. Montrer que nous faisons partie de la société des hommes. Ne pas se décourager. Ni les médias, ni les politicards de droite comme de gauche, ni les publicitaires ne doivent pouvoir entamer notre liberté de juger et de penser, et de réduire à de justes proportions leur importance - car ils en ont bien sûr ; le nier serait irréaliste. Et ne pas considérer l'espace public comme la salle de bal des ego boursouflés.
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Je conviens que tout cela manque de saveur et de pertinence. Mais il me semble que nous devons faire un effort pour rétablir de la civilité dans ces lieux où nous sommes amenés à croiser des inconnus, des hommes et des femmes dont nous ignorons l'histoire, les joies et les souffrances. En somme, l'homme réel, plutôt que l'homme imaginé par les idéologues, les "créatifs", et les marchands du temple.
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4 commentaires:

Romrik a dit…

Et encore: votre vie n'est plus à faire(si je peux me permettre!), car c'est totalement ce que je pense, et pour moi tout reste à faire!

Alors fort de ce constat l'été dernier, pour des raisons similaires "à l'agitation surchauffées d'atomes", proche d'une envie d'ailleurs: je me suis construit une cabane.
Seul au monde, sur le haut de ma colline dans un arbre à dix mètres de haut avec trente mètres carrés,pour un seul homme.

Or la nature reprends ses droits, et l'agitation d'atomes excite désormais les œufs d'un pigeon qui y a désormais élu domicile, renvoyant le Robinson morfond, à attendre la fin de la couvée pour recouvrer sa couvée.

Tout ça pour dire que si l'Homme se crée SON monde, un monde qui lui sert, lui ressemble, acquis à sa cause, et dont il sait tirer profit, la nature elle le rappelle tôt ou tard à SA réalité d'animal, empiétant sur ses congénères.

Mais outre cela, le "ailleurs" est quelque chose qu'il faut se refuser.Tout le monde à envie d'ailleurs, et quand ce n'est pas lui qui va au devant de cet ailleurs, c'est l'ailleurs qu'il ramène au plus proche de lui, telle une irrépressible envie.
Mais pour quel résultat?
Une plante dont les conditions ne sont pas les nôtres, des sensation de vacances qu'il pourrait trouver à deux pas de chez lui alors qu'il va à l'autre bout du monde.Une envie de solitude, qui sera d'autant plus dur au retour de la réalité de son monde quitté.

Il y a deux semaines je suis allé sur Paris, et j'en conviens que pour le pur campagnard provincial, tout cela parait affolement manqué de sens.De sens psychique et naturel.
Non, je n'ai pas vu Emilie.Mais j'y est vu des Emilie...Est ce mieux?
Mais j'avais l'impression d'être une fourmis en effet, peut être un peu trop marqué par la lecture "des fourmis" de Werber du moment.Mais de voir la vitesse et la densité des habitantes guerrières et ouvrières, sortir et entrées dans leurs fourmilières mobiles, je me disais que même les fourmis sont bien plus évoluées et communicatives que ce monde de fantômes. ( n'est ce pas la fourmis du blog!)

Mais pire encore fut de voir ce que vous échaffaudé avec vos brindilles de métal et de verre.
Mais pire encore fut de voir à quel point vous répudiez ce qui vous rappelle le milieu naturel du lequel vous êtes issu.
Mais pire encore fut de voir que ce qui est crée est aussitôt inutilisable par votre désir.
Mais pire encore fut de voir l'abondance côtoyée le manque.
Mais pire encore fut de voir votre certitude ne manquer de rien.

MAIS VOUS MANQUEZ ET PASSEZ A COTE DE TOUT...

Et ce monde, ce "sur monde" de tout temps désiré, et aujourd'hui concrétisé, j'espère qu'il sera demain récusé.

Cela est la pensé d'une frêle fourmis née de la première pluie mais qui témoigne au vu de ces congénères.

Alors oui la tentation d'ailleurs,tant irrépressible, n'a qu'un but oublié son environnement, qui lui est tout autant irrépressible.
Car je ne connais aucune fourmis qui tenté par les rayons du soleil de l'extérieur n'est pas revenu illico dans sa fourmilière.
La solution à cela est peut être le rêve et l'imagination qui apporte, laisse, et est capable de concrétiser toute tentation.

L'animal n'étant qu'un animal parmi les animaux...L'homme n'étant qu'un cannibale parmi les caniveaux!

(=>tiens je suis pas peut fier de ma conclusion un peu tirer par les antennes!)

Bon courage pour votre résistance, et que ne soit pas vain votre désir de civilité en vos lieux, mais très illusoire quand même!

Romrik a dit…

Promis la prochaine fois je relirai mes accords de temps...

Geneviève CRIDLIG a dit…

A Romrik :
Quel étonnement ! Votre style m’étonne. A chaque pas de votre avancée. Est-ce bien un jeune qui signe ce commentaire, un étudiant ? et un étudiant en pharmacie ? Foi de Fourmi [sans "S" svp – Excusez ,jeune homme ! J’ai gardé désespérément des réflexes de correction ...] J’ai gardé certainement aussi des a priori sans beaucoup d’espoir dans ce domaine linguistique sauf exceptions. Il me faudra réviser ces préjugés pessimistes sur l'avenir de notre langue.

Foi de Fourmi, disais-je, je me suis même arrêtée plusieurs fois pour le relire. J’ai même fait demi-tour pour apprendre par cœur 4 de vos phrases :
( = du rarement vu dans ma fourmilière... qui, entre parenthèses, n’a rien à voir avec celles de ces êtres étranges nommés par l’auteur « des hommes fourmis ». J’étais un peu déçue d’ailleurs de voir ces rapprochements négatifs. Il faudrait tout de même pas mettre le nom de mon espèce à toutes les sauces...Heureusement que vous avez rétabli la situation à son juste niveau. Je vous en remercie.)

Savez-vous, Monsieur Romrik, que vous avez un don d’écriture... joint à celui d’une perception aiguisée du réel – sans doute affiné et perfectionné par la pratique de l’observation et de l’analyse de la matière que vous exercez quotidiennement.
Il interpelle. Dommage qu’il ne puisse être exploité dans votre domaine de la Pharmacie. En dehors des rapports ou de publications, je ne vois pas d’occasions de le mettre en valeur.

C’est sûr que vous ne pourrez pas raconter des histoires de cabanes dans un laboratoire – sauf si vous aviez quelques années de plus et qu’un peu de hasard vous ait conduit dans celui dirigé par P.Poindron.
Plus qu’un point commun, cette fibre d’écrivain.

Finalement vous les scientifiques, vous avez la chance de posséder naturellement ce qu’on appelle des prérequis. Ensuite il y a ceux qui savent les faire émerger.
Alors commence l’aventure de l’art.

olibrius a dit…

Et puis il y aussi les fourmis qui se font écraser! Alors Fourmi, arrétez de vous prendre pour une fourmi et mettez en valeur qui vous êtes, fût-ce dans les Vosges... mais pas trop long svp.