jeudi 18 novembre 2010

Un poème chinois, pour respirer

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Il existe une série de poèmes chinois, Les dix-neuf poèmes anciens, auxquels on a donné le nom de "Mère de la poésie". Une récente traduction de cette oeuvre prestigieuse a paru. On la doit à Jean-Pierre DIENY, et à la diligence des Éditions Les Belles Lettres. Je ne peux m'empêcher, alors que nous marchons à grand pas vers l'hiver, je ne peux m'empêcher, disais-je, de vous faire partager le poème N°17, que je trouve absolument splendide.
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Au premier mois d'hiver les souffles froids surviennent,
Oh ! l'âpreté du vent du Nord !
Un grand chagrin m'instruit de la longueur des nuits ;
Là-haut, sous mes regards, la foule ordonnée des étoiles.
Trois fois cinq jours : la lune claire est pleine,
Quatre fois cinq : lièvre et crapaud s'échancrent.
Un visiteur venu des cieux lointains,
M'a remis une lettre.
Et ces premiers mots : "je ne vous oublie pas",
Les derniers mots : "la séparation dure".
Je l'ai glissée dans mon sein, dans mes manches.
Trois ans n'ont pu en effacer les lettres.
Mon coeur n'est plein que de pensée d'amour,
Mon seigneur, je le crains, n'en a pas connaissance.
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Le poème chante la loyauté d'un fidèle serviteur, qui, séparé depuis longtemps de son épouse pour servir son Seigneur - loin de sa maison -, reçoit une lettre de son aimée. Sentiment de la nature, concision, beauté des images, tout est là pour susciter notre admiration. Quand vous saurez, en outre, que chacun de ces vers, si bien traduits, de comporte que cinq caractères, vous comprendrez le raffinement de ce poème.
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Si j'ai, aujourd'hui, parlé de poésie, c'est que je suis stupéfié de voir les réactions des opposants au discours du Président de la République. J'ai voulu faire une pause, avant de démontrer la mauvaise foi ou la bêtise ou les deux, de ceux qui ont des oreilles mais n'entendent pas, ont des yeux mais ne voient pas. A demain donc pour un commentaire que je souhaite le plus distancié possible.
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4 commentaires:

potomac a dit…

Une prière, une seule: vos conclusions sur la bétise de ceux qui n'essaient que de détruire: mettez nous en copie sur le blog... les originaux envoyez les au siège du PS. Oserez-vous?

Philippe POINDRON a dit…

J'oserai

Anonyme a dit…

Cher Professeur. Voici la version originale du poème :

古诗十九首

之十七

孟冬寒气至,北风何惨栗。
愁多知夜长,仰观众星列。
三五明月满,四五蟾兔缺。
客从远方来,遗我一书札。
上言长相思,下言久离别。
置书怀袖中,三岁字不灭。
一心抱区区,惧君不识察。

La traduction française de Monsieur Dieny est très fidèle.

Je vous souhaite une bonne fin de semaine.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Rougemer,

en relisant mon billet, je réalise que j'ai commis une erreur. Chaque vers comporte cinq caractères, et non pas quatre (comme je l'avais dit et comme vous le confirmez en nous donnant la version originale de ce poème), qui était - mais vous le savez mieux que moi - la forme classique de la poésie de l'époque. Comme vous le savez, j'ai commencé l'étude du chinois : je suis émerveillé de la beauté des caractères et de leur équilibre. Et cette poésie, toute en symbole, en correspondances, en allusion, en harmonie n'a rien à envier à un Ronsard, un Racine, un Dante ou un Goethe. Merci pour vos remarques. Je n'oublie pas que je dois vous donner les sources sur l'arrangement de la direction de Total et de ses employés.