Quand, il y a trois jours, je vous faisais part du jugement de Léon BLOY sur le Bien et Mieux, en terminant mon billet par un constat désabusé sur le peu d'exigences que nous imposons à nos jeunes dans les écoles, collèges, lycées et universités, je ne pensais pas que les événements viendraient illustrer mes propos d'une manière si éclatante.
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Le programme international pour le suivi des acquis des élèves [PISA] vient de faire paraître les résultats de son étude. Elle porte sur l'évaluation des connaissances d'adolescents de 15 ans dans les 34 pays de l'OCDE et les 31 pays ou économies partenaires. On note ces jeunes sur leur compréhension de l'écrit, des mathématiques et des sciences. La France n'arrive qu'en 22e position, très loin derrière les pays de l'Asie du Sud-Est (Chine, Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong, lesquels sont devant la Finlande, premier pays européen).
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Voici les commentaires du ministre ; il y a de quoi se taper le derrière par terre.
"Nous sommes dans la moyenne, nos résultats sont stables et comparables à ceux des grands pays développés comme les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, et le Danemark". Notant toutefois que le nombre d'élèves en difficulté est passé de 15 % en l'an 2000 à 20 % aujourd'hui, le ministre confesse : "C'est un point d'alerte pour nous". Ah ! Quelle belle phrase ! Quelle superbe litote ! Un point d'alerte ? Vous vous rendez compte ? Dans le pays développé qui dépense le plus au monde pour son enseignement, il y a 20 % des jeunes de 15 ans qui sont en difficulté, un élève sur 5, et c'est ce jugement dormitif, lénitif et tiède que le ministre porte sur ce désastre ?
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Comment en sommes-nous arrivés là ? A mon avis, pour plusieurs raisons. (a) La première est l'invasion des pratiques éprouvées par des Cosinus prétentieux qui prétendent mettre en système les méthodes et les contenus éducatifs. On ne dira jamais assez le mal que les spécialistes en "Science de l'éducation" ont fait à l'éducation ; comme si l'on pouvait mettre en équation ce qui relève de la relation interpersonnelle entre un enseignant bienveillant, maître de ses savoirs, exigeant et ferme et ses élèves. (b) La seconde relève d'une fausse idée de l'égalité. Tout le monde pareil. C'est idiot. Un garçon de 15 ans qui fait 1,75 m de taille n'aura jamais les mêmes aptitudes pour le basket qu'un garçon du même âge qui fait 1,95 m. Un rêveur et un actif n'ont pas les mêmes centres d'intérêt ni les mêmes méthodes d'apprentissage. La véritable égalité consiste à donner les mêmes moyens et chances à ceux qui ont les mêmes aptitudes. (c) La troisième raison tient à une conception erronée de l'enseignement : qu'on le veuille ou non, la relation enseignant-enseigné est dissymétrique. L'un sait (ou est censé savoir), l'autre non. La fonction de l'enseignant est de transmettre des savoirs constitués, non pas de permettre à l'enseigné de construire lui-même son savoir. Il faut être fou pour croire à la pertinence d'une telle utopie. (d) La dernière raison tient à l'absence totale de sanctions (au nom de l'égalité, toujours) que ce soit par des mentions (depuis les félicitations jusqu'au blâme) ou des punitions (de la consigne aux devoirs supplémentaires). Le rapport PISA indique que le niveau de discipline dans les établissements français est un des plus bas de l'échantillon étudié. Et il est avéré que ce sont "les pédagogies les plus coercitives qui fournissent les meilleurs résultats" (dixit Jean-Paul BRIGHELLI, enseignant et essayiste).
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Bien entendu, dans la même ligne que BOURDIEU et PASSERON, Philippe MEIRIEU, "spécialiste de l'éducation" implique, de la manière la plus idéologique qui soit "le fantasme de faire des économies sur l'éducation", et dément catégoriquement que le niveau baisse. Il affirme que "le système français est une machine à fabriquer des inégalités" mais que "les écarts se creusent entre ceux qui ont accès aux bonnes études et ceux qui sont condamnés à la ghettoïsation". Tiens, tiens ! Mais Philippe MEIRIEU ne fut-il pas un ardent défenseur de la sectorisation (c'est-à-dire de l'obligation d'inscrire ses enfants dans l'établissement scolaire dont relève la résidence des parents des enfants) ? Il semble me souvenir que oui. Si pas de sectorisation, possibilité d'avoir accès aux bonnes études ? Y-aurait-il de mauvaises études ? quelles en sont les caractéristiques ? Et de mauvais établissements ? Même question.
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Il me semble que ce qui est juste serait de détecter ceux de nos enfants qui ont les meilleures aptitudes dans tel ou tel domaine, en offrant un très large éventail d'aptitudes à évaluer. Une excellente aptitude manuelle - qui n'est pas l'aptitude de tout le monde - peut faire un excellent artisan ; et des passerelles doivent permettre de se former dans de nouveaux domaines quand on se découvre de nouveaux goûts, qualités et désirs.
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Je vais vous faire une confidence. Quand j'étais assistant à ce qui était encore l'Université de Paris, je donnais des cours à des jeunes gens et jeunes filles qui préparaient un BTS de Biologie. A l'époque, le baccalauréat n'était pas nécessaire pour passer ce diplôme. Je comptais parmi mes étudiants un jeune homme d'une exceptionnelle rapidité d'esprit mais qui avait été collé au Bac. J'ose dire que, grâce à moi, il a pu faire de superbes études, DEA, thèse de troisième cycle, thèse d'état, et qu'il est devenu en son temps le plus jeune Directeur de Recherche de l'INSERM. Je comptais parmi mes collaborateurs, un jeune homme qui avait commencé avec un CAP de mécanique automobile, et qui est aujourd'hui Maître de Conférence Hors Classe, après avoir soutenu sa thèse dans le laboratoire dont j'étais responsable. Et que dire de D..., aide-soignant dans un grand hôpital régional, qui a pu préparer une thèse d'Université chez nous, puis a passé brillamment une Maîtrise en économie de la santé, et est aujourd'hui Surveillant-chef, responsable de tout le personnel soignant d'un hôpital hyperspécialisé.
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Oui, le Mieux est mieux que le Bien. se contenter de la moyenne est indigne de notre pays. Et s'il faut, dans les banlieues, séparer les enfants issus de l'immigration, les intégrer dans des classes à petits effectifs pour mieux leur transmettre les savoirs, il faut le faire. Ils méritent mieux que le je-m'en-foutisme, l'à-quoi-bonisme et la politique du chien crevé au fil de l'eau. Ce ne sont pas les moyens qu'il faut abonder, ce sont les méthodes et les regards qu'il faut changer.
PS : je prie mes lecteurs de m'excuser pour les fautes que j'ai laissées dans la première version de ce billet, la plus drôle étant sans doute BLOIS au lieu de BLOY.
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5 commentaires:
Cher auteur,
pour compléter votre billet je parlerais d'un petit texte de Chesterton (cité
de mémoire) :
"Beaucoup d'auteurs très mesurés dans d'autres domaines sont très fous et très utopiques sur le sujet de l´éducation. C'est lá une chose étrange et très regrettable, car s'il y a un domaine dans lequel on doit rester très prudent et reservé, voire même
immobiliste, c'est bien celui de l'éducation de la jeunesse. Un de mes amis très chers
a la particularité de désirer très fortement de tirer à vue sur tous les Allemands ; mais au moins il n'a pas à sa disposition un Allemand pieds et poings liés pour lui tirer dessus tous les jours. En revanche, un enseignant a devant lui tous les jours un élève pieds et poings liés pour appliquer ses "théories de l'éducation"."
L'Éducation Nationale actuelle est un véritable laboratoire en effet, avec ses savants émerveillés, leur tête collée à leur microscope. Que sortira-t-il de ce laboratoire?
Et puis, quelle est la raison de fond de toute cette "idolâtrie de l'éducation" (formule
de Chesterton, à nouveau)? Pourquoi emm... -t-on le Jeannot manuel avec
tous ce mammouth de livres, d'images et de mots? C'est que ,dit-on, Jeannot a besoin
d'être un requin aussi rusé que les autres, il a le droit d'entuber autant qu'il se fait entuber
dans ce monde capitaliste et méchant. Condorcet ne dit pas autre chose.
Que cela est loin du message du Christ, qui suppose l'amour universel entre les hommes
et le réalise ...
E. D.
Ah, que c’est drôle! Hier après midi, sur l’autoroute du Sud, en écoutant les infos et les résultats de PISA, je pensais: il faut que je parle de Philippe Meirieu! Et voilà que je trouve le billet de Philippe Poindron qui nous parle de Meirieu: le Freud de l’éducation nationale, le bourreur de crâne de nos professeurs, le Bernard Friot du pédagogisme, le Marat des syndicats acquis aux idées du pape Meirieu, le Directeur national de la pédagogique socialiste pour les IUFM, celui qui a formé des milliers d’enseignants à la contestation, qui, eux-mêmes, jettent, chaque année, dans la rue, les enfants de la France. L’homme applaudi, qui, dans ses quelques instants de lucidité, enfonce des portes ouvertes. Mais il faut le dire ! S’il fut la référence pour les politiques d’éducation du PS, l’autre Gauche ne l’a jamais remis en cause. Heureusement pour lui qu’il ne vécut pas dans une de ces républiques socialistes, car il aurait disparu dans les caves de la Guépéou pour absence de résultat et ennemi du prolétariat. Les socialistes l’ont lâché, ces théories ne faisaient plus recette, il a trouvé un hébergeur, les VERTS. Tête de liste du trio Cohn Bendit et consort en Rhône- Alpes, il exerce une fonction nouvelle, vice-président de cette région gouvernée par les socialistes, au titre prometteur de ‘chargé de la formation tout au long de la vie’. Anne Coffinier et Natacha Polonyon ont bien eu raison de remettre en cause le gourou Meirieu.
Cher Professeur, J'ai été informé de cette enquête sur le suivi des acquis scolaires par la BBC qui a elle-même enquêté. C'était précisément hier, le 8 décembre. Le journaliste anglais a interviewé une spécialiste américaine de l'éducation. La professeuse a bien admis que les étudiants chinois deviennent de plus en plus compétitifs. Cependant elle a souligné que la base de l'éducation chinoise est la mémorisation. Alors que la base de l'éducation américaine est la créativité. Il faut admettre que les américains aiment avoir le dernier mot, n'aiment pas que les chinois marchent sur leurs plates bandes. D'autre part, j'ai lu un article sur un blog d'une professeuse chinoise déplorant l'état un peu précaire de l'éducation en Chine, surtout dans les classes laborieuses. Je dois aussi dire que le peuple chinois est moyennement nettement plus cultivé que le peuple américain , et sans parler du peuple français. Le peuple chinois a une grande estime de sa propre culture. Mise à part le système scolaire, les parents, la famille, les amis et les relations en général entre les gens sont un moyen pour les jeunes d'apprendre. Je vous souhaite une agréable journée, professeur. À vous lire prochainement.
Cher Rouge Mer, la nation Chinoise comme vous le savez probablement est dirigée par des ingénieurs, ce n'est pas le cas de la France. Ceci étant un jour cette différence sera cruelle pour notre pays,elle s'ajoutera à d'autres naufrages par manque de courage de nos dirigeants corrompus.
Cher Tippel, vous avez entièrement raison. Les dirigeants chinois sont aujourd'hui des ingénieurs. Car il faut 'bâtir' la Chine nouvelle. J'aimerais dire une anecdocte : des nombreux chinois de l'âge du professeur Poindron ont fait fortune il y a trente ou quarente ans. Ils avait à peine le niveau collégial. Mais ils ont ' bossé ' d'arraches pieds pour y arriver. C'est le cas du milliardaire Li Jiacheng, que les chinois vénèrent. Aujourd'hui en Chine la tendance est qu'il faut étudier ce qui est " rentable " c'est à dire ce qui peut aider à trouver un emploi et gagner de l'argent. Je rappelle aussi que l'éducation scolaire en Chine est prise en charge financièrement par les familles et non pas l'État et les contribuables. Donc en Chine, il n'y a pas " d'éducation nationale " mais une " éducation familiale. " Je vous souhaite une bonne journée, Cher Tippel. Meilleurs respects au Professeur.
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